Les magouilles autour de Enodia, anciennement Publifin, font à nouveau la une des journaux. On se rappelle que l’an dernier un scandale avait éclaté autour de la rémunération d’administrateurs fantoches, censés représenter les communes membres de l’intercommunale mais qui ne participaient à aucune réunion… C’était une manière pour la direction de l’intercommunale liégeoise de s’acheter la complicité des politiciens et leur silence sur les salaires mirobolants des dirigeants, près de 900 000 euros pour le CEO Stéphane Moreau (ex-PS). Dans la foulée de ces révélations, une série de politiciens ont dû rendre l’argent, voire démissionner.
Ce grand déballage a permis de se rendre compte comment une simple intercommunale était devenue un véritable groupe capitaliste avec des montages financiers complexes et des filiales telles que Voo, BeTV, Les Éditions de l’Avenir, Win (Internet), Elicio (énergie), etc. La toile d’araignée de Publifin s’étendait jusqu’en France, en Serbie et même au Mali !
A l’époque, tout le monde voulait la tête de Moreau, en premier lieu ses propres complices qui espéraient en le sacrifiant pouvoir sauver le système… et eux-mêmes à l’occasion. Beaucoup de têtes sont tombées mais Moreau, exclu du PS, a gardé sa place dans Publifin.
Depuis lors, de nouvelles règles de « bonne gouvernance » sont censées mettre fin aux abus. Évidemment, aucun politicien n’a expliqué pourquoi ces règles n’existaient pas avant. En attendant, des individus bien placés ont ainsi pu se construire des fortunes en jouant aux grands patrons avec l’argent des communes.
Aujourd’hui, alors que l’affaire semblait calmée, un nouveau scandale défraie la chronique : Moreau, encore lui, aurait vendu Voo et Brutélé à un groupe financier américain, la filiale Win à son copain Fornieri et Elicio à la firme CMI en partenariat avec le même Fornieri. Le tout se serait fait dans le plus grand secret. Cerise sur le gâteau, Moreau aurait démissionné de Enodia pour devenir le patron de la société de Fornieri ! On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même…
En réalité, c’est bien la direction d’Enodia qui avait chargé Moreau de la revente. Ce qui a déclenché le scandale, c’est que trois mois après la signature des accords de vente, le conseil d’administration d’Enodia n’était pas au courant et l’a appris par des fuites dans la presse ! Les nouvelles règles de gouvernance étaient bafouées avant même d’être mises en application.
Le vrai problème n’est pas que ces messieurs-dames des conseils d’administration aient des secrets les uns pour les autres. D’ailleurs, une fois la température retombée, ils ont tous reconnu que le secret des affaires était tout de même sacro-saint.
C’est justement là que le bât blesse. Il n’est pas normal que l’argent des communes, qui est l’argent prélevé sur les salaires des travailleurs, serve à des investissements capitalistiques sans même que la population soit au courant.
L’affaire Publifin-Moreau n’est pas la première en son genre. Combien d’entreprises publiques ont été vendues pour un franc symbolique à des patrons bien connectés avec la classe politique ? Et combien d’entreprises privées en difficulté ont été « nationalisées » au prix fort pour sauver d’autres patrons avec de l’argent public. Il n’y a qu’à penser à Cockerill achetée cher en 1981 par la Région pour être revendue pour trois francs six sous à Arcelor. Des exemples comme celui-là, il y en a des centaines. Tenter de faire passer cette affaire pour un cas exceptionnel est une tentative de masquer à quel point la politique et les affaires sont liées à tous les niveaux. Les vrais maîtres du monde actuel sont les capitalistes, ils possèdent les entreprises, les terres, les bâtiments, tout ce qui a une valeur. Les politiciens ne sont là que pour assurer le fonctionnement des services communs, comme les transports par exemple, et surtout pour garantir l’ordre social en s’assurant que les travailleurs restent bien à la place qui leur est réservée, en bas de l’échelle.
Les entreprises que possèdent les patrons ne valent rien sans les travailleurs pour les faire fonctionner. Pourtant les travailleurs n’ont rien à dire, sauf à changer de temps en temps les politiciens censés les représenter. Le secret des affaires dont se prévaut le patronat sert surtout à cacher aux travailleurs l’immensité des richesses qu’ils produisent et qui leur échappent, alors qu’elles permettraient largement de satisfaire leurs revendications élémentaires : un salaire et un travail dignes pour tous ! Il faudrait au contraire lever tous les secrets. C’est une des mesures indispensables pour s’opposer à la mainmise des bourgeois sur la société.