Deux semaines après la proclamation du résultat quasi-définitif des élections américaines, Trump refuse toujours obstinément de reconnaître sa défaite. Il ne se passe pas un jour sans qu’il tweete un mensonge de plus sur les « élections truquées » et qu’il prétende que c’est lui qui a gagné, tout en multipliant les actions en justice contre les résultats.
Les politiciens et les médias se font l’écho de ces fanfaronnades de mauvais perdant et s’inquiètent du fait qu’elles sapent la confiance dans la démocratie. Mais quelle confiance ? Les capitalistes, les grands bourgeois se moquent bien de la démocratie, car leur richesse ne dépend d’aucun électeur et ils n’ont de comptes à rendre à personne. Dans un système où le vrai pouvoir est concentré entre les mains des plus riches, les élections ne peuvent être qu’une illusion visant à faire croire à la population qu’elle a son mot à dire et qu’en choisissant un président, elle est responsable de son propre malheur… jusqu’aux prochaines élections.
Néanmoins, quand le dirigeant de la plus grande démocratie du monde, celle qui est censée donner le ton au reste de la planète, se moque ouvertement du processus électoral et menace de l’usurper, il donne un signal encourageant à tous les candidats dictateurs de la planète, les Bolsonaro