Lundi 29 février la direction de l’usine Renault de Bursa, en Turquie, a annoncé le licenciement de dix travailleurs, dont deux délégués désignés par leurs camarades. Elle voudrait briser le mouvement de protestation en cours depuis plusieurs semaines.
Depuis leur grève du printemps 2015, qui a obligé le patron à compenser par des primes une partie du manque à gagner dû à l’inflation, les travailleurs de cette usine d’environ 5 000 ouvriers sont restés mobilisés, organisés et solidaires. L’agitation a repris début janvier. Après la décision du gouvernement d’augmenter le salaire minimum national de 1 000 à 1 300 livres (soit environ 350 euros), les travailleurs ont revendiqué que l’ensemble des salaires soient réajustés dans les mêmes proportions pour tenir compte de l’inflation, qui continue et ne cesse de ronger le pouvoir d’achat.
Depuis janvier, des manifestations massives ont donc lieu dans l’usine, s’accompagnant de la grève des heures supplémentaires que la direction rend obligatoires. Une organisation basée sur les délégués d’UET (unités de production d’environ 20 personnes), qui sont environ 200 à l’échelle de l’usine, s’est mise en place pour décider des mouvements.
La combativité des travailleurs de Renault Bursa en encourage d’autres à travers le pays. Des mobilisations pour les mêmes raisons ont eu lieu non seulement à Bursa, mais à Istanbul, à Izmir et dans d’autres villes. Bien des travailleurs disent vouloir faire « comme chez Reno » et il arrive que cela suffise à faire céder un patron, comme chez Hyundaï près d’Istanbul où celui-ci a cédé une prime exceptionnelle de 2 000 livres pour éviter d’avoir à faire face à un mouvement.
Tous les patrons se souviennent en effet qu’au printemps, en même temps que Renault, la grève avait touché de nombreuses usines comme Bosch, Fiat, Ford, Valeo, Delphi, Türk Traktör et d’autres, les forçant eux aussi à céder des primes pour calmer le mécontentement. En tentant de briser le mouvement chez Renault, la direction répond donc aux désirs de l’ensemble du patronat, celui de la métallurgie en particulier, et derrière lui du gouvernement Erdogan qui veut stopper le développement de telles luttes sociales.
Les travailleurs de Renault ont répondu à cette provocation en se mettant en grève et en occupant l’entreprise. Mardi matin 1er mars, la police a tenté sans succès de disperser les travailleurs, accompagnés des familles, venus devant l’usine pour soutenir ceux qui se trouvaient à l’intérieur. La police a procédé à des arrestations et cherche à faire sortir les occupants.
Le gouvernement et le patronat ont décidé d’engager une épreuve de force, mais il n’est pas sûr qu’ils la gagnent : les travailleurs de Renault Bursa sont entourés de la sympathie et de la solidarité de milliers d’autres.