Le travail a progressivement repris à l’usine sidérurgique de NLMK-Clabecq, après près de sept semaines de grève.
Tout a commencé le 17 janvier, quand la direction a annoncé un plan de restructuration : licenciement de la moitié du personnel – soit 290 travailleurs – gel des salaires pendant trois ans, révision des primes à la baisse, augmentation de la polyvalence et de la flexibilité.
Les ouvriers sont immédiatement partis en grève, fermant les grilles de l’usine et installant un piquet bloquant tandis que les directeurs s’enfuyaient peureusement à pied par des chemins dérobés.
Personne ne se doutait alors que le mouvement allait durer aussi longtemps.
Il est rapidement apparu que la direction russe de l’usine voulait utiliser la manière forte, refusant de négocier quoique ce soit avec la délégation syndicale. Mais il est aussi devenu très vite évident que la délégation menait la lutte avec des pieds de plomb. Elle n’a organisé aucune assemblée générale. Pendant des semaines, les discussions avec le patron se sont tenues dans le plus grand secret et les ouvriers, maintenus dans une attente permanente et usante, ne recevaient des informations qu’au compte-goutte.
La seule initiative des délégués a été, à partir du 11 février, de faire bloquer les sorties de camions sur les autres sites de NLMK, à Manage et La Louvière que la direction a fait lever avec les huissiers et des auto-pompes. Mais ils n’ont pas fait en sorte que les ouvriers des différents sites entrent en contact. Au contraire, selon eux, il ne fallait surtout pas demander la solidarité des ouvriers de La Louvière puisque lors du dernier conflit à La Louvière, les ouvriers de Clabecq leur ont tourné le dos. Voilà une morale qui fait bien l’affaire des patrons ! Et puis, ce sont des choix qu’ont fait les délégations des usines sans jamais demander l’avis des ouvriers. Or, ce qui inquiète vraiment le patronat, ce ne sont pas tant les blocages de camions, que de voir les travailleurs des différentes usines s’unir et prendre conscience de la force énorme qu’ils constituent
Cherchant une issue, des ouvriers ont pris l’initiative d’appeler à une manifestation le 18 février à Tubize. Les délégués ne s’y sont pas opposé mais n’ont rien fait pour que ce soit un succès. Il y a quand même eu plus de 200 travailleurs. De retour à l’usine, certains ouvriers voulaient continuer, d’autres aller à La Louvière,
mais aucune direction claire n’est venue des délégués. Ils se sont contentés de remercier les ouvriers d’être venus…Pendant ce temps, la direction a organisé un référendum pour la reprise du travail que la plupart des ouvriers ont spontanément boycotté.
En fin de compte, fatigués d’attendre, les ouvriers ont commencé à s’organiser eux-mêmes, en commençant par une assemblée générale, le vendredi 8 mars, suivie d’une autre le dimanche suivant. Ils avaient là, enfin, la possibilité de s’exprimer, de faire des plans, d’établir leurs revendications et surtout de décider eux-mêmes de la suite à donner à leur mouvement.
Malheureusement, dès le lundi, la direction a fait donner la police pour évacuer l’usine. Les ouvriers ont déplacé le piquet de l’autre côté de la rue, mais là c’est le bourgmestre qui les a délogés.
Au même moment, les grévistes ont reçu un mail de la part des délégués qui leur « conseillait » de répondre positivement aux convocations de la direction pour reprendre le travail. Ils n’ont même pas osé venir se présenter devant les ouvriers !
Au cours des restructurations, bien des travailleurs ont eux aussi vécu cette attente épuisante, sans informations, sans assemblées, pendant que les délégués discutaient en secret avec la direction de leur entreprise. Ils peuvent comprendre l’importance du pas en avant qui a été fait par les ouvriers de Clabecq lorsqu’ils ont décidé d’organiser eux-mêmes leur propre assemblée de grévistes.
Aujourd’hui, la grève a cessé, les salaires sont payés mais le travail n’a pas encore repris. La direction a reculé sur le blocage des salaires et les primes sont maintenues jusqu’en 2020. Bien sûr, beaucoup d’ouvriers sont amers et en colère de s’être battus comme des beaux diables pendant si longtemps sans savoir dans quelle direction se tourner. Néanmoins, c’est quand ils ont commencé à s’organiser que la direction à fait un pas en arrière. Et cette expérience-là, les ouvriers de Clabecq ne sont pas prêts de l’oublier. Rien n’a changé concernant les licenciements, mais rien n’est terminé.
Cette grève à Clabecq nous rappelle que les travailleurs peuvent s’organiser par eux-mêmes et cesser d’attendre que d’autres les défendent à leur place. Elle montre aussi l’urgence qu’il y a de s’organiser pour ne plus être pris au dépourvu et pour être prêts à rendre coup sur coup au patronat.