Le typhon Haiyan a ravagé les Philippines, lors de son passage vendredi 8 novembre. Sur l’île de Leyte, la ville de Tacloban a été quasiment rasée. Il y aurait plus de dix mille morts. Près de 10 millions de Philippins, soit un dixième de la population, ont été touchés il y a plusieurs milliers de morts et près de 700 000 personnes ont perdu leur maison.
Si cette catastrophe a d’abord des causes naturelles, ses effets sont démultipliés par des causes sociales. Les destructions sont en partie imputables à la mauvaise qualité des matériaux et des constructions. Longtemps pillées par l’Espagne puis par les États-Unis, les Philippines n’ont obtenu leur indépendance qu’en 1946 et l’archipel est resté un pays pauvre, un réservoir de main d’œuvre à bon marché pour les capitaux des pays riches qui s’y sont délocalisés.
Beaucoup de travailleurs vivent dans des bidonvilles installés dans des non constructibles, mais les autorités ferment les yeux car les entreprises ont besoin de cette main d’œuvre misérable qu’elles peuvent faire travailler 12 heures par jour. Le tiers des habitants des Philippines survit avec moins de 1 dollar par jour dans des maisons de fortune. C’est toute l’année que la distribution de l’eau et la santé, privatisées, sont inaccessibles à la majorité de la population.
L’an dernier déjà, le typhon Bopha avait fait près d’un millier de morts, dont deux cent ouvriers d’une mine d’or située en zone inondable mais qui avait malgré tout obtenu des permis d’exploitation. Et l’année précédente le typhon Washi avait tué 1200 personnes. A titre de comparaison, une tornade a frappé les Etats-Unis cette semaine, avec des vents aussi puissants que ceux qui ont soufflé dans les philippines. Et pourtant elle n’a causé que 6 morts et quelques dizaines de blessés. La différence vient uniquement de la solidité des infrastructures, des évacuations préventives, c’est-à-dire des moyens financiers disponibles.
Une des grandes inquiétudes qui perçait dans la presse européenne venait des risques de pillage dans les zones sinistrées. Pour les bien-pensants, se servir dans un magasin quand on est isolés de tout, c’est du pillage. Mais combien de voix se sont élevées contre le pillage « légal » de ce pays par les pays impérialistes ? Aucun ne rappelle aujourd’hui comment les Etats-Unis ont soutenu le dictateur Marcos pendant vingt ans de répression et de corruption. Personne n’explique non plus que la plupart des glissements de terrains viennent de la déforestation par les entreprises exportatrices de bois exotiques vers l’Europe.
Et un autre danger va s’abattre sur la population des Philippines. Les dégâts sont actuellement estimés à entre quatre et onze milliards et des banques se sont déjà engagées à prêter un premier milliard de dollars pour la reconstruction. Alors que le pays, et donc son économie, viennent d’être dévastés, les capitalistes des pays riches sont déjà en train de saliver sur les juteux intérêts qu’ils vont pouvoir extorquer à une population dans la détresse.
Les médias se sont félicités de la mobilisation de la communauté internationale. En réalité, l’aide apportée par les pays riches est faible, non seulement par rapport aux besoins, mais aussi par rapport à leurs propres moyens. L’ONU a débloqué 25 millions de dollars, la Grande-Bretagne 7,2 millions – alors qu’elle a été capable de dépenser 6 milliards d’euros pour les JO de Londres. Quant aux États-Unis, ils ont dépêché sur place un porte-avions et 90 marines. Ces gestes sont aussi hypocrites qu’ils sont dérisoires. L’Union européenne a débloqué 3 millions d’euros alors que sont budget annuel se monte à quelque 140 milliards d’euros.
En tout cas, deux semaines après la catastrophe, quelque 600 000 survivants n’ont toujours pas reçu d’aide alimentaire et les organisations humanitaires estiment que ce seront deux millions et demi de personnes qui auront besoin d’aide alimentaire dans les semaines qui viennent.
Comme souvent dans ces circonstances, c’est vers les particuliers que se tournent par défaut les organisations humanitaires, et vers les médias qui multiplient les appels aux dons. Comment mieux souligner que l’aide aux victimes du typhon Haiyan n’est pas une priorité des gouvernements des pays riches ?
Leur incurie est à l’image de toute la société capitaliste, capable de mobiliser des sommes colossales pour la spéculation financière, pour les armées ou pour l’industrie du luxe, mais incapable de secourir correctement les sinistrés d’une catastrophe naturelle.