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Une catastrophe bien trop prévisible

Le lundi 6 février, deux tremblements de terre ont frappé à quelques heures d’intervalle la région de Ga-ziantep à la limite de la Turquie et de la Syrie. Leur ma-gnitude de 7,8 en fait des séismes extrêmement destruc-teurs, qui ont complètement ravagé les infrastructures de plusieurs villes de la région. La ville d’Antakya par exemple a été quasi totalement rayée de la carte. Les secousses ont été ressenties à des dizaines de kilo-mètres !
A la date d’aujourd’hui, plus de 19 000 morts en Turquie et plus de 3 000 en Syrie ont été recensés, s’y ajoutent près de cent mille blessés et au moins 300 000 déplacés. Ces derniers n’ont nulle part où aller et sont hébergés dans des conditions plus que précaires alors que l’hiver bat son plein. Certains rescapés du séisme sont morts de froid.
Le président Erdogan a déclaré que le tremblement de terre ressortait de la volonté divine et qu’il n’était pas prévisible. Il a condamné ceux qui critiquaient la lenteur et l’inefficacité des secours.
Cela fait des années que cette région est connue pour ses risques sismiques et étudiée en long et en large par les géologues. Donc, non, ce n’est pas une surprise et l’impréparation n’a d’autre explication que le manque de volonté des gouvernements successifs.
Malgré leur bonne volonté, les secouristes ont été dé-bordés par la situation, ils n’étaient pas assez nombreux pour la tâche : des dizaines de milliers de blessés, de sans-abris à protéger tout en recherchant des survivants dans les décombres. Le constat des habitants a été par-tout le même : trop peu et trop tard. Ils sont en colère mais la réponse d’Erdogan est de mettre en prison les contestataires.
Comment se fait-il en outre que des bâtiments, parfois récents, se soient effondrés comme des châteaux de cartes ? Les normes antisismiques n’ont de toute évi-dence pas été respectées. Il semble que la leçon du tremblement de terre précédent, qui a fait 17 000 morts ait été rapidement oubliée.
Disposer de secours suffisants et de bâtiments résis-tants aux séismes, est une question de choix politique ! C’est le choix de laisser les promoteurs immobiliers construire à bon marché des immeubles en carton-pâte. C’est le choix d’investir dans une armée qui est bien plus efficace dans la répression contre les Kurdes que pour secourir les populations civiles.
De l’autre côté de la frontière, la situation est encore pire. La Syrie est déjà en ruines, conséquence d’une guerre civile, qui fit particulièrement rage dans cette région, proche d’Alep. La ville et ses environs a été occupée par l’État Islamique puis bombardée sans re-lâche par les avions alliés et surtout russes. Les hôpi-taux de la région ne fonctionnaient déjà quasiment plus avant le séisme, faute de médecins, par manque de ma-tériel et tout simplement de fuel pour les groupes élec-trogènes qui ne fonctionnent qu’une heure par jour. Rien n’a été reconstruit depuis la guerre et la région souffre de telles pénuries d’eau que des maladies telles que le choléra ont fait leur apparition.
Cette situation est le résultat de l’embargo internatio-nal contre la Syrie qui pèse lourdement sur la popula-tion. Il est la continuation de cette guerre pour le con-trôle de la région. Assad, comme en son temps Saddam Hussein, était le gendarme régional au service des grandes puissances. Il est devenu gênant mais ne veut pas lâcher les rênes du pouvoir et de la richesse, même dans une Syrie dévastée.
Des deux côtés de la frontière on trouve le même mé-pris pour la vie humaine quand il s’agit de celle des couches populaires. On trouve la même logique du pouvoir et du profit, qui se traduit par des économies meurtrières sur la qualité des bâtiments ou sur l’efficacité des services de secours.
La presse tire à boulets rouges sur les manœuvres po-liticiennes d’Erdogan et d’Assad, mais il y a derrière eux les dirigeants principalement américains et euro-péens qui les utilisent pour jouer au Monopoly avec la peau des peuples.
Et s’il existe une corruption bien réelle qui permet de passer outre les normes de construction, ce n’est pas une spécificité locale. On a pu voir en Europe suffi-samment de crises sanitaires, d’inondations mal gérées et autres catastrophes similaires, pour se rendre compte que la même logique de profit est à l’œuvre et que nulle part sur la planète, le monde du travail ne peut compter sur les États pour les protéger.
En Turquie, comme en Syrie, la catastrophe naturelle aurait eu bien moins de conséquences si elle ne s’était pas doublée d’une catastrophe sociale dont la respon-sabilité n’est pas à chercher dans une quelconque vo-lonté divine mais dans l’appétit de profits inhérent à ce système capitaliste.

