Avec plus de 35 % des suffrages exprimés, Syriza a remporté les législatives grecques. Tsipras est donc élu pour la seconde fois. Mais la vague d’espoir soulevée par sa victoire en janvier dernier a laissé la place à beaucoup de désillusions.
L’abstention de 44%, un record en Grèce, en témoigne. Et comment ne pas comprendre ceux qui ont boudé les urnes quand leur vote de juillet dernier – 61% contre le programme d’austérité – a été piétiné et utilisé pour faire une politique contraire ? Quoi d’étonnant qu’ils n’aient pas eu envie de choisir quand les deux grands partis présentaient le même programme d’austérité ?
Cette désillusion est aussi présente parmi ceux qui ont voté Syriza. Ils savent bien qu’une nouvelle cure d’austérité les attend. Tout ce qu’ils espèrent désormais, c’est qu’elle soit un peu moins dure avec Syriza qu’elle ne l’aurait été avec la droite. Aux yeux de cette fraction de l’électorat populaire, Tsipras apparaît cependant toujours comme celui le plus à même de les protéger. Et même s’il a capitulé face aux grandes puissances, ils lui sont reconnaissants d’avoir essayé de s’y opposer.
Mais pour tous ceux qui ne se résignent pas, en Grèce comme ici, il faut tirer les leçons de cet échec.
Tsipras a certes été le premier dirigeant grec à contester le sort imposé à son pays par les créanciers, il a même été le seul représentant des pays pauvres d’Europe à le faire. Et si on peut lui reconnaître du courage politique et comprendre que certains parmi les classes pauvres de Grèce en soient fiers, il faut regarder les choses en face.
Que reste-t-il du Tsipras qui promettait d’arrêter l’austérité mortelle pour les classes exploitées ? Que reste-t-il de celui qui voulait forcer les créanciers à lâcher prise et donner la priorité aux pauvres, aux travailleurs, aux retraités modestes ? Une certaine image et beaucoup de paroles creuses. Car aujourd’hui Tsipras est la courroie de transmission de la purge ordonnée par l’Union européenne et le FMI. Il s’est engagé à baisser les retraites et à augmenter la TVA. Il va augmenter les impôts pesant sur les paysans, couper dans les dépenses publiques et privatiser tout ce qui peut encore l’être. Le tout, sous la tutelle de l’Union européenne.
Comment en est-on arrivé là ? Comment Tsipras s’est-il battu ? Avec quelle politique, quels objectifs et quels moyens ? Tsipras n’a jamais remis en cause l’ordre capitaliste. Il n’a jamais contesté le remboursement de la dette grecque dans laquelle les classes populaires ne sont pour rien. Et, preuve qu’il ne voulait pas s’en prendre aux intérêts de la bourgeoisie, il n’a même pas mené la lutte dans son propre pays pour faire payer un tant soit peu la bourgeoisie grecque.
Son objectif, modeste, était d’obtenir un peu de marge de manœuvre de façon à pouvoir prendre quelques mesures qui auraient soulagé les plus pauvres. Il a bataillé auprès des créanciers, dans les sommets européens et dans les cabinets ministériels. Il s’est servi du suffrage populaire et des élections pour peser dans les négociations. Rien n’y a fait !
Il faut que les travailleurs sachent que la bourgeoisie et les dirigeants européens sont impitoyables. Ils ne feront aucune concession, ils n’admettront une remise en cause de l’austérité que contraints et forcés par une révolte sociale. La solution est dans le camp des exploités eux-mêmes, dans leur capacité à se battre et à agir d’en bas en usant de toute leur force sociale. Dans le passé, c’est cette lutte de classe qui a réussi à repousser le mur de l’argent. Ce sera la même chose à l’avenir.
Il faut se méfier comme de la peste de tous ceux qui, en Grèce comme ici, prétendent faire le bien des travailleurs sans être prêts à combattre les intérêts de la bourgeoisie et sans expliquer que la classe ouvrière n’obtiendra rien sans se battre.
Tsipras fait partie de ces faux-amis de la classe ouvrière. Et que sa victoire ait été accueillie favorablement par tous les dirigeants européens le montre assez. Depuis que Tsipras s’est soumis à leur diktat, il est passé du rang de bête noire de l’Europe à celui d’homme politique « responsable » et « crédible ». Avec ces élections, tous les dirigeants misent sur Tsipras et sa capacité à « stabiliser » le pays, c’est-à-dire à imposer cette énième cure d’austérité.
Espérons que le monde du travail ne se laissera pas faire. Espérons que les travailleurs victimes du chômage et de l’abaissement de leur niveau de vie, les retraités qui vont subir la diminution de leur pension, les paysans qui vont voir leurs taxes doubler, réagiront.