L’affaire des centrales nucléaires belges a mis au premier plan le degré avancé de décrépitude de l’État, qui reflète en réalité la décadence de la société capitaliste dans son ensemble.
Pour rappel, Electrabel a annoncé en septembre que suite à des défauts structurels, six des sept centrales nucléaires seraient à l’arrêt cet hiver. Cela va poser de graves problèmes d’approvisionnement. Certains scénarios évoquent même un arrêt des trains pour économiser l’électricité les jours de grand froid. La pénurie annoncée fait déjà grimper les prix et les déclarations lénifiantes du gouvernement ne vont pas empêcher les ménages populaires de voir leur facture augmenter.
La ministre de l’Énergie, Marghem, s’est déclarée surprise et choquée du manque d’entretien des centrales nucléaires. Belle hypocrisie, car c’est elle qui négocie la prolongation du nucléaire avec Electrabel depuis quatre ans qu’elle est ministre !
La presse et les télés ont dénoncé l’irresponsabilité et l’incapacité du gouvernement. En réalité, le gouvernement est à plat ventre devant le patronat et en particulier devant les intérêts des poids lourds économiques comme Electrabel. L’affaire du retraitement des déchets nucléaires en apporte une preuve de plus : il était prévu qu’une loi garantisse qu’Electrabel supporte le coût de l’enfouissement des déchets nucléaires après la fermeture définitive des centrales en 2025. La loi prévoyait aussi un contrôle strict par une agence publique. Mais la loi n’a pas encore été votée qu’elle a déjà été complètement vidée de son contenu. Il ne fallait pas, paraît-il, exposer le pauvre Electrabel à « l’arbitraire » de l’agence de contrôle. En revanche, pas de problème à exposer la santé de la population à l’appétit de profits du groupe Engie, propriétaire d’Electrabel.
Si aujourd’hui les centrales sont fissurées et si demain les stocks de déchets radioactifs fuient, ce ne seront pas le résultat « d’erreurs » mais d’un laisser-faire généralisé. Les Marghem de demain fustigeront les décisions des Marghem d’aujourd’hui, mais le mal sera fait !
Voilà longtemps qu’on n’attend plus des gouvernements bourgeois, de droite comme de gauche, qu’ils aient une attitude responsable vis-à-vis de la santé de la population. Les scandales sanitaires, de la vache folle à la crise de la dioxine, montrent bien qu’on ne peut faire confiance ni aux patrons sans scrupules, ni à l’État qui les laisse faire.
L’inaction du gouvernement face au problème des centrales nucléaires montre qu’on en est arrivé à un point où les travailleurs ne sont plus les seules victimes. Les entreprises aussi vont subir les coupures d’électricité, de la même manière qu’elles subissent déjà l’inertie du gouvernement face aux problèmes de mobilité ou encore face aux problèmes environnementaux, à la pollution et au réchauffement climatique. Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme depuis des années, mais pas question de mettre en péril les profits des producteurs de pétrole ou d’automobiles. Pourtant, les bourgeois n’échappent pas à la pollution et leurs enfants avalent du plastique comme ceux des couches populaires.
Il peut paraître contradictoire qu’un gouvernement au service de la bourgeoisie prenne des mesures qui vont avoir des conséquences négatives pour le fonctionnement de ses entreprises.
Ce paradoxe apparent est la conséquence de la compétition acharnée entre les plus grands groupes capitalistes pour accroître leurs profits. Chacun d’eux tire la couverture à lui, c’est la loi du plus fort, à coups de milliards d’euros, et tant pis pour les plus faibles. Les enjeux économiques sont tels que les capitalistes prennent le risque d’amener l’ensemble de l’économie à une nouvelle crise, comme ils l’ont déjà fait plus d’une fois dans l’histoire, voire même à une guerre. La grande bourgeoisie n’en subit généralement pas les conséquences. Au contraire, une partie d’entre elle en tire même des profits faramineux. Ce sont les travailleurs qui en paieront la facture.
Lorsque l’économie devient un tel champ de bataille, cela n’a pas de sens d’imaginer qu’un gouvernement puisse mener une politique « raisonnable », même s’il le voulait. D’ailleurs, la seule chose que lui demande réellement la bourgeoisie, c’est de maintenir la pression sur le monde du travail.
La solution n’est pas à chercher dans de nouveaux ou de meilleurs politiciens mais dans un changement de société : les travailleurs doivent contrôler l’économie dans tous ses aspects, y compris la production d’énergie. Cela peut paraître lointain, mais c’est notre avenir qui est en jeu : si les bourgeois gardent le pouvoir, ils mèneront la planète à la catastrophe.