Editorial

La marche à la guerre

La réconciliation spectaculaire de Trump avec Poutine, sur le dos des Ukrainiens a choqué nombre de commentateurs. Trump et son vice-président, Vance, ont publiquement insulté Zelenski et coupé l’aide militaire à l’Ukraine. Les dirigeants européens se sentent lâchés par la première puissance impérialiste.
Ils ont aussitôt assuré Zelenski de leur soutien, un soutien tout aussi hypocrite que celui des États-Unis, puisque la question, au bout du compte est de savoir qui aura le plus gros morceau dans l’exploitation des ressources ukrainiennes après la guerre.
Dans les jours qui ont suivi, Von der Leyen a exhibé un plan de refinancement pour renforcer la militarisation de l’Europe tandis que chaque dirigeant européen y allait de sa proclamation guerrière : pour Macron, « La menace russe est là », le chancelier allemand, Merz, a demandé à être protégé par le bouclier nucléaire français et le premier ministre anglais parle d’envoyer des troupes européennes en Ukraine. Les dirigeants des vingt-sept pays européens se réunissent en urgence à Bruxelles pour discuter du plan de Von der Leyen, mais il n’y aura de débat que pour la forme : tous sont d’accord pour augmenter les budgets européens de l’armement.
Cet argent européen, auquel s’ajouteront probablement les budgets militaires de chaque pays, remplira les coffres des Thales, Dassault, FN, BAE et autres marchands de canons. Les plus grandes entreprises d'armement du monde ont déjà enregistré des bénéfices de près de 600 milliards d'euros l'année dernière, profitant des guerres à Gaza, en Ukraine et ailleurs. Airbus, par exemple, a vu les profits de sa branche militaire augmenter de 20 % grâce à ses accords sur les drones militaires avec l’armée israélienne.
D’où va venir cet argent ? En Belgique, les partis de la coalition Arizona, qui viennent d’annoncer leur politique d’austérité, prétendaient qu’il n’y avait plus d’argent pour les services publics, les écoles et les hôpitaux, qui manquent pourtant déjà cruellement de moyens ; ils utilisaient l’argument de l’endettement pour lancer la chasse aux chômeurs et aux malades. Eh bien, les voilà qui s’apprêtent à dépenser quatre milliards d’euros supplémentaires pour acheter des armes. Théo Franken assure qu’il a le soutien de tous les partis pour augmenter le budget de la Défense, quitte à s’endetter en lançant un emprunt « Défense »… Encore une dette qui va profiter aux banques et aux industriels et qu’ils ne manqueront pas d’essayer de faire rembourser par les travailleurs.
Au nom de la défense de la souveraineté nationale ou de l’Europe, ces politiciens se mettent au garde-à-vous devant les généraux et les marchands de canons. Ils participent par avance à l’union nationale pour la guerre.
Face à la volonté de domination américaine affirmée avec le cynisme et la brutalité d’un Trump, les dirigeants européens tentent de se faire passer pour les gardiens des valeurs démocratiques. Mais c’est une posture hypocrite et mensongère.
De l’Afrique au Moyen-Orient, ils n’ont cessé de se répartir des zones d’influence, de fomenter des guerres, de tailler des frontières au milieu des peuples ou de soutenir des dictateurs qui leur étaient utiles, avant de les lâcher du jour au lendemain.
S’ils s’offusquent parce que les brigands Trump et Poutine se réconcilient pour se partager les richesses de l’Ukraine, c’est uniquement parce qu’ils sont écartés du butin. Le revirement américain en Ukraine prend les Européens à contre-pied. Mais l’objectif de Trump est le même que celui de Biden : assurer l’hégémonie américaine sur le monde. Les moyens pour y parvenir changent, au gré de l’évolution des rapports de force.
Si, aujourd’hui, Trump lâche les dirigeants ukrainiens, ce n’est ni parce qu’il est fou ou sous l’emprise de Poutine ni parce qu’il voudrait apporter coûte que coûte la paix dans le monde. C’est parce que, après trois années de guerre, l’impérialisme américain fait ses comptes et estime utile de faire la paix avec Poutine.
Dans le renversement des alliances qui s’effectue sous nos yeux, dans ce bras de fer entre brigands, les travailleurs ne doivent pas serrer les rangs derrière leurs dirigeants politiques ou leurs généraux.
Qu’ils défendent la souveraineté nationale, une défense européenne ou le maintien d’une alliance avec les États-Unis, les politiciens qui se disputent le pouvoir sont tous d’accord pour défendre les intérêts des capitalistes. Quelle que soit l’option qu’ils défendent, ils nous la feront payer, par des sacrifices financiers aujourd’hui, au prix du sang demain. S’opposer à l’avenir sanglant que le capitalisme nous prépare commence par refuser l’embrigadement derrière nos dirigeants et les sacrifices qu’ils nous promettent.


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