Dans la nuit du vendredi au samedi 14 avril, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont bombardé trois sites présentés comme liés au programme d’armement chimique. Au total, une centaine de missiles se sont abattus sur des bâtiments vidés de leur personnel depuis plusieurs jours.
Pour justifier leur action militaire, Washington et Paris avaient assuré avoir la preuve de l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar al-Assad dans l’enclave de la Ghouta. En tout cas, ils se sont bien gardés d’attendre la moindre enquête internationale, puisque les inspecteurs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) sont arrivés en Syrie après les frappes occidentales.
Il faut tout le cynisme dont sont capables les dirigeants impérialistes pour utiliser une telle justification car, depuis sept ans que dure la guerre en Syrie, ils ont laissé la population se faire massacrer, aussi bien par les troupes du régime que par les milices djihadistes soutenues par leurs alliés.
Depuis le début des affrontements en Syrie en 2011, les dirigeants américains ont cherché à tirer parti des affrontements, appuyant des groupes djihadistes contre le régime d’Assad, laissant leurs alliés saoudiens et turcs appuyer et armer des groupes djihadistes à l’idéologie et aux méthodes qui n’avaient rien à envier à celles de Daech, quand ce n’était pas Daech lui-même.
Quand le chaos syrien a gagné l’Irak après les succès militaires de Daech, les États-Unis se sont alors résolus à laisser la Russie intervenir militairement, permettant ainsi au régime d’Assad de prendre le dessus sur ses opposants.
Que visent les dirigeants américains en bombardant aujourd’hui la Syrie ? Pour reprendre la formulation de tous les commentateurs, les frappes militaires américaines vont permettre à Trump de relancer la « dynamique diplomatique ». Autrement dit, les dirigeants américains veulent contraindre Assad à tenir compte de leurs exigences, au moment où il se prépare à reprendre les dernières zones échappant encore à son contrôle, dans la province d’Idlib au nord-ouest de la Syrie et dans la région de Deraa, au sud.
Au-delà d’Assad, les États-Unis ont envoyé un message à tous les États qui, directement ou indirectement par milices interposées, cherchent à jouer un rôle dans le conflit syrien, en particulier aux trois États, la Russie, l’Iran et la Turquie, engagés ces derniers temps dans des initiatives diplomatiques communes. Tout en prenant bien garde de ne pas risquer de faire de victimes parmi les troupes russes qui sont déployées sur de nombreux sites militaires syriens, les dirigeants américains ont mené une démonstration de force, mesurée mais réelle, vis-à-vis de ces États. La Turquie, qui fait partie de l’OTAN, s’est retrouvée à devoir apporter son soutien à l’action militaire ordonnée par Trump.
Loin d’une intervention destinée à protéger les populations, c’est de la part des dirigeants impérialistes une action cynique calculée pour imposer coûte que coûte leur droit de participer à l’ignoble partie d’échecs qui se joue avec le sang des populations.
Leur indignation de commande, sous prétexte d’usage d’armes chimiques, ne vise nullement à défendre la population syrienne, ni à mettre fin à ses souffrances et à la guerre qui dure depuis sept ans. Avec ou sans armes chimiques, le régime a déjà fait la preuve depuis longtemps qu’il était prêt à massacrer des populations civiles dans cette guerre qui a fait à ce jour plus de 350 000 morts. Depuis le début des affrontements en Syrie, les États-Unis ont certes critiqué la dictature d’Assad, mais ils ont montré qu’ils étaient tout à fait prêts à s’accommoder de son maintien au pouvoir, en particulier quand ils ont fait de la guerre contre Daech leur priorité.
Quelle valeur peuvent avoir les discours moraux de ceux qui présentent Assad comme le mal absolu, comme un dictateur sanguinaire, alors qu’ils vendent par ailleurs des armes à d’autres dictatures tout aussi sanglantes, telle que l’Arabie Saoudite ?
Non, certainement, le sort des populations civiles, pas plus en Syrie qu’ailleurs, n’entre jamais dans les calculs des puissances impérialistes, sinon comme prétexte.