Le mouvement de grève des 6 et 7 janvier à la SNCB a été particulièrement bien suivi. Quasiment aucun train ne circulait en Wallonie et seulement 70% en Flandre, bien que l’aile flamande des syndicats CGSP-Cheminots et CSC-Transcom ait renoncé au dernier moment au préavis de grève.
Evidemment, la presse se fait le relais des récriminations patronales habituelles selon lesquelles les syndicats prendraient les usagers en otages et feraient perdre des millions d’euros à l’économie belge. La ministre Galant y ajoute ses insinuations nauséabondes en prétendant que les cheminots ne travailleraient que 160 jours par an, ce qui est évidemment complètement faux.
La réalité est que ce mouvement est plus que nécessaire au vu des attaques que la SNCB a subi depuis des années en tant que service public. Cette année, son budget a été amputé de trois milliards d’euros. Faute d’investissements pour entretenir les gares et les voies, la SNCB a progressivement fermé de plus en plus de gares et de lignes, tandis que les retards s’accumulent et que la vitesse moyenne des trains diminue au point qu’elle est aujourd’hui inférieure à ce qu’elle était il y a cent ans ! Quant à l’emploi, c’est l’hémorragie : les cheminots sont passés de 40 000 en 2005 à 33 000 aujourd’hui. Ce chiffre est inférieur au cadre minimal prévu de 37 000 temps pleins. Le sous-effectif est tel que les cheminots cumulent un million de jours de récupération non octroyés ! Et la situation risque d’empirer car, avec le non remplacement des pensionnés, ce seraient encore 6 000 à 7 000 postes qui pourraient disparaître dans les trois ans qui viennent. Cela ne fera qu’aggraver la pression sur ceux qui restent et diminuer la qualité du service pour les usagers.
Dans ce contexte, les mesures de la direction et du gouvernement passent mal : les trois milliards d’économies se traduiraient par la suppression d’accompagnateurs de trains, l’accroissement de la productivité, l’augmentation du plafond d’heures supplémentaires de deux à quatre par jour et l’obligation de les récupérer dans l’année, ce qui est impossible au vu du passif accumulé !
Voilà qui contredit largement toutes les accusations sur le statut « privilégié » des cheminots. Et cela justifie largement leur colère et leur volonté de se battre pour défendre tant leurs conditions de travail que la qualité et la sécurité du service à la collectivité. Même les associations de navetteurs et les organisations étudiantes, que la presse oppose souvent aux cheminots, s’abstiennent de condamner cette grève.
La mobilisation des cheminots montre qu’ils sont bien conscients de la nécessité de se battre pour défendre leurs droits et le service public. Mais cette grève a surtout été marquée par la défection des ailes flamandes de la CSC et de la CGSP qui ont renoncé à la grève quelques jours avant l’échéance du préavis. L’argument qu’ils ont mis en avant était qu’il était encore possible de faire jouer la concertation.
Goblet, le président de la FGTB, a critiqué cette division communautaire du mouvement syndical. Certes, mais les bureaucrates syndicaux wallons n’ont rien à envier aux bureaucrates flamands sur cette question. C’est Bodson, dirigeant de la FGTB wallonne, qui a remis au goût du jour dernièrement la soi-disant « spécificité » des travailleurs wallons.
Mais surtout, comment s’étonner qu’une centrale refuse la mobilisation, alors que c’est une habitude de tous les dirigeants syndicaux, FGTB et CSC, au Nord comme au Sud ? Car si la CGSP et la CSC wallonnes ont appelé à la grève, c’est en précisant que c’était en dernier recours, en se justifiant mille fois et en faisant porter la responsabilité de la grève sur le manque de concertation côté gouvernement.
Alors oui, les cheminots ont bien raison de faire grève. Car, dans un système capitaliste basé sur l’exploitation des travailleurs au profit des riches, la grève est la seule arme pour se défendre, et toute grève victorieuse est un encouragement pour les salariés des autres entreprises.
Plus que jamais, les travailleurs doivent lutter ensemble, francophones, néerlandophones, belges et immigrés, salariés du public et du privé, contre le patronat et le gouvernement à son service.
Pour faire reculer le gouvernement, à la SNCB comme ailleurs, nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes. Il faudra non seulement une mobilisation d’ensemble, mais aussi s’organiser de manière démocratique pour contrôler notre mouvement.