En dix secondes, le tremblement de terre qui a secoué le Haut Atlas a plongé des dizaines de milliers de Marocains dans le drame. Avec plus de 3 000 morts, des milliers de maisons écroulées et des dizaines de villages entièrement détruits, beaucoup ont tout perdu et se retrouvent littéralement sans rien.
Le bilan de la catastrophe, c’est aussi celui de la misère et de l’abandon par les pouvoirs publics des populations vivant dans cette zone.
La plupart des victimes comptent parmi les pauvres, parce que ce ne sont pas les palais de la monarchie ni les paradis pour touristes qui se sont effondrés. Ce sont les maisons et les villages construits en pisé, parfois accrochés à flanc de montagne. Et eux n’avaient aucune chance de résister au séisme !
Même à Marrakech, ce ne sont pas les quartiers riches qui ont connu les destructions importantes. Les riads prisés des touristes fortunés n’ont pas été touchés, ce sont les immeubles les plus vétustes de la Médina qui se sont écroulés. Le quartier populaire du Mellah a été particulièrement touché. Il avait pourtant fait l’objet de travaux de réhabilitation, pour un coût de 20 millions d’euros d’argent public, il y a huit ans. Mais les habitations « réhabilitées » se sont fissurées et effritées comme les autres lors du tremblement de terre. Résultat de la corruption et de la gabegie, la prétendue réhabilitation n’a consisté pour l’essentiel qu’en un coup de badigeon destiné à créer un joli décor pour les touristes.
Et comme toujours, les plus pauvres, surtout dans les régions les plus reculées, se sont retrouvés abandonnés avec leurs morts et leurs parents ensevelis. Deux jours durant, ils étaient bien souvent seuls à déblayer les gravats à mains nues pour retrouver des survivants. Encore aujourd’hui, beaucoup restent dans une détresse absolue, à dormir à même le sol avec une couverture pour seule protection, sans eau, sans nourriture.
Et le destin, invoqué par certains, a bon dos ! Le risque sismique et la fragilité des maisons étaient connus. Le tremblement de terre d’Al Hoceïma en 2004 avait déjà fait 600 morts dans la région du Rif. Il y a 60 ans, celui d’Agadir en avait fait 12 000…
Mais le roi, qui possède un splendide hôtel particulier de 1 600 mètres carrés sur le Champ-de-Mars, au pied de la tour Eiffel, est sans doute plus intéressé par l’évolution de l’immobilier parisien que par un plan de prévention et de sécurisation des villages, des maisons et des infrastructures…
Exactement comme lors du séisme qui a frappé la Turquie, en février 2023, causant plus de 50 000 morts et celui de janvier 2010 en Haïti – 250 000 morts –, la population est non seulement victime d’une catastrophe naturelle, mais aussi et surtout de la misère et du sous-développement. Et que dire de l’effondrement annoncé des barrages de Derna en Lybie qui a causé 12 000 morts en quelques instants.
Tous les chefs de gouvernement ont fait assaut de bons sentiments pour venir en aide aux Marocains : la France, les États-Unis, le Qatar, le Royaume-Uni, l’Espagne, Israël… et bien sût la Belgique. Cet œcuménisme humanitaire est d’une hypocrisie sans nom ! L’Algérie a de son côté proposé son aide au « peuple frère marocain » alors qu’hier le président algérien et Mohamed VI s’invectivaient et brandissaient un nationalisme agressif visant à creuser un sentiment de haine entre Algériens et Marocains. Mais pas plus aujourd’hui qu’hier, le président algérien Tebboune ne s’intéresse au sort des paysans marocains !
L’hypocrisie des dirigeants européens est sans limite. Aucun ne veut pas rater l’occasion de se montrer généreux, mais ils refusent d’accorder des visas pour les Marocains qui veulent venir ici et ils contribuent à maintenir les travailleurs marocains dans la misère.
Alors, il faut prendre tout le tapage fait autour de l’aide internationale pour ce qu’il est : du cinéma !
L’exemple d’Haïti ou de la Turquie montre d’ailleurs qu’il y a un fossé entre les promesses d’aide et ce qui parvient réellement sur le terrain. La seule aide qui n’échappera pas aux victimes et qui répondra réellement à leurs besoins viendra de la solidarité entre travailleurs.
Celle-ci s’est mise spontanément en place, au Maroc, au travers des réseaux familiaux ou associatifs, où elle a souvent devancé la présence gouvernementale. Elle s’organise aussi, ici, à l’initiative des travailleurs d’origine marocaine, et c’est tant mieux, parce qu’elle donnera du courage aux sinistrés pour surmonter cette catastrophe et reconstruire.
Mais pour reconstruire sur du solide, il faudra bâtir une société dans laquelle les exploités puissent jouir des richesses qu’ils créent. Dans ce but, il faudra s’unir pour renverser tous les régimes au service exclusif de la grande bourgeoisie, les monarchies répressives comme les soi-disant démocraties occidentales !