La gestion de la crise du Coronavirus par le gouvernement belge est choquante à plus d’un titre. En mars encore, De Block prétendait que tout était sous contrôle, qu’il ne fallait pas sur-réagir, voire que « ce n’est qu’une grippe ». Mais une fois que le virus était là, ça a été la panique : les hôpitaux débordés, les maisons de repos livrées à elles-mêmes, le personnel de première ligne sans équipements de protection, etc. La saga des masques a été un échec prévisible pour lequel des femmes et des hommes ont payé le prix fort.
Depuis des dizaines d’années, les gouvernements successifs n’ont qu’un seul objectif : améliorer la profitabilité des entreprises. Cela s’est traduit par des coupes budgétaires systématiques dans les budgets des soins de santé pour compenser les réductions de charges sociales offertes au patronat. Le résultat en est un manque d’effectifs et de matériel de protection. Le fait que les stocks de masques aient été vidés pour faire des économies en est un exemple parmi tant d’autres.
Si rien n’était prêt face au virus, c’est aussi parce que le gouvernement a reculé jusqu’à la dernière minute pour prendre les mesures nécessaires. Peut-être espérait-il que l’épidémie épargnerait la Belgique ? L’achat d’équipements de protection en grande quantité mettait à mal les objectifs d’économie. Quant à confiner, c’était un arrêt total de l’économie dont le gouvernement ne voulait pas.
Ce n’est que quand il a été évident que le virus allait faire des ravages plus graves pour l’économie que le confinement, que le nombre de morts serait injustifiable pour les politiciens au pouvoir, que des décisions ont été prises.
Mais trop peu et trop tard. Ce sont les travailleurs de première ligne qui en ont payé le prix. Même confronté à l’urgence, la classe politique a continué à agir à minima, que ce soit pour obtenir des masques, des respirateurs ou des tests. La moindre des choses aurait été d’imposer à toutes les firmes capables de le faire d’en produire immédiatement et gratuitement. Mais comment attendre d’une classe habituée à servir le patronat qu’elle se mette tout d’un coup à lui donner des ordres ?
Les déboires du gouvernement ont fait des victimes : le personnel médical, celui des homes, les pompiers, policiers, les employés de la distribution et tous ceux qui se sont retrouvés en première ligne, sans protection. Mais aussi les personnes âgées ou handicapées abandonnées dans les homes faute de prise en charge hospitalière.
Tout ce qui a compté aux yeux de Wilmès et consorts, c’est d’éviter le débordement des hôpitaux et de limiter dans une certaine mesure le nombre de morts.
Le gouvernement a aussi fait son choix au niveau social. Pour les travailleurs qui avaient déjà du mal à s’en sortir, c’est la catastrophe. Comment nourrir les enfants et payer le loyer quand le salaire a été raboté de 20% ou plus ? Le gouvernement ne leur a rien proposé car les milliards d’euros d’aides ne sont destinés qu’à leurs patrons. Eux sont dispensés de payer les cotisations sociales et ont des facilités pour recourir au chômage économique, tandis que les travailleurs doivent continuer à payer leur loyer.
Le même choix politique guide le gouvernement pour le déconfinement : d’abord relancer les entreprises, autoriser le travail, et on verra plus tard pour les travailleurs et leurs familles. Quand il a été question de relancer le secteur de la construction, Wilmès a annoncé que ce serait sur une base « volontaire », mais comment un ouvrier va-t-il pouvoir refuser d’aller sur un chantier, même s’il y a un risque d’infection, quand l’alternative est de se retrouver, lui et sa famille, à la rue ?
Oui, il y a de quoi être en colère quand on voit que la loi du profit continue à passer avant les vies humaines.
La Belgique n’est pas une exception. En France, des travailleurs pauvres font la file sur des centaines de mètres devant des banques alimentaires tandis que le gouvernement offre une aide de sept milliards à Air France. En Angleterre, Boris Johnson, tombé malade, a dû reconnaître les désastres causés par la politique d’économies et de privatisation menée par son parti depuis des années. Aux USA, des dizaines de millions de travailleurs se retrouvent au chômage, sans aucune aide, et se voient couper l’eau et l’électricité qu’ils ne peuvent plus payer.
Pour tous les pauvres de la planète, c’est la double peine : la misère et la maladie.Une société dont les dirigeants ne sont pas capables de renoncer à ne serait-ce qu’une petite partie de leurs privilèges pour protéger les plus faibles ou les plus vieux n’est bonne qu’à jeter à la poubelle. Malgré les plus de 200 000 morts, la seule chose qui compte est de relancer l’économie, et tant pis si d’autres travailleurs doivent y laisser leur peau.