Le jour même de la manifestation nationale qui a rassemblé 120 000 travailleurs au centre de Bruxelles contre le gouvernement et sa politique d’austérité, la presse révélait une évasion fiscale de plusieurs centaines de milliards d’euros via le Luxembourg.
Tout cela a été révélé par un groupe de journalistes d’investigation qui a découvert que 340 multinationales avaient passé des accords fiscaux secrets avec le Luxembourg à l’époque où Jean-Claude Juncker était Premier ministre, ce qui leur a permis de ne pas payer des milliards d’euros d’impôt dans leur pays d’origine.
Que le Luxembourg soit un paradis fiscal n’est pas une découverte, mais cette enquête jette une lumière crue sur ces pratiques et sur les bénéficiaires d’une fiscalité légère : Amazon, Ikea, Pepsi Cola, Heinz, Verizon mais aussi des grandes fortunes bien belges comme la famille de Spoelberch du premier brasseur mondial AB Inbev ou Albert Frère du Groupe Bruxelles Lambert ou des sociétés comme Dexia (avant l’ère Belfius) ou Belgacom, ont évité de payer des milliards d’euros d’impôt. Ce sont au total 548 arrangements fiscaux qui ont été secrètement conclus pendant le mandat du Premier ministre Juncker, de 1995 à 2013.
Ces accords permettent aux entreprises les plus profitables de la planète de ne payer pratiquement pas d’impôts, mais ils privent de recettes fiscales les États d’où viennent ces entreprises. Et comme souvent, c’est un ex-employé d’une société d’audit travaillant pour ces multinationales qui a dénoncé ces pratiques. Une preuve de plus qu’il faudrait en finir avec le secret industriel, commercial et bancaire, et pas seulement au Luxembourg.
Les entreprises peuvent en effet demander par avance au fisc luxembourgeois comment elles seront traitées. C’est le « rescrit fiscal ». C’est ainsi que le grand-duché, autrefois bassin sidérurgique, est maintenant surtout un paradis fiscal pour la finance et les services. Le taux d’imposition officiel de 29,9 % au Luxembourg peut s’approcher de zéro grâce à une palette de niches fiscales valables pour les sociétés-mères et leurs filiales. Ainsi, les entreprises peuvent moduler les montants des factures destinées à leurs filiales, les gonfler là où l’imposition est faible et inversement. La fiscalité luxembourgeoise est également favorable pour les redevances des brevets et autres biens dits immatériels, pour lesquels elle devient quasi virtuelle.
Le Luxembourg trouve son avantage dans cette affaire puisqu’il empoche le montant de ces impôts, réduits sans doute, mais concernant des activités qui n’ont pas lieu sur son sol. Cependant, l’argent ainsi conservé par les entreprises vient grandir le montant des dividendes servis aux actionnaires et manque dans leur pays d’origine pour construire ou entretenir ponts, routes, transports, hôpitaux, écoles, etc., au détriment des populations.
Ces révélations éclatent au moment où Juncker prend la tête de la Commission européenne et prétend s’en prendre à la fraude fiscale… Cela en dit long sur ce qu’on peut attendre de l’Union européenne en la matière. La concurrence, à qui attirera les capitaux à coups d’incitations fiscales, est dans les gènes de tous ses gouvernements et une règle parmi les mieux appliquée, même si elle n’est pas écrite.
Mais le gouvernement luxembourgeois n’est pas seul coupable car ces montages fiscaux ont reçu l’accord discret de l’administration belge des impôts. Cette complicité pour réduire les taxes sur les riches est d’autant plus choquante que dans le même temps la TVA n’a cessé d’augmenter pour les travailleurs et que le gouvernement veut imposer l’austérité et couper dans les budgets sociaux.
L’État est une énorme pompe à fric qui vide les poches des travailleurs pour remplir les portefeuilles des actionnaires qui spéculent à la bourse.
Il faut absolument que les grèves des prochaines semaines soient un succès afin de faire reculer le gouvernement sur l’austérité et pour l’obliger à augmenter les salaires et à puiser dans la poches des riches pour financer des services publics au service de la collectivité.