La journée de grève du 9 novembre a été très bien suivie : zonings bloqués, aéroports de Liège et Charleroi fermés, quasiment aucun train en régions et une seule ligne de métro en service à Bruxelles. Les hôpitaux étaient en service minimum et les écoles limitées à l’accueil des enfants. Il n’y a pas un secteur de l’économie qui ait échappé au mouvement.
Ce n’est pas surprenant car l’inflation touche l’ensemble des ménages populaires.
Les travailleurs de Belgique ne sont pas les seuls à exprimer leur colère face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés tandis que leurs patrons profitent des prix élevés pour s’en mettre plein les poches.
En Angleterre, l’automne a été marqué par des grèves massives et très dures contre la hausse du coût de la vie. Le 1eroctobre, par exemple, il y a eu 170 000 grévistes. Cela fait des dizaines d’années qu’une grève aussi importante n’avait pas eu lieu, ni que des syndicats ne s’étaient unis dans un tel mouvement alors qu’ils sont d’habitude très corporatistes. Et ce n’est pas fini car les infirmières viennent de voter une journée nationale de grève, pour la première fois en un siècle. C’est bien la preuve que, partout dans le pays, la colère gronde.
En Allemagne, des grèves « d’avertissement » ont mobilisé plus de 200 000 travailleurs début novembre. Les syndicats allemands ne sont pas très combattifs mais l’inflation, à près de 12% dans ce pays, a mis le feu aux poudres.
En France, il y a eu des journées de grève nationale en septembre et en octobre ; les transports parisiens étaient en grève le 10 novembre. La grève des travailleurs des raffineries en octobre a été très médiatisée. On a vu les coups bas du patronat qui a essayé de diviser les travailleurs en publiant de fausses informations sur leurs salaires et on a aussi vu le gouvernement utiliser la réquisition forcée pour casser la grève. En tout cas, il en est ressorti dans l’esprit des travailleurs du pays que seuls des mouvements durs, avec des blocages, avaient une chance de forcer le patronat à céder.
La généralisation de cette colère est encourageante, même si ces mouvements sont encore épars et limités dans le temps.
En face, dans le camp patronal, les gouvernements ne proposent que des miettes : des chèques énergie et autres primes largement insuffisantes. Surtout, l’argent ainsi distribué est puisé dans les caisses publiques, ce qui va creuser la dette et annonce de futures attaques contre le niveau de vie des travailleurs, contre les pensions, contre les services publics, au nom de l’austérité. Le choix de distribuer des primes est une manière, pour la classe politique bourgeoise, de tenter d’éteindre l’incendie social dans l’immédiat, en limitant un tout petit peu la détresse des plus pauvres, mais surtout sans toucher aux profits patronaux. Ces gens-là ont choisi leur camp : celui des riches.
Le monde du travail ne peut pas compter sur les gouvernements – ceux-ci n’interviendront que pour empêcher que leur légitime colère n’aille trop loin, qu’ils menacent réellement le pouvoir absolu de la bourgeoisie sur la société. Les politiciens qui se présentent tous comme des protecteurs de la population contre les crises, contre les abus des groupes pétroliers, ne sont que des bonimenteurs qui, quand ils sont au pouvoir, s’agenouillent devant la puissance de l’argent.
Pour les faire plier, eux et le patronat qu’ils représentent, une journée de d’action ne suffira pas.
Cette fois-ci, seules la FGTB et la CSC appelaient à la grève. C’était la moindre des choses au vu de la colère qui monte contre l’inflation. Mais aucun des syndicats n’a réellement mobilisé pour faire venir du monde au piquet.
Néanmoins, le succès de la grève montre que le monde du travail est prêt à se mobiliser, ici comme partout en Europe. C’est un encouragement mais ce n’est pas suffisant. Pour que le mouvement ait une chance de réussir, il est important que les travailleurs prennent eux-mêmes le contrôle de leur lutte.
Il sera bien plus efficace et démocratique d’organiser des grèves reconductibles dont la durée sera décidée par les grévistes eux-mêmes en assemblée générale. Pour être plus nombreux aux piquets et aux manifestations, les travailleurs peuvent eux-mêmes mobiliser leurs collègues, voire élargir le mouvement en allant à la rencontre des salariés d’autres entreprises.
Armés des mêmes revendications de hausse des salaires et de blocage des prix, unis dans des mobilisations d’ensemble, les travailleurs peuvent faire la différence.