Une guerre sans issue

Voilà un an que la guerre fait rage en Ukraine à la suite de son invasion par la Russie.
Il est impossible de déterminer le nombre de morts et blessés mais il est certain que cela se comptera en centaines de milliers dans chaque camp. Le pays est ravagé par les bombardements qui ont détruit routes, hôpitaux et centrales électriques. Des millions de personnes ont dû fuir et vivent dans la précarité la plus totale en Ukraine ou en exil.
Poutine a présenté cette guerre comme une opération militaire visant à chasser les “néonazis” du pouvoir et à protéger les populations de l’est de l’Ukraine d’un prétendu génocide. De leur côté, le gouvernement ukrainien de Zelensky et ses alliés de l’OTAN se présentent comme les hérauts de la démocratie et les défenseurs de la paix.
Tout cela est mensonger d’un côté comme de l’autre. Toutes les guerres ont besoin de prétextes pour envoyer les soldats à la mort et derrière les discours ronflants se cachent mal la concurrence pour le contrôle de l’économie ukrainienne, ses ressources et son marché. Depuis la chute du mur de Berlin et la fin de l’Union Soviétique dans les années 1990, les pays occidentaux grignotent progressivement l’ancienne zone d’influence de la Russie. L’économie russe a été pillée par ses anciens dirigeants et hauts fonctionnaires reconvertis en capitalistes. Elle stagne et ne peut faire face au rouleau compresseur américain.
La Russie a mobilisé des centaines de milliers de soldats, essentiellement issus des milieux populaires, et les a envoyés sur le front sans préparation, parfois sans matériel adéquat, où ils ont été fauchés par l’artillerie alliée.
Le gouvernement ukrainien a dû « démissionner » des ministres et des hauts fonctionnaires coupables de corruption. Ils s’étaient arrangés avec les fournisseurs de l’armée pour surfacturer nourriture et équipements et empocher la différence. Il s’agirait d’une multiplication par deux ou trois du prix des aliments destinés aux soldats, ainsi que du détournement de l’argent destiné à reconstruire des centrales.  Pendant ce temps, le reste de la population peine à se chauffer et à se nourrir.
Le gouvernement Zelensky était déjà sur la sellette avant la guerre à cause de sa politique anti-sociale, exigée par les investisseurs occidentaux pour mieux exploiter sa main d’œuvre bon marché. A l’époque, le plus proche conseiller de Zelensky avait déjà été pris la main dans le sac, sans que celui-ci juge nécessaire de s’en séparer.
Cela est particulièrement choquant aux yeux de la population laborieuse ukrainienne qui est la première victime, à la fois de la guerre et de la politique économique du gouvernement. Mais ce n’est pas une surprise pour les alliés de Zelensky. Ils savaient bien qu’ils faisaient affaire avec un gouvernement anti-ouvrier et corrompu. Cela ne les a pas dérangés, bien au contraire.
Il est évident qu’à part leur nationalité, les oligarques ukrainiens ne diffèrent pas des oligarques russes, pas plus que des grands patrons européens et américains : prêts à sauter sur n’importe quelle opportunité pour s’enrichir au détriment de la collectivité. Des liens économiques étroits existaient entre ces vautours avant la guerre, ils ont perduré malgré les sanctions et reprendront de plus belle après.
Quoi qu’il en soit, la corruption du régime n’empêche pas les occidentaux de livrer des armes en quantité astronomique, y compris depuis ce mois-ci, des chars lourds réclamés par le gouvernement ukrainien depuis des semaines.
Face à la surenchère à l’aide militaire, les pays occidentaux ont montré leurs hésitations. Chacun d’entre eux cherche à se positionner pour la reconstruction du pays, qui sera une poule aux œufs d’or pour les multinationales du béton, de l’acier, des équipements et de la logistique. Mais les gouvernements ne veulent pas forcément aller trop rapidement dans l’escalade guerrière car les risques d’élargissement du conflit sont réels. Poutine a été leur allié dans la guerre en Syrie, il a réprimé les manifestations ouvrières au Kazakhstan l’an dernier. Il a rendu des services à l’ordre capitaliste mondial et rien ne dit qu’il ne pourrait pas encore leur servir, ne serait-ce que pour garantir la continuité et l’ordre en Russie même.

Tous les belligérants sont des ennemis des travailleurs. La seule promesse que les pays de l’OTAN peuvent faire aux Ukrainiens : du sang aujourd’hui et des larmes demain. Et Poutine ne leur en fait pas d’autre.
Les guerres font partie du capitalisme qui en a fait des catastrophes mondiales. La Première et la Seconde Guerre Mondiale en témoignent. Seule la fin du capitalisme nous permettra d’éviter la troisième.

Pour une année de luttes

Une nouvelle année commence, mais elle ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices que la précédente.

La guerre continue à faire rage en Ukraine, où les morts s’accumulent. Les destructions touchent particulier les infrastructures de santé et d’énergie, ce qui met la population dans une situation de détresse. Cette tragédie, résultat de la lutte d’influence entre les pays de l’OTAN et la Russie, aura des répercussions pendant des dizaines d’années.

Il n’y a d’ailleurs pas qu’en Ukraine, le Yémen est aussi en proie à la guerre depuis 8 ans, sous les bombes de l’Arabie Saoudite, alliée des Etats-Unis et des pays européens.

Ces guerres ouvertes, comme tous les conflits latents dans le reste du monde, ne sont pas le résultat de l’aveuglement stupide et belliqueux de quelques dirigeants. Elles sont le fruit pourri des conflits économiques, de la concurrence exacerbée entre les grandes entreprises mondiales et les États qui les hébergent pour contrôler des ressources naturelles ou des marchés d’exportation.

Ce n’est pas un phénomène nouveau. C’est le même qui a engendré les première et seconde guerres mondiales. Depuis, les conflits étaient certes de moindre ampleur, mais la guerre était toujours quelque part, au Kosovo, en Irak ou en Syrie, pour ne citer que les plus récents.

La guerre est aussi l’occasion de profits énormes pour les marchands d’armes et la paix qui suivra fera le bonheur des marchands de béton.

Donc, oui, avant, pendant et après, la guerre est le produit de cet ordre social où les capitalistes et leurs États s’affrontent dans l’arène mondiale pour imposer leur domination économique. Les prolétaires, civils ou militaires, en sont les seules victimes.

La guerre en Ukraine a aussi été le détonateur d’une inflation qu’on n’avait pas connue depuis longtemps. Le chiffre global de l’année s’est stabilisé autour de 10% mais dans les rayons des supermarchés, la hausse des prix a atteint les 18%. L’électricité et le gaz ont augmenté respectivement de 35% et 75% sur un an. Les aides misérables du gouvernement pour essayer de calmer les travailleurs n’ont certainement pas compensé le trou énorme que cela a creusé dans les budgets.

Et pourtant, le patronat continue de demander la suppression de l’indexation automatique des salaires ! Ces parasites viennent de s’empiffrer comme jamais grâce à l’inflation mais ils voudraient que les travailleurs soient encore plus pauvres.

Le patronat et le gouvernement prétendent que l’inflation est causée par le conflit ukrainien et que les prix ne font que refléter le « marché » face auquel ils seraient impuissants. C’est faux, ils ont fait le choix de maintenir leurs sacro-saintes marges bénéficiaires au détriment des populations.  Et puis, les attaques contre le pouvoir d’achat et les pensions n’ont pas attendu la guerre. Elles n’ont en réalité jamais cessé.

Comme la guerre, l’inflation est une conséquence de ce système capitaliste absurde et injuste dans lequel une couche infime d’ultra-riches profite de la misère des autres. Là aussi, les prolétaires en sont les seules victimes.

Les communistes disent depuis toujours que le patronat n’en aura jamais assez, qu’il ne peut pas supporter que les travailleurs puissent vivre décemment de leur travail et qu’ils ne cesseront jamais de s’en prendre aux salaires, aux pensions et aux services publics.

Cela ne laisse pas d’autre choix au monde du travail que de se battre, que d’organiser les luttes les plus larges et les plus déterminées possibles pour faire reculer le patronat.

Les communistes disent aussi depuis toujours que les travailleurs peuvent changer les règles du jeu, qu’ils peuvent changer le monde. N’oublions jamais que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui produisent toutes les richesses. Les riches n’ont qu’un seul mérite, celui d’être bien nés et d’avoir su faire travailler les autres pour eux.

Quand les travailleurs sont mobilisés pour résoudre leurs problèmes communs, quand ils passent par-dessus le piège des divisions nationalistes ou religieuses que leur tendent les politiciens bourgeois, alors ils peuvent faire peur au patronat. Nos divisions et notre passivité sont sa seule force. Seule la peur de notre mobilisation peut le faire reculer.

Cela veut dire que pour l’année qui vient, il faut se préparer à entrer en lutte, il n’est pas possible d’en faire l’économie. Il faudra des grèves et des manifestations pour nous imposer. Ce sera peut-être difficile, mais c’est possible. L’histoire de notre classe l’a montré plus d’une fois et c’est la meilleure chose à souhaiter pour l’année qui vient.

Le capitalisme pourrit tout ce qu’il touche

La coupe du monde a commencé, c’est impossible de ne pas le savoir tant les médias la rendent omniprésente.

Il y a la fête, il y a le sport mais, comme à chaque fois, l’organisation de cette compétition a été l’occasion d’une débauche de milliards. Qu’on aime le foot ou pas, il est aberrant de construire des terrains de foot géants en plein désert, qui ne serviront que pendant deux semaines ! Les montants des contrats publicitaires et de sponsoring sont démesurés alors que partout dans le monde des femmes, des hommes, des enfants crèvent littéralement de faim ou de misère.

Cette année, l’organisation de la coupe a été confiée au Qatar, dont la famille régnante, la famille al-Thani dispose d’une fortune qui se compte en centaines de milliards d’euros, essentiellement issus des revenus du pétrole et de l’exploitation de millions de travailleurs précaires dans les champs pétrolifères.

L’odeur de pétrole et sang de cet argent n’a pas rebuté la FIFA qui savait, en choisissant le Qatar, qu’elle allait toucher le pactole.

Et il n’y a pas que la FIFA : le Qatar a fait construire sept stades géants, une nouvelle ville, avec ce que cela implique d’infrastructures routières et autres. Les multinationales de la construction et de l’équipement se seraient partagé un gâteau de 220 milliards de dollars, c’est le coût estimé de l’organisation de cette coupe du monde. La précédente édition, en Russie, avait coûté 12 milliards de dollars, ce qui est déjà une somme énorme, mais sans aucune comparaison. Cette somme est supérieure à toutes les richesses produites en un an par un pays comme la Grèce.

La presse s’est aussi faite l’écho des états d’âme de certains gouvernements ou de certaines fédérations footballistiques par rapport aux droits de l’homme et aux conditions de travail au Qatar.

Ce n’est pas un scoop et la FIFA, ainsi que tous les gouvernements qui y sont représentés, connaissaient très bien cette situation. Elle n’est un secret pour personne. Depuis que le Qatar a été créé, son clan dirigeant dirige le pays d’une main de fer. Le pays compte 350 000 citoyens qataris au service desquels travaillent plus de deux millions de travailleurs immigrés indiens, népalais, bengalis, syriens, irakiens, philippins et soudanais. Leur nationalité importe peu, ils n’ont de toute façon aucun droit. Les conditions de travail sont atroces avec des journées de douze heures, des semaines de sept jours et des températures de 40 degrés ou plus. Tout cela pour toucher moins de 300 euros par mois que ces travailleurs espèrent pouvoir envoyer à leur famille restée au pays car le regroupement familial n’existe pas.

Jusqu’à récemment, les salariés ne pouvaient même pas changer d’employeur sans leur accord. Ils n’avaient aucune garantie sur le versement de leur salaire. Aujourd’hui encore, ils risquent l’expulsion à la moindre revendication.

Le nombre de morts d’accidents du travail avoisine les 6 500 en dix ans – chiffre qui n’est évidemment pas reconnu par l’émirat.

Quant aux droits des femmes ou des homosexuels, ils sont réduits à néant par une application rigoriste de l’Islam.

Tout cela, la FIFA le savait, les gouvernements le savaient et toutes les entreprises qui font affaire depuis des dizaines d’années avec le Qatar le savaient aussi et d’autant plus qu’elles sont les premières à profiter des conditions misérables de ces travailleurs.

Les bourgeois ne peuvent pas résister à l’appât du gain. Les remords et dénonciations de dernière minute ne peuvent masquer la complicité hypocrite des pays riches avec la dictature qatarie. Le Qatar lui-même est une création récente dont les frontières ont été dessinées en 1930 en fonction des champs de pétrole, afin d’assurer leur contrôle par les pays impérialistes. L’émirat ne peut se maintenir politiquement que grâce au soutien des Etats-Unis et de l’Europe et il renvoie l’ascenseur par des investissements massifs dans l’immobilier et l’achat de matériel, en particulier militaire.

Le Qatar n’est donc qu’un des multiples avatars du capitalisme. Il en montre la face hideuse et brutale et il n’en a hélas pas le monopole.

De même, cette coupe du monde, sa débauche d’argent et d’énergie, montre une fois de plus que le capitalisme pourrit tout ce qu’il touche, et le sport n’y fait pas exception.