En annonçant que, finalement, Bouteflika ne présenterait pas pour un cinquième mandat, le pouvoir algérien a dû plier face à la mobilisation des couches populaires.
Jusqu’à ce lundi 11 mars, la clique au pouvoir s’était repliée sur Bouteflika, son plus petit dénominateur commun, faute de pouvoir s’entendre sur le nom d’un successeur. En guise de concession, celui-ci ne s’était engagé qu’à raccourcir ce mandat en organisant une élection présidentielle anticipée, en espérant que cela suffirait à mettre fin à la contestation. C’était se moquer du monde !
Une telle mascarade ne pouvait qu’attiser la colère et accentuer le sentiment d’humiliation qui a poussé le peuple algérien dans la rue. Et le fait est que, depuis l’annonce du dépôt officiel de la candidature de Bouteflika, les manifestations spontanées se sont multipliées.
Le combat engagé par le peuple algérien est difficile, mais il en a mené d’autres, à commencer par la lutte contre la colonisation française et pour l’indépendance. On ne peut que saluer le courage dont ont déjà fait preuve les centaines de milliers de femmes et d’hommes qui ont osé descendre dans la rue. Ils l’ont fait malgré les interdictions de manifester et le chantage du régime à la guerre civile.
Oui, le peuple algérien, avec sa jeunesse aux avant-postes, ne supporte plus le mépris
de ce régime mafieux qui prend l’État pour son tiroir-caisse. Fort de ces premiers pas, il continuera de se battre d’une façon ou d’une autre. Mais pour que le sort des classes populaires et
de la jeunesse algérienne change réellement, il faut qu’elles fassent entendre leurs intérêts et leurs droits spécifiques de travailleurs.
Le gros des manifestants est constitué par la jeunesse qui, tout en étant éduquée et diplômée, se sait condamnée au chômage et à la misère si rien ne change. Il est constitué de travailleurs, de femmes au foyer, de chômeurs qui paient la crise au prix fort. Avec l’inflation et la dévaluation du dinar, tous sont confrontés à l’effondrement de leur pouvoir d’achat. Le salaire minimum équivalent à 130 euros mensuels ne permet pas de vivre et s’ajoute aux difficultés de la vie quotidienne.
Au-delà des mots d’ordre de liberté et de démocratie, de plus en plus de gens se demandent ouvertement où va l’argent du pétrole et pourquoi il y a autant de misère et de chômage. Répondre à ces questions et se battre pour que chacun ait un emploi et un salaire décent qui suive l’inflation est indispensable. Sans cela, la démocratie et la liberté resteront des mots creux pour la grande majorité des classes populaires.
Bien des catégories sociales se mêlent dans cette contestation, et des intérêts différents, voire opposés, s’y expriment. Avocats, journalistes, étudiants, militants islamistes et même affairistes militant pour leur business, chacun défendra ses intérêts. Et il y a le petit jeu des politiciens. On voit comment certains opposants hostiles dans un premier temps aux manifestations, s’en revendiquent désormais pour se hisser au pouvoir.
Les intérêts des exploités ne peuvent être défendus que par les travailleurs eux-mêmes. C’est vrai là-bas comme ici. Cette contestation peut et doit être le premier pas pour cette prise de conscience. Oui, les travailleurs peuvent collectivement changer leurs conditions de vie et de travail et offrir à la société un autre avenir.
Ceux qui se révoltent en Algérie sont nos frères et nos sœurs. Nous sommes liés à eux par des liens familiaux et amicaux parce qu’une partie de la classe ouvrière de Belgique est composée de travailleurs originaires du Maghreb. L’Algérie, si longtemps colonisée par la France impérialiste, comme la Tunisie et le Maroc, continue d’ailleurs toujours de faire les beaux jours du grand patronat français et de ses compères européens. C’est la raison pour laquelle le
régime autoritaire algérien – tout comme les autres pseudodémocraties de la région – convient parfaitement aux gouvernements européens.
Ce sont aussi nos frères et nos sœurs car ils appartiennent au monde du travail. Si des raisons politiques propres à l’Algérie les ont poussés à agir, le combat qu’ils ont à mener pour garantir leurs conditions d’existence est celui que doivent mener les travailleurs de tous les pays.
En Algérie, la domination d’une coterie de généraux et de bourgeois passe par le contrôle de l’État qui lui permet d’accaparer la rente pétrolière. En Belgique, la grande bourgeoisie, les Frère, Colruyt, Lhoist et cie s’enrichissent en dominant les grands groupes industriels et financiers. Mais les uns comme les autres prospèrent sur l’exploitation des travailleurs des deux côtés de la Méditerranée.
Alors, puisse la lutte du peuple algérien être porteuse de perspectives pour les travailleurs !