En 2014, on commémore les cinquante ans de l’immigration marocaine et de l’immigration turque en Belgique. En 1964, la Belgique avait en effet passé des accords avec le Maroc et la Turquie, pour l’importation de travailleurs bon marché et durs à la tâche afin de les faire travailler dans les mines de charbon. Pour le patronat de l’époque, il s’agissait de faire tourner l’industrie à moindre frais, profitant du déracinement de ces travailleurs issus de pays pauvres, pour leur imposer des salaires plus bas et des conditions plus dures, comme ils l’avaient fait pendant la décennie précédente avec les italiens, les espagnols et les grecs. Et comme ils le font encore aujourd’hui avec les travailleurs des pays de l’Est. Dans les phases de croissance, cette immigration a été accueillie à bras ouverts par un patronat avide des profits qu’il comptait en tirer.
Aujourd’hui, la commémoration des cinquante ans de l’immigration marocaine vient rappeler à propos que ce sont les besoins des capitalistes qui ont été la cause de ce phénomène migratoire. Or, ils voudraient bien nous le faire oublier. Car dans les périodes de crise, cet apport de main d’œuvre ne leur est plus nécessaire. Ce n’est pas un hasard si c’est en 1974, au moment de la fameuse « crise du pétrole », que le gouvernement belge a cessé sa politique d’immig¬ration. Les crises sont la conséquence du chaos de l’économie capitaliste mais ce sont les travailleurs qui en paient le prix, par le chômage et la misère. Et parmi eux, les travailleurs immigrés paient le prix le plus lourd. Victimes du racisme, ils ont plus de mal à trouver du travail, tandis que les politiciens en font des boucs émissaires, n’hésitant pas à comparer les chiffres du chômage à ceux de l’immigration. Mais si rabâcher l’idée qu’il y a un lien entre l’immigration et le chômage finit par la faire rentrer dans les têtes, cela ne la rend pas moins stupide. On ne voit pas en quoi les travailleurs immigrés peuvent être responsables des plans de licenciements annoncés presque tous les jours. Quand les patrons licencient, à Ford, à Arcelor ou à Caterpillar, ce n’est pas pour engager des travailleurs immigrés !
Cinquante ans plus tard, le constat reste que les travailleurs immigrés n’ont toujours pas les mêmes droits que les autres. Certes, les marocains et les turcs de la première heure ont pu obtenir la nationalité belge mais pour les autres, l’Europe est devenue une forteresse. Chaque jour, des travailleurs venant d’Afrique tentent de traverser la Méditerranée dans des embarcations de fortune qui les mènent le plus souvent à la mort. D’autres, venant d’Inde ou du Pakistan, traversent le continent dans des containers.
L’économie capitaliste actuelle est plus mondialisée et plus financière qu’il y a cinquante ans. Elle ne développe plus les forces productives et elle fabrique plus de chômeurs que d’emplois. Les migrants d’aujourd’hui sont finalement dans la même situation que leurs prédécesseurs, s’engageant comme eux dans un voyage dangereux et hasardeux. La différence est qu’ils ne sont les bienvenus ni en Europe ni ailleurs.
Les pays européens n’ont pas demandé l’autorisation pour envahir l’Afrique, la Chine ou l’Inde et asservir les populations de ces pays. Les grands groupes européens et américains contrôlent les ressources minières et agricoles des pays pauvres. Les bateaux-usines européens vident les côtes africaines de leurs poissons, poussant à la ruine les pêcheurs impuissants. Shell ou Total polluent des régions entières et détruisent toute forme d’économie locale. Mais quand les travailleurs de ces pays, chassés par les capitalistes des pays riches, tentent leur chance en Europe, ils sont, eux, traités comme des criminels.
En paroles, Di Rupo dit que « l’immigration est une richesse », mais dans les actes, sa secrétaire d’Etat, Maggie de Block, pourchasse et expulse tous ceux qui cherchent refuge en Belgique.
Le plus grand danger pour le monde du travail est de se laisser diviser entre Belges et immigrés. Tous sont exploités de la même manière, par le même patronat. Pour lui, toutes les divisions de nationalité, de statut ou de sexe sont une aubaine car elles affaiblissent la capacité des travailleurs à s’unir pour se défendre.
C’est pour cela que les travailleurs ont intérêt à se battre pour que tous aient les mêmes droits, pour supprimer les « spécificités » qui permettent au patronat de nous mettre en concurrence les uns avec les autres. De tous temps, la solidarité des exploités a été cimentée par les luttes communes où ils se retrouvaient côte à côte pour défendre leurs intérêts communs face aux inégalités sociales.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !