Comme lors de chaque mouvement social, les travailleurs en lutte ont été accusés des pires calomnies de la part des politiciens et des médias. Ils ont été qualifiés « d’irresponsables », de « preneurs d’otages » voire de « terroristes ». Certains politiciens du PS ont accusé les grévistes de faire le jeu de la N-VA en cultivant l’image du wallon « gréviculteur ». Tout cela n’a rien de nouveau.
Or les premiers « irresponsables », ce sont les gouvernements qui coupent dans les budgets des services publics et de la sécurité sociale. Ils prétendent le faire pour équilibrer le budget de l’Etat. Mais si les riches payaient leurs impôts, si les patrons ne bénéficiaient pas de milliards de réductions de charges, il n’y aurait nul besoin de réduire les dépenses publiques. Tous les aspects de la vie quotidienne des classes populaires en subissent les répercutions : des trains moins fréquents et moins rapides, des voiries et des tunnels décrépits, des files d’attentes dans les hôpitaux, des classes surpeuplées dans les écoles, etc. Dans les services publics, un pensionné sur cinq est remplacé, ce qui rend impossible la tâche de ceux qui restent. Il n’est donc pas étonnant que les travailleurs du public soient à l’origine de la contestation actuelle. Les travailleurs ne sont pas responsables de la crise, ni du chômage, ce sont les patrons et le gouvernement avec leur obsession du profit.
Les « preneurs d’otages », ce sont aussi tous ces patrons qui font un chantage permanent à l’emploi et à la délocalisation, et qui pleurent à chaque fois qu’ils doivent payer un euro de salaire. Si nous n’acceptons pas de gagner moins, si nous refusons la flexibilité, si nous ne sacrifions pas notre vie familiale, alors ils menacent de partir ailleurs pour exploiter de plus faibles que nous. Les gouvernements ont rebaptisé l’appétit de profit et l’égoïsme des patrons en « loi du marché ». C’est toute la population qui est prise en otage avec leur complicité !
Bart de Wever a accusé les grévistes et les syndicalistes d’être des terroristes. Mais condamner à la misère les travailleurs qui n’ont pas la chance d’avoir un emploi, vouloir retirer leurs droits même aux malades, n’est-ce pas là de la terreur bien plus dure et bien plus réelle que de pendre une effigie de Charles Michel ? L’administration des prisons a ouvert 387 postes et quelques jours après il y avait déjà plus de vingt mille candidats inscrits ! Les dix-neuf mille six cent qui seront refusés resteront chômeurs, accusés d’être des parasites et soumis à des contrôles humiliants.
Charles Michel justifie son entêtement par le soi-disant « bilan positif » de son gouvernement mais, quoi qu’il en dise, il n’a créé aucun emploi, il n’a pas enrayé la dégradation du pouvoir d’achat. La seule chose qu’il a faite, c’est réduire le « handicap salarial », c’est-à-dire aligner les revenus des travailleurs sur les niveaux les plus bas des pays voisins.
Cette prise d’otage de la population par le patronat et la terreur sociale imposée au monde du travail justifient pleinement la colère des travailleurs et qu’ils se mettent en lutte par tous les moyens à leur disposition contre les mesures d’austérité.
Et effectivement, malgré les discours anti-grévistes, le mouvement s’étend. A la SNCB, les grévistes ont suspendu leur action mais elle recommence dès le 12 juin. Les postiers seront en grève le 13, la justice le 2 et 7. Les métallos ont déposé un préavis de grève en vue de se joindre au mouvement. Toute la population qui souffre se lève petit à petit.
Les syndicats soufflent le chaud et le froid. D’un côté, certains soutiennent le mouvement, d’un autre ils se livrent à des jeux d’appareil. Pourquoi les manifestations du 31 mai ont elles eu lieu en ordre dispersé, la CSC à Bruxelles et la CGSP à Wavre ? Et surtout, on sent que ce que les directions syndicales demandent, c’est d’être invitées à la table des négociations. Mais ce n’est pas ça dont les travailleurs ont besoin. Avant de négocier quoi que ce soit, il faut avoir établi un rapport de forces, il faut que le gouvernement et le patronat soient acculés, qu’ils se rendent compte que s’ils ne cèdent pas, les travailleurs ne baisseront pas les bras et que la situation ne fera qu’empirer.
C’est pourquoi les travailleurs ne doivent pas rester passifs et dépendants des stratégies syndicales. A la SNCB comme dans les prisons, c’est la base qui est à l’initiative du mouvement. C’est comme cela que cela doit être. Le monde du travail a besoin que la lutte sociale s’étende. Eh bien, chaque travailleur peut devenir un militant du mouvement dans son entreprise pour convaincre ses collègues de participer aux manifestations et aux grèves.