En Biélorussie, Loukachenko dirige l’État d’une main de fer depuis vingt-six ans.
Le scrutin truqué du 9 août était censé prolonger son mandat pour 5 ans mais la fraude a été tellement caricaturale qu’un certain nombre de simples citoyens ont aussitôt tenu à crier leur colère. La férocité des forces antiémeute, les morts, les blessés et les arrestations, ont mis le feu aux poudres. En quelques jours, le régime s’est trouvé rejeté de toutes parts, ou presque.
Ce rejet a pris une nette tournure ouvrière avec l’irruption sur la scène de grévistes de l’automobile, de la construction, de la chimie, des mines, notamment. Défilant en cortèges imposants ou votant la grève en assemblée générale et élisant leurs comités de grève dans les usines, les travailleurs donnent désormais à la contestation générale sa physionomie et sa force, en paralysant l’économie jusqu’à un certain point.
Loukachenko ne s’y est pas trompé quand, voulant reprendre la main, il s’est tourné vers les ouvriers de MTZ, la plus grande usine d’engins agricoles, militaires et de chantier de Biélorussie. Espérait-il les mettre dans sa poche ? En tout cas, il en a été pour ses frais : c’est sous les huées qu’ils ont accueilli ses propos doucereux, ses menaces et appels à reprendre le travail.
Profitant d’une conjoncture favorable, le régime a longtemps posé en protecteur de « ses » travailleurs. Mais depuis une dizaine d’années, son masque est tombé. Généralisation des contrats précaires ; contrats d’un an renouvelables avec interdiction pour le travailleur de partir avant terme ; salaires gelés ; conditions de travail aggravées et sanctions contre ceux qui ne s’y plient pas ; apparition du chômage, etc.
Ces mesures, dont beaucoup ont été prises sur simple décret présidentiel, et le fait que Loukachenko a traité par-dessus la jambe les risques du Covid-19, ont focalisé le mécontentement sur sa personne.
Un passage de relais au sommet se ferait avec la bénédiction de Poutine, comme des principaux gouvernements de l’Union européenne, tous inquiets de voir se développer une situation explosive à leurs frontières. D’autant que des travailleurs de pays voisins pourraient se reconnaître dans le combat de leurs frères et sœurs de Biélorussie, qui affrontent les sbires en armes d’un régime qui veut leur faire payer les effets de la crise.
L’opposition a mis sur pied un Conseil de coordination censé préparer la relève du pouvoir – elle est composée de libéraux purs et durs qui, sous couvert de liberté et de démocratie, vont continuer à s’en prendre aux travailleurs. Leur leader, Tikhanovskaïa, appelle les travailleurs à rester dans la légalité et prône un « dialogue constructif » avec le pouvoir, ce même pouvoir qui matraque à tout-va et licencie les grévistes. Soin programme : un retour « à la normale », celle du capitalisme bien entendu…