Proximus a annoncé en janvier un plan de restructuration qui prévoit 1900 licenciements.
Le prétexte invoqué est de se « préparer aux changements ». Une semaine plus tard à peine, le groupe NLMK annonçait à son tour son intention de licencier 290 personnes aux Forges de Clabecq, soit la moitié du personnel. NLMK voudrait en outre imposer aux travailleurs qui resteraient une flexibilité accrue et un blocage des salaires pendant plusieurs années. Dans les deux cas, l’avenir de l’entreprise sert de prétexte à la restructuration.
Pourtant, ni Proximus, ni NLMK ne sont des entreprises en difficulté. Sept milliards de bénéfices en 2018 pour la première et douze milliards de chiffre d’affaires pour la seconde. Les 240 millions de salaires que Proximus voudrait économiser sont bien inférieurs aux 500 millions payés chaque année aux actionnaires qui, eux, ne produisent rien. La direction a récemment refusé de réduire ces dividendes car cela « ne serait pas bon pour les actions ».
Ce n’est de toute façon pas une question de
chiffres. Les entreprises de cette taille disposent d’experts en montages financiers pour maquiller
les chiffres et escamoter discrètement leurs bénéfices. Quand bien même les bilans comptables afficheraient des pertes, cela n’empêche pas que,
pendant des années, les actionnaires ont empoché les profits créés par le travail des salariés. Et pendant ces années, les directeurs ont été grassement payés pour maximiser ce profit en imposant la polyvalence et la flexibilité, en augmentant les cadences, en rognant sur la sécurité, en réduisant les effectifs et en faisant jouer le chantage à la fermeture pour faire accepter aux travailleurs des baisses de salaires. Mais rien n’y fait, quand les actionnaires trouvent ailleurs de meilleurs rendements financiers, ils lâchent tout pour se jeter sur une nouvelle proie, sans aucun scrupule et sans aucun égard pour ceux qui les ont enrichis par leur labeur.
Alors, cette vieille rengaine patronale selon laquelle il faudrait que les travailleurs se sacrifient pour sauver l’entreprise et l’emploi est un mensonge. Cette chanson est reprise en chœur par les politiciens et les médias pour démoraliser et culpabiliser les salariés licenciés qui souhaiteraient se défendre.
De tous temps, les patrons ont usé et abusé de cet argument. Aux Forges de Clabecq, par exemple, dans les années nonante déjà, les 2000 salariés avaient accepté une baisse « temporaire » de leurs salaires pour préserver l’entreprise et les emplois. Cela n’a pas empêché la mise en faillite de l’usine en 1997, à peine quelques années plus tard.
Lors de la grève qui a suivi la fermeture, les travailleurs de Clabecq ont réussi à mobiliser au-delà de leur propre entreprise. Cela a culminé avec la « marche multicolore pour l’emploi » qui a rassemblé 70 000 travailleurs de toute la Belgique, alors même que les directions syndicales ne soutenaient pas le mouvement. C’est cette extension de la mobilisation qui a contraint la région wallonne à trouver un repreneur, Duferco, à qui elle a offert l’usine sur un plateau pour la relancer et calmer le mouvement social.
Il n’y a pas qu’à Proximus et NLMK où l’on licencie. On pourrait aussi citer Coca-Cola, Nokia, Ikea, New-Look, la Sonaca, etc. Ce sont autant d’attaques mais aussi autant de travailleurs qui auraient intérêt à briser leur isolement et unir leurs mouvements de résistance. Ce n’est pas facile, mais c’est la seule solution. Le mouvement des gilets jaunes et la réussite de la grève du 13 février ont montré qu’il y a bien des travailleurs qui sont prêts à se mobiliser pour défendre leur droit à un salaire décent.
Le patronat possède une armée d’experts pour presser les travailleurs comme des citrons, il peut compter sur les politiciens pour édicter des lois sur mesure pour bloquer les salaires ou les empêcher de se défendre, il dispose de journaux et de télés pour propager son idéologie de soumission aux prétendues lois du marché.
Les travailleurs n’ont rien à attendre de l’État et des politiciens, qu’ils soient de gauche ou de droite. A Clabecq comme à Proximus, le fédéral et la région sont actionnaires mais ils ne font rien pour influencer les décisions car le rôle de l’État est de défendre la logique du profit. Le patronat fait de la politique, il mène sa politique.
Les travailleurs ont un besoin vital de mener eux aussi leur propre politique, de s’organiser pour défendre leur intérêt collectif, au-delà des frontières et des divisions entre entreprises, statuts, langues ou origines. Une mobilisation large permettrait de faire reculer l’ensemble du patronat plutôt que de se défendre entreprise par entreprise. Le camp des travailleurs prendrait alors la mesure de sa force réelle et cela ne pourra que le renforcer pour les luttes futures.