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En Iran, la contestation s’étend

Sept semaines après l’assassinat de Mahsa Amini par la police des mœurs iranienne, la contestation ne faiblit pas en Iran. La répression, qui a fait plus de 185 morts, n’entame pas le moral des hommes et des femmes, parfois très jeunes, qui continuent de risquer leur vie pour descendre dans la rue et crier toute leur colère contre les dirigeants de la République islamique. Alors que les dirigeants annoncent la fin du mouvement, de nombreux étudiants se rassemblent devant les universités pour dénoncer la pauvreté et la corruption en criant « mort à la dictature ». Dans certaines villes, les commerces sont en grève. À Abadan, à Kengan et surtout dans la grande usine pétrochimique d’Assalouyeh, des travailleurs se sont mis en grève et ont manifesté. Ils montrent la voie à suivre pour balayer cette dictature réactionnaire qui les opprime. 

Contre l’inflation, il faut augmenter les salaires

Le fléau de l’inflation continue de frapper le monde du travail comme un poison lent. Le prix de l’essence a augmenté de 80 cents par litre, et celui de l’énergie de 63%. Les hausses ne touchent pas que l’énergie : nourriture, boissons, vêtements, loyers, tout a augmenté. L’inflation en Belgique a officiellement atteint 12,3% en octobre. Ce sont des centaines d’euros par mois qui alourdissent la note alors que les salaires sont déjà sous pression.

L’indexation ne compensera ces augmentations qu’avec retard et seulement en partie car l’index protège moins bien les ménages pauvres dont les principales dépenses sont le loyer, l’énergie et la nourriture.

Face à cette situation d’urgence, les mesures gouvernementales sont insuffisantes et tardives. Les chèques énergie et la baisse de la TVA et des accises sur l’essence, ne font pas le compte, même après la récente décision d’une aide supplémentaire pour les ménages les plus pauvres.

Et puis, le principe même de ces aides gouvernementales pose un problème : le gouvernement prend dans les caisses de l’État de l’argent qui va finir dans les poches des Total, Engie et autres profiteurs de crise. La même politique est appliquée ailleurs, en France avec le « bouclier tarifaire » ou en Allemagne, dont le gouvernement va débourser deux cents milliards pour payer l’augmentation des prix de l’énergie.

Ces gouvernements prennent dans les réserves de la collectivité au lieu de prendre dans la poche des patrons qui se sont enrichis par milliards grâce à la guerre et à la crise. Cet argent va manquer ailleurs. Tôt ou tard, De Croo va immanquablement tenter de présenter l’addition aux travailleurs. Que ce soit sous la forme de coupes dans les budgets des services publics, de nouvelles réductions des allocations ou des pensions ou d’un report supplémentaire de l’âge de la pension, les gouvernements, qui sont au service des riches, ne manquent pas d’idées pour faire payer les plus pauvres !

Par exemple, le budget 2023 prévoit déjà de raboter de 120 millions la dotation des services de santé alors que la pandémie vient justement de montrer à quel point ceux-ci manquent cruellement de moyens pour embaucher du personnel soignant !

Une fois de plus, les politiciens bourgeois n’offrent pas d’autre perspective que de prendre directement ou indirectement dans la poche des plus pauvres pour préserver les profits du patronat. Aux riches les milliards, les autres n’auront qu’à « mettre un pull et baisser le chauffage » et à se préparer à se serrer encore plus la ceinture demain.

Aucun gouvernement ne propose de toucher aux sacro-saints profits des grands capitalistes. Total, Shell et les autres compagnies pétrolières ne se sont pas gênées pour annoncer des dizaines de milliards d’euros de surprofits. Que cela enfonce encore plus la population dans la pauvreté ne va pas les empêcher de sabrer le champagne, pas plus que la faillite des milliers de petites entreprises et la destruction d’autant d’emplois.

Ces profits viennent uniquement de la spéculation liée à la guerre en Ukraine. Les prix n’augmentent pas parce qu’il y a moins de pétrole ou de gaz que l’an dernier mais grâce une situation politique instable qui permet de les faire flamber artificiellement.

Alors, au lieu de payer les profits du patronat avec de l’argent public, il faut exiger qu’il augmente les salaires. Et il faut aussi bloquer les prix pour qu’il ne reprenne pas d’une main ce qu’il a dut céder de l’autre. 

Les augmentations de salaires ne seront obtenues que par des luttes sociales, à commencer par la grève générale du 9 novembre, même si elle ne suffira pas à elle seule à obtenir de quoi compenser les années de trucage de l’index et de dégradation du pouvoir d’achat.

Quant au blocage des prix, on ne peut évidemment pas faire confiance au patronat pour le respecter ni aux gouvernements pour l’imposer. Les travailleurs peuvent et doivent eux-mêmes contrôler les prix. Cela peut se faire en dénonçant les augmentations des produits de consommation courante au niveau de chaque supermarché. Cela peut aussi se faire en rendant publics les chiffres des coûts et des profits que cachent jalousement les patrons mais que les salariés de leurs entreprises connaissent bien.

Ouvriers, employés, consommateurs, en relation les uns avec les autres, devraient avoir les moyens de connaître tout de la production comme de la distribution des richesses. Les malversations et les traficotages en tous genres seraient ainsi rendus publics de même que la valse artificielle des étiquettes des prix.

C’est encore et toujours la crise. Alors, s’il y a une urgence face à l’inflation, c’est bien l’augmentation des salaires, la levée du secret des affaires et le blocage des prix sous le contrôle de la population !

En Turquie, les mineurs n’ont qu’à mourir

41 mineurs ont péri dans un coup de grisou survenu dans une mine de la société publique des charbonnages turcs à Amasra. Arrivé sur place, Erdogan s’est dédouané de toute responsabilité en présentant cette catastrophe comme une fatalité divine. L’accident était pourtant tout-à-fait évitable comme en témoignent les fortes émanations de gaz ressenties depuis plusieurs jours par les mineurs. Mais en Turquie comme dans toute autre société capitaliste, les profits priment sur la santé et la sécurité des travailleurs, peu importe les risques qu’ils peuvent encourir. 

Les drones turcs massacrent au Kurdistan irakien

Une délégation d’avocats belges est revenue d’une mission d’enquête dans le Kurdistan d’Irak avec un dossier à charge sur les exactions commises par l’armée turque. Sur le terrain de guerre ukrainien, les drones turcs sont acclamés par les dirigeants de l’OTAN. Dans le nord de l’Irak, ils frappent indistinctement civils et guérilleros du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dans le silence gêné et complice des chancelleries occidentales. Difficile de faire plus hypocrite lorsqu’un allié applique à ses frontières la même politique de terreur que celle de Poutine. 

Des enfants à la rue, la crise de l’asile a bon dos

Faute de place dans les centres d’accueil de Fedasil, 21 adolescents n’ont pu compter que sur des ONG pour dormir au chaud. En septembre, le nombre de demandes de protection – plus de 4000 – a atteint un record depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan à l’été 2021. Mais parler de crise de l’asile est ridicule pour justifier les carences de l’Etat belge, condamné plus de 4500 fois depuis le début de l’année pour non-respect de ses obligations. C’est bien une politique délibérée pour dissuader les candidats réfugiés de déposer une demande d’asile.  

En Iran, la contestation s’étend

Quatre semaines après l’assassinat de Mahsa Amini par la police des mœurs iranienne, la contestation ne faiblit pas en Iran. La répression, qui a fait plus de 185 morts, n’entame pas le moral des hommes et des femmes, parfois sans voile, souvent très jeunes, qui continuent de risquer leur vie pour descendre dans la rue et crier toute leur colère contre les dirigeants de la République islamique. Au contraire, la contestation ne cesse de s’étendre. De nombreux étudiants se rassemblent devant les universités pour dénoncer la pauvreté et la corruption en criant « mort à la dictature ». À Abadan, à Kengan et surtout dans la grande usine pétrochimique d’Assalouyeh, des travailleurs se sont mis en grève et ont manifesté. Ils montrent la voie à suivre pour balayer cette dictature réactionnaire qui les opprime. 

Les grévistes contre les privilégiés

Confrontée à un solide mouvement de grève qui paralyse les raffineries et les livraisons de carburant en France, la direction de Total a décidé de publier à combien se chiffrait le salaire moyen de leurs salariés. C’est une vieille méthode de patrons : après avoir opposé les grévistes aux automobilistes, ils voudraient diviser les travailleurs en fonction de leur fiche de paie. Évidemment, pour les patrons nous sommes toujours trop bien payés ! C’est parce que nos salaires sont si bas que leurs profits sont si élevés. Les vrais privilégiés ce sont eux. Les millions qu’ils accumulent n’ont rien à voir avec les salaires des travailleurs sur le dos desquels ils s’engraissent. Les voilà les vrais privilégiés, qui vendent le carburant plus cher et qui exploitent les travailleurs ! C’est contre eux que les travailleurs de Total et Exxon se battent.

Iran : la révolte vient des femmes

Le 16 septembre dernier, une étudiante de 22 ans, Mahsa Amini, est morte sous les coups de la police religieuse iranienne sous prétexte qu’elle ne portait pas correctement son voile. Cela a été la fois de trop pour la jeunesse iranienne. Des centaines de manifestations ont eu lieu dans le pays malgré une répression policière qui a déjà fait plus de 80 morts, des centaines de blessés et des milliers d’arrestations. Rien ne semble faire reculer ces jeunes qui ont soif de liberté. On a vu des jeunes femmes se couper publiquement les cheveux ou brûler leur tchador, en révolte contre cette société qui leur dicte jusqu’à la manière de s’habiller. Les slogans sont dirigés contre le régime militaro-religieux et son chef, l’ayatollah Ali Khamenei : « mort au tyran », « à bas l’oppresseur » ou encore « Femme, vie, liberté », un slogan d’origine kurde, comme la jeune fille, mais qui est repris par tous les manifestants sans distinction.

Un chanteur célèbre a été arrêté pour avoir écrit une chanson en soutien à la protestation ; elle est depuis reprise dans les manifestations et même par des lycéennes et lycéens qui postent des vidéos où ils la chantent et insultent les portraits des dirigeants.

On ne peut que se réjouir de voir l’énergie de ces jeunes filles et garçons ébranler l’ordre établi de ces vieux croulants engoncés dans une vision religieuse et archaïque du monde. Encore une fois, ce sont les femmes qui ont été le fer de lance du mouvement. Ce n’est pas un hasard : dans toutes les sociétés, et encore plus dans les sociétés dominées par la religion, ce sont elles qui sont les plus opprimées : elles n’ont pas le droit de faire les mêmes métiers que les hommes, elles gagnent moins, elles sont mises sous la tutelle de leur père, frère ou mari et elles doivent se cacher de la tête aux pieds dans un tchador noir. En cas d’adultère, elles sont condamnées à mort. Ceux qui parlent ici en Europe de la liberté de choix religieuse oublient vite que dans des pays comme l’Iran, la religion ne laisse aucun choix aux femmes ni aux hommes.

Alors oui, bravo à ces femmes et à tous ceux qui ont rejoint cette révolte.

Le président Khamenei a accusé les manifestants d’être manipulés par les Etats-Unis et Israël. Il est probable que les dirigeants occidentaux se réjouissent de tout ce qui peut nuire à un régime qui leur est hostile, mais les Iraniennes et les Iraniens qui se révoltent ne sont pas des marionnettes, ils savent très bien ce dont ils ne veulent plus et pourquoi ils sont prêts à mourir.

Et même si les Occidentaux voulaient un changement de régime, ils préfèrent la dictature au désordre et ils craignent les révoltes tout autant que Khamenei. 

Le régime militaro-religieux de l’Iran est hérité de la révolte de 1979 qui a permis à l’ayatollah Khomeini de prendre le pouvoir en s’appuyant sur la haine des couches pauvres envers la dictature corrompue du Shah, inféodée aux intérêts américains. Des paysans, des ouvriers, des jeunes sont morts par milliers pour s’en libérer mais ont hérité d’une nouvelle dictature, qui n’a de démocratie que le nom. Le régime de Khomeini est resté anti-impérialiste mais il a réduit à néant les droits des femmes, tandis que les syndicats indépendants sont interdits, tout comme les grèves. La prison, la torture ou les exécutions ont été systématiquement utilisées pour empêcher toute forme d’opposition politique. 

Les travailleurs ont malgré tout continué à lutter pour leurs salaires et leurs conditions de travail. Dans les transports publics de Téhéran, par exemple, un syndicat clandestin a perduré malgré les arrestations de délégués, parfois condamnés à des années de prison.

L’économie stagne, minée à la fois par l’embargo des Occidentaux et par la corruption du régime. Le chômage sévit et les gouvernements tiennent le tout artificiellement en subventionnant les denrées de base comme le blé, le sucre ou l’essence. Ces subventions permettent aussi de maintenir les campagnes dans la dépendance vis-à-vis du régime et d’opposer les travailleurs des villes à ceux des champs.

De grandes grèves ont eu lieu ces dernières années, dans les industries sucrière et pétrolière. Ce sont à chaque fois des milliers de grévistes qui ont exigé de meilleurs salaires, ou parfois simplement d’être payés !

Derrière le vernis religieux du régime, il y a l’armée pour maintenir l’ordre et, surtout, il y a comme ailleurs des entreprises privées qui exploitent des travailleurs pour le profit de leurs actionnaires, comme dans tous les pays capitalistes de la planète.Il existe au sein du régime des tendances favorables à l’Occident. Pour eux, la liberté, c’est celle du commerce et d’exploiter « librement » les travailleurs d’Iran. Ce n’est évidemment pas pour ça que se battent les jeunes aujourd’hui. On espère qu’ils seront rejoints par les travailleuses et travailleurs du pays. S’il parviennent à chasser les ayatollahs, ils devront mettre en avant leurs propres objectifs pour ne pas se faire confisquer leur révolution.