La manifestation nationale du 24 mai a démontré une fois de plus que le monde du travail était prêt à se mobiliser pour se défendre.
Selon les estimations, il y aurait eu entre soixante et quatre-vingt mille personnes, peut-être plus quand on pense que la manifestation s’étendait en un flot continu et dense depuis Rogier jusqu’à la gare du Midi.
Une partie des médias avait annoncé à l’avance la démobilisation et la fin des luttes sociales. Eh bien, voilà qui leur clouera le bec ! Les mêmes ont évidemment monté en épingle les incidents au cours desquels un commissaire de police a été blessé. Mais quasiment aucun n’a relevé la rage avec laquelle ce commissaire gazait tous ceux qui passaient à sa portée avant d’être assommé. Pour les bourgeois, la violence n’est légitime que quand c’est eux qui l’exercent !
En tout cas, il est clair que ces médias, tout comme le gouvernement et le patronat ont enterré un peu trop rapidement la capacité de résistance des travailleurs.
Non seulement cette manifestation n’a pas à rougir par rapport aux précédentes, mais la mobilisation reste de loin supérieure à celles des années nonante contre le plan global de Dehaene, qui ne rassemblaient en moyenne « que » 45 000 personnes.
Et puis, il n’y a pas que la manifestation. Il y a la grève des gardiens de prison qui dure depuis trois semaines. Elle est en train de faire tache d’huile dans le reste du ministère de la justice où des grèves sont annoncées pour le mois de juin. Depuis le 23 mai, une grève du zèle a commencé aux Douanes, dont les employés n’en peuvent plus tellement les effectifs ont diminué, comme dans tous les services publics. D’autres catégories de fonctionnaires des finances menacent de suivre le mouvement… Enfin, il y a eu ce débrayage spontané du personnel de maintenance de la SNCB contre une tentative de la direction de leur voler une partie de leurs jours de récupération. Cette action a été le déclencheur d’une grève générale du rail qui a été reconduite au moins jusqu’au 31. Pour l’instant, les syndicats suivent et ils ont annoncé une grève générale des services publics le 31 mai.
Partout, dans tous les secteurs, les travailleurs sont exaspérés. L’austérité a grignoté lentement mais sûrement le pouvoir d’achat. La perspective de la pension devient de plus en plus lointaine et incertaine. Et tout ça pour quoi ? Pour des promesses d’emplois dont on ne voit pas la couleur et pour stagner dans une crise dont on ne voit pas la fin ! Quel sens cela aurait-il de continuer à faire des sacrifices, alors que l’avenir des jeunes, c’est le CPAS ou le chômage ? Surtout que cette crise, seule la population laborieuse en souffre. Les riches, eux, se portent bien. Et ils paient de moins en moins d’impôts, voire pas du tout pour ceux qui planquent leurs milliards au Panama.
Alors, il est logique qu’à la moindre étincelle, la tension accumulée explose !
C’est ce qui se passe en Belgique, mais aussi en France où la « Loi travail » mobilise contre elle toutes les catégories de travailleurs, qui entrent progressivement en grève, dans les transports, les raffineries et maintenant, les centrales électriques. La huitième journée d’action, ce 26 mai, a mobilisé trois cent mille manifestants.
Ces explosions de colère sont non seulement inévitables, mais elles sont aussi souhaitables, car elles seules peuvent arrêter l’hémorragie sociale. Le gouvernement Michel, obnubilé par ses économies budgétaires a cru que les travailleurs allaient se contenter de rouspéter mais qu’ils finiraient par accepter de payer les dettes créées par la crise financière, de travailler plus, d’être plus flexibles, de gagner moins aujourd’hui et encore moins demain lorsqu’ils seront à la pension. En manifestant, en faisant grève, les travailleurs démontrent qu’ils ne sont pas des moutons que l’on peut tondre.
Il ne suffira évidemment pas d’une manifestation. Celle-ci n’est pas la première, et le gouvernement n’a pas encore reculé. Il ne suffira pas non plus d’une journée de grève, même générale. On voit comment le gouvernement ne cède que millimètre par millimètre face à la grève des gardiens de prison. Mais ce que cette mobilisation et cette accumulation de mouvements nous montrent, c’est que de nombreux travailleurs sont prêts à se mobiliser pour défendre leurs droits, leurs conditions de travail et pour défendre le service public.
Si nous parvenons à unir ces luttes, ce nombre deviendra une force réelle contre laquelle le patronat et le gouvernement ne pourront rien.