Le 16 septembre dernier, une étudiante de 22 ans, Mahsa Amini, est morte sous les coups de la police religieuse iranienne sous prétexte qu’elle ne portait pas correctement son voile. Cela a été la fois de trop pour la jeunesse iranienne. Des centaines de manifestations ont eu lieu dans le pays malgré une répression policière qui a déjà fait plus de 80 morts, des centaines de blessés et des milliers d’arrestations. Rien ne semble faire reculer ces jeunes qui ont soif de liberté. On a vu des jeunes femmes se couper publiquement les cheveux ou brûler leur tchador, en révolte contre cette société qui leur dicte jusqu’à la manière de s’habiller. Les slogans sont dirigés contre le régime militaro-religieux et son chef, l’ayatollah Ali Khamenei : « mort au tyran », « à bas l’oppresseur » ou encore « Femme, vie, liberté », un slogan d’origine kurde, comme la jeune fille, mais qui est repris par tous les manifestants sans distinction.
Un chanteur célèbre a été arrêté pour avoir écrit une chanson en soutien à la protestation ; elle est depuis reprise dans les manifestations et même par des lycéennes et lycéens qui postent des vidéos où ils la chantent et insultent les portraits des dirigeants.
On ne peut que se réjouir de voir l’énergie de ces jeunes filles et garçons ébranler l’ordre établi de ces vieux croulants engoncés dans une vision religieuse et archaïque du monde. Encore une fois, ce sont les femmes qui ont été le fer de lance du mouvement. Ce n’est pas un hasard : dans toutes les sociétés, et encore plus dans les sociétés dominées par la religion, ce sont elles qui sont les plus opprimées : elles n’ont pas le droit de faire les mêmes métiers que les hommes, elles gagnent moins, elles sont mises sous la tutelle de leur père, frère ou mari et elles doivent se cacher de la tête aux pieds dans un tchador noir. En cas d’adultère, elles sont condamnées à mort. Ceux qui parlent ici en Europe de la liberté de choix religieuse oublient vite que dans des pays comme l’Iran, la religion ne laisse aucun choix aux femmes ni aux hommes.
Alors oui, bravo à ces femmes et à tous ceux qui ont rejoint cette révolte.
Le président Khamenei a accusé les manifestants d’être manipulés par les Etats-Unis et Israël. Il est probable que les dirigeants occidentaux se réjouissent de tout ce qui peut nuire à un régime qui leur est hostile, mais les Iraniennes et les Iraniens qui se révoltent ne sont pas des marionnettes, ils savent très bien ce dont ils ne veulent plus et pourquoi ils sont prêts à mourir.
Et même si les Occidentaux voulaient un changement de régime, ils préfèrent la dictature au désordre et ils craignent les révoltes tout autant que Khamenei.
Le régime militaro-religieux de l’Iran est hérité de la révolte de 1979 qui a permis à l’ayatollah Khomeini de prendre le pouvoir en s’appuyant sur la haine des couches pauvres envers la dictature corrompue du Shah, inféodée aux intérêts américains. Des paysans, des ouvriers, des jeunes sont morts par milliers pour s’en libérer mais ont hérité d’une nouvelle dictature, qui n’a de démocratie que le nom. Le régime de Khomeini est resté anti-impérialiste mais il a réduit à néant les droits des femmes, tandis que les syndicats indépendants sont interdits, tout comme les grèves. La prison, la torture ou les exécutions ont été systématiquement utilisées pour empêcher toute forme d’opposition politique.
Les travailleurs ont malgré tout continué à lutter pour leurs salaires et leurs conditions de travail. Dans les transports publics de Téhéran, par exemple, un syndicat clandestin a perduré malgré les arrestations de délégués, parfois condamnés à des années de prison.
L’économie stagne, minée à la fois par l’embargo des Occidentaux et par la corruption du régime. Le chômage sévit et les gouvernements tiennent le tout artificiellement en subventionnant les denrées de base comme le blé, le sucre ou l’essence. Ces subventions permettent aussi de maintenir les campagnes dans la dépendance vis-à-vis du régime et d’opposer les travailleurs des villes à ceux des champs.
De grandes grèves ont eu lieu ces dernières années, dans les industries sucrière et pétrolière. Ce sont à chaque fois des milliers de grévistes qui ont exigé de meilleurs salaires, ou parfois simplement d’être payés !
Derrière le vernis religieux du régime, il y a l’armée pour maintenir l’ordre et, surtout, il y a comme ailleurs des entreprises privées qui exploitent des travailleurs pour le profit de leurs actionnaires, comme dans tous les pays capitalistes de la planète.Il existe au sein du régime des tendances favorables à l’Occident. Pour eux, la liberté, c’est celle du commerce et d’exploiter « librement » les travailleurs d’Iran. Ce n’est évidemment pas pour ça que se battent les jeunes aujourd’hui. On espère qu’ils seront rejoints par les travailleuses et travailleurs du pays. S’il parviennent à chasser les ayatollahs, ils devront mettre en avant leurs propres objectifs pour ne pas se faire confisquer leur révolution.