La grève des cheminots début janvier a eu comme conséquence que la ministre a repris les négociations avec les syndicats et que le préavis pour la deuxième grève de trois jours les 21, 22 et 23 janvier a été levé.
Le mouvement a aussi vu la résurgence des divisions communautaires au sein de l’appareil de la FGTB, suite à la décision de l’aile flamande de la CGSP cheminots (ACOD) de ne pas faire la grève des 6 et 7 janvier, suite à la défection du responsable de la CSC pour la partie flamande. Au stade actuel, les divergences restent au niveau des directions syndicales et pas de la base, mais la propagande régionaliste est un poison pour les travailleurs qui a déjà fait son office de diviseur par le passé.
Suite à la décision de la CGSP flamande, Goblet, le président de la FGTB, a publiquement dénoncé cette décision et les risques de division du mouvement syndical. Entre les lignes, Goblet pointait du doigt la responsabilité de l’aile flamande de la FGTB, ce qui est une belle hypocrisie de sa part. Certes, ce sont bien les bureaucrates flamands qui ont annulé la grève. Mais cela n’a rien d’étonnant puisque c’est ce que font régulièrement tous les dirigeants syndicaux, de la FGTB et de la CSC, du Nord comme du Sud. Bien sûr, il y a des nuances entre les uns et les autres, mais fondamentalement, l’appareil dirigeant de la FGTB, tout comme celui de la CSC, ne veut pas d’une mobilisation générale de l’ensemble des travailleurs. Qu’ont fait les dirigeants wallons de la FGTB pour mobiliser la classe ouvrière contre les attaques sur les pensions ? Contre les licenciements dans la sidérurgie liégeoise ? Et puis, c’est bien Bodson, le secrétaire de l’interrégionale wallonne de la FGTB qui réaffirmait publiquement il y a quelque mois que le régionalisme était l’avenir des travailleurs wallons !
Aujourd’hui, avec la NV-A, le régionalisme semble être la prérogative des politiciens flamands. Et il est vrai que le mouvement flamand a une longue histoire. De plus, avec son programme ouvertement de droite, soutenant sans fard les intérêts de la bourgeoisie, la NV-A laisse à penser que le régionalisme serait nécessairement une politique de partis de droite.
Mais il est bon de rappeler que les premiers à avoir divisé le mouvement syndical avec une politique régionaliste ont été les dirigeants wallons de la FGTB. En 1960, la Belgique était dirigée par une coalition de droite formée des libéraux et des démocrates chrétiens. Ce gouvernement décida d’un plan d’économie, appelé « Loi Unique », qui prévoyait des attaques contre la sécurité sociale et les pensions des travailleurs des services publics et des chômeurs. Les socialistes, alors dans l’opposition, s’y sont opposés et ils organisèrent avec la FGTB une campagne d’agitation contre la Loi Unique dans tout le pays. Mais ce sont les travailleurs, mobilisés par cette campagne et révoltés par le plan d’économie qui lancèrent une grève dans l’ensemble du pays. La direction de la FGTB fut bien obligée de reconnaître la grève mais elle refusa de décréter la grève générale comme le demandaient les grévistes. André Renard, le dirigeant des métallurgistes liégeois apparaissait alors comme le plus radical aux yeux des grévistes, y compris en Flandre. Pourtant, Renard ne fit rien pour radicaliser le mouvement dont il craignait de perdre le contrôle et il s’opposa même à la marche sur Bruxelles que réclamaient les grévistes. Par contre, il commença à mettre en avant la revendication de la fédéralisation du pays, comme moyen pour la Wallonie de se redresser économiquement et de faire des réformes sociales. Il préconisait aussi de quitter la rue pour obtenir le fédéralisme par la voie parlementaire. Ce volte-face désorienta les grévistes et donna le sentiment aux travailleurs flamands d’être abandonnés par leurs camarades wallons. La grève de cinq semaines qui avait paralysé la totalité du pays se termina par un échec. Renard essaya d’obtenir la régionalisation de la FGTB et créa le Mouvement Populaire Wallon (MPW) pour faire pression sur le parti socialiste en vue de lui faire adopter le fédéralisme. Le PS vit d’un mauvais œil ce qu’il considérait comme un concurrent. Le MPW ne réussit pas à attirer les travailleurs et finit par disparaître, mais le mal était fait. Le fédéralisme avait fait son entrée dans la politique belge, sous l’action de dirigeants de la FGTB.
Aujourd’hui, les bureaucrates syndicaux wallons sont toujours prêts à justifier leur inaction en incriminant d’autres bureaucrates, dont ils diffèrent uniquement par la langue.