Dans le bras de fer qui oppose l’Occident à la Russie à propos de l’Ukraine, les dirigeants occidentaux évoquent la guerre froide, cet affrontement qui avait dressé les États-Unis et leurs alliés contre l’Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale. C’est de cette époque que date l’OTAN, une coalition de forces armées censée défendre le monde dit « libre » contre « l’empire du mal » soviétique. Aujourd’hui, l’OTAN dispose de la plus puissante armada de missiles et de sous-marins nucléaires du monde, ce qui ne l’empêche pas de se présenter comme une organisation pacifiste et « démocrate » alors que les États qui en sont membres ne cessent de mener des guerres aux quatre coins de la planète. La guerre froide a fait place à une concurrence acharnée entre les Etats européens, américains et russes pour étendre chacun leur zone d’influence au détriment de celle des autres.
Malgré cela, les grandes puissances n’ont ni envie ni besoin d’un conflit qui, même limité à l’Ukraine, se déroulerait aux portes de l’Union européenne. Alors, demain ou après-demain, les dirigeants d’ici ne manqueront pas de se vanter d’avoir « évité la guerre ». Les événements autour de la crise ukrainienne montrent le cynisme avec lequel dirigeants et médias peuvent mentir de façon éhontée, pour orienter le public dans le sens que souhaite la bourgeoisie.
Mais derrière les déclarations creuses et hypocrites, il n’y a précisément ce sur quoi médias et gouvernants font silence : la situation des classes populaires d’Ukraine qui se dégrade à grande vitesse.
Le pouvoir corrompu et honni de Ianoukovitch s’est effondré, mais le gouvernement qui s’est mis en place avec la bénédiction des puissances occidentales peine à se faire obéir, même dans les régions pro-Maïdan.
Dans l’Ouest, bastion de la droite et de l’extrême droite, des bandes nationalistes ont investi et pillé de nombreux commissariats, elles ont souvent chassé les autorités dans les villes où elles font la loi. Ce vide du pouvoir se retrouve, mais pour d’autres raisons, dans l’Est, globalement anti-Maïdan. Ici, le gouverneur et le maire ont fui ; là, ils refusent les ordres de Kiev. Sur les routes, les autocars se font arrêter par des bandes armées qui obligent les voyageurs à chanter l’hymne ukrainien ou au contraire un air patriotique russe. Dans les villes de province, des groupes de nationalistes patrouillent au grand jour.
Quant au gouvernement de Kiev, il n’est pas en reste d’annonces qui n’augurent rien de bon pour les plus démunis. Le nouveau Premier ministre, Iatseniouk, a d’emblée annoncé de « sévères sacrifices ». Pour qui ? Pour les parasites cousus d’or, les oligarques ? Certainement pas. Ces individus, qui ont cristallisé la haine des manifestants parce qu’ils symbolisaient la corruption du pouvoir précédent, ont tourné casaque et soutiennent le nouveau gouvernement ! Alors, ceux que l’on veut faire payer – et qui paient déjà lourdement le chaos – ce sont les travailleurs, les petites gens.
Dans bien des villes, les produits de grande consommation ont disparu des magasins, pour réapparaître peu après, mais bien plus chers. Avec la chute brutale du cours de la monnaie ukrainienne, nombre d’autres produits voient leurs prix flamber. La « démocratie », que vantent et les proMaïdan et les dirigeants occidentaux, n’a apparemment pas de prix ! En tout cas, elle n’en a pas pour les margoulins proches du pouvoir, qui en profitent pour faire de bonnes affaires au détriment de la population.
Le pouvoir d’achat des salariés a fondu en quelques semaines, et les travailleurs s’inquiètent de savoir si les salaires seront payés, et quand ?
La Banque centrale vient d’interdire les retraits de plus de 1 000 euros par jour pour limiter la fuite des devises du pays. Mais pour des millions de petites gens, cela rappelle la faillite des banques ukrainiennes qui, à fin des années 1990, avait englouti leurs économies. Depuis, ces banques sont pour la plupart passées sous la coupe de groupes financiers européens.
En clair, les nouvelles autorités installées à Kiev sont là pour sauver la mise aux oligarques honnis de la population, et aux banquiers occidentaux qui tiennent le pays dans leurs griffes. Et pour ce faire, c’est une austérité « à la grecque » – licenciements massifs, baisse des salaires et des pensions, suppression de services publics, etc. – qu’elles ont l’intention d’imposer à la population laborieuse.
Absente de la scène de la crise ukrainienne, la classe ouvrière du pays pourrait être contrainte d’y rentrer, ne serait-ce que pour préserver ses conditions d’existence actuelles, pourtant peu enviables. En tout cas, elle n’aura pas d’autre choix si elle ne veut pas être la principale victime des possédants locaux et internationaux.