Six ans après le coup d’État qui a porté le maréchal Sissi au pouvoir en Égypte, des centaines de manifestants ont contesté sa dictature, les 20, 21 et 22 septembre.
Après la diffusion virale sur les réseaux sociaux de la vidéo d’un entrepreneur égyptien en exil accusant le pouvoir de corruption, et dénonçant concrètement Sissi et ses proches se faisant construire par exemple de somptueuses villas, des manifestants se sont rassemblés par centaines. Au Caire place Tahrir, à Alexandrie, Suez, Mahalla et d’autres villes ouvrières, ils ont scandé « Sissi, dégage ! » et « Dites-le, n’ayez pas peur, Sissi doit partir ». Ils ont bravé les lois qui, depuis 2013, interdisent toute manifestation ou rassemblement. Depuis cette date, des centaines de sentences de mort ont été prononcées par les tribunaux militaires, 60 000 arrestations ont eu lieu, sans compter les disparitions forcées, tabassages et tortures. Systématiquement, les ouvriers débrayant pour réclamer leurs arriérés de salaire sont arrêtés, aussitôt qualifiés de terroristes et poursuivis à ce titre. Et cependant des travailleurs et des jeunes, des opposants, ont eu le courage de braver la police, les nuages de lacrymogènes, les tirs à balles de caoutchouc et même réelles.
Aussitôt, le black-out a été instauré. Des sites d’information comme celui de la BBC ou Facebook Messenger ont été coupés et le service du renseignement égyptien a averti les journalistes étrangers pour leur dire qu’il les surveillait de près.
Sissi et l’armée au pouvoir ont du mal à maintenir la fiction de la bonne situation des cent millions d’Égyptiens. L’austérité s’est accrue avec la suppression de subventions sur le carburant et des produits de base. En juillet, un tiers de la population a été recensée au-dessous du seuil de pauvreté, fixé à 1,30 euro par jour. Récemment encore, des ouvriers ont été arrêtés à Ismaïlia, dans le nord-est du pays, pour avoir manifesté contre leur patron et contre la perte de pouvoir d’achat face à l’inflation. Accusés de blocage des rues, ils n’ont été libérés qu’une semaine plus tard par la justice.
En visite à New York au moment des manifestations, le dictateur a pu faire mine d’ignorer les refrains scandés dans la nuit égyptienne. Mais la situation des travailleurs et de la population pauvre est source de colère, présente et à venir.