Le 13 février, le nouveau coronavirus avait touché plus de 60 000 personnes, pratiquement toutes en Chine, et tué plus de 1 300 d’entre elles.
Les équipes de recherche ont vite progressé dans la connaissance de ce nouveau virus. Même s’il reste encore de nombreux points d’interrogation, notamment sur la propagation de l’épidémie, l’ampleur et la vitesse de sa progression et même si on ne dispose toujours pas de traitement efficace ni de vaccin. Pour l’instant, il est impossible de prévoir l’ampleur de l’épidémie et le nombre de morts qui seront imputables à ce nouveau virus, mais il est certain qu’on est loin des 300 000 et 650 000 morts causés chaque année dans le monde par la grippe saisonnière.
Les craintes et les angoisses laissent le champ libre à toutes les inepties, dont celles qui attri-buent le risque de contamination à la couleur de la peau et la forme des yeux, voire, comme on a pu l’entendre, au riz cantonais ! En revanche, s’il y a bien une crainte à avoir c’est à l’égard du délabrement du système hospitalier et, dans bien des pays pauvres, de son inexistence.
En Belgique, les politiques de coupes budgétaires dans les soins de santé ont réduit la capacité des hôpitaux à répondre à des situations de crises. Le manque de personnel infirmier et la pénu-rie de médecins engendrée par le numérus clausus font que le temps d’attente moyen aux ur-gences dépasse les trois heures. En y ajoutant les économies sur les médicaments et les 10% d’infirmiers en burnout, les hôpitaux fonctionnent déjà mal, alors que se passerait-il en cas d’épidémie ?
Cela n’empêche pas Maggie de Block de prétendre que tout est sous contrôle ! Or, en tant que Ministre de la santé du gouvernement Michel, elle a divisé par trois la croissance des soins de santé. Elle a dû le reconnaître elle-même : si jusqu’à présent il y a eu si peu de cas en Belgique, c’est pour l’instant juste une question de chance. C’est la même situation qui prévaut dans les autres pays « riches » comme la France ou l’Allemagne, où les contraintes budgétaires ont car-rément causé la faillite et la fermeture de nombreux hôpitaux. Ailleurs, c’est pire.
Dans ces conditions, une véritable augmentation du nombre de malades pourrait conduire de-main à une catastrophe sanitaire. Mais ce n’est pas le virus qui en serait la seule cause !
Les six semaines qui se sont écoulées depuis que les premiers cas ont été signalés à Wuhan ont été le théâtre de véritables prouesses techniques et scientifiques. Elles montrent combien la société d’aujourd’hui a de moyens pour combattre une épidémie. La Chine a été capable de construire en dix jours deux hôpitaux ultramodernes capables d’héberger 2 300 malades.
Mais dans le même temps, les journaux et tous les médias font état d’une autre fièvre, écono-mique celle-là, que le coronavirus pourrait entraîner. La mise en quarantaine d’une province chinoise peuplée de soixante millions de personnes, les routes coupées, le trafic aérien ralenti voire stoppé, les usines fermées, l’activité industrielle en baisse ont fait baisser la demande de pétrole et fait chuter de plus de 10 % les cours mondiaux du baril. Et les commentateurs de s’inquiéter des répercussions à plus long terme sur l’économie chinoise et sur l’économie de toute la planète.
En Chine, Volkswagen, Ford, Honda, Toyota, Nissan, PSA ont dû fermer leurs usines au moins pour quelques jours. En Corée du Sud ou au Japon, des usines de montage automobile sont à l’arrêt, faute de composants et de pièces détachées produites par les usines chinoises. En Italie, Fiat-Chrysler menace de fermer une de ses unités de production victime de la production à flux tendu.
Un simple virus, un être à peine vivant et de taille microscopique, pourrait donc menacer l’économie de toute la planète Terre ? La question n’est évidemment pas le virus mais la fragilité de cette économie et l’absurdité de son organisation.
L’humanité a connu bien d’autres épidémies, et des pires. Au stade actuel des connaissances, il ne devrait pas y avoir de problème à prendre le temps nécessaire au contrôle de l’épidémie, quitte à arrêter quelques usines et à produire les voitures plus tard, sans que cela entraîne une catastrophe économique. Mais dans cette société malade, cela ne peut se faire sans spéculations et crises.
Si l’on est capable aujourd’hui d’investir toutes les intelligences dans la découverte des moyens nécessaires aux traitements, il reste encore beaucoup à faire pour débarrasser la société de ces préoccupations d’un autre âge : celles des Bourses et des marchés.