Dans trois gouvernorats de Tunisie, à Siliana, Gabès et Gafsa, des grèves ont eu lieu le 27 novembre à l’appel du syndicat UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens).
Des motifs particuliers étaient mis en avant. À Siliana, à 150 kilomètres au sud-ouest de Tunis, il s’agissait de rappeler la répression, perpétrée par la police il y un an, des manifestations populaires qui réclamaient le départ du gouverneur. Elle avait fait en trois jours plusieurs centaines de blessés dont les autorités avaient promis de prendre les soins en charge, promesse sans suite. Le pouvoir s’était à l’époque également engagé à investir dans cette région déshéritée, sans plus de suite.
À Gabès, sur la côte est, la grève et les rassemblements étaient appelés pour protester contre la décision de ne pas inclure la région dans la liste de celles où seraient construits une faculté de médecine et un centre hospitalier universitaire. Dans cette ville polluée où l’industrie chimique de transformation des phosphates ne crée pas d’emplois, la décision du pouvoir a été reçue comme la preuve que rien n’est fait, malgré les promesses, pour développer les régions les plus pauvres.
Quant à Gafsa, la région minière symbole, dès 2008, des grèves ouvrières qui conduisirent au départ de Ben Ali en janvier 2011, elle reste parmi les plus pauvres du pays. Bien des raisons ont là aussi poussé les travailleurs et les chômeurs à répondre à l’appel à la grève lancé par l’UGTT. Des manifestants ont tenté d’envahir le siège du gouvernorat avant de s’en prendre au siège du parti islamiste au pouvoir, Ennahda, et d’incendier ses locaux.
La pauvreté, la misère de certaines régions, le chômage et l’inflation qui continuent de croître restent le lot de la majorité de la population. Beaucoup, sans travail et sans terre leur appartenant, viennent d’apprendre l’augmentation, décidée pour début 2014, de la baguette et du litre d’essence. Une telle menace pèse également sur d’autres produits de première nécessité, le sucre, le thé, le café et les tomates en boîte.
Dans le même temps où le gouvernement annonçait le gel des salaires des fonctionnaires dans le budget 2014, plusieurs milliers d’employés se retrouvent au chômage dans le secteur de l’industrie touristique, et Tunisair annonce un plan de suppression de 1 700 emplois.
Cela n’empêche pas Ali Lâaryedh, le chef du gouvernement, en sursis tant que partis de gouvernement et opposition officielle ne se sont pas mis d’accord sur un autre nom, de défendre ce budget 2014, prétendant qu’il a « été élaboré avec le souci de préserver la classe moyenne et de ne pas amputer son pouvoir d’achat ». Le gouvernement aurait aussi fait en sorte « d’épargner la classe aisée afin qu’elle puisse apporter sa contribution au développement ».
Trois ans après le début des mobilisations qui ont fait tomber Ben Ali, la méfiance légitime de la population envers le gouvernement « de transition » ne fait que s’accroître, parallèlement au chômage et aux espoirs déçus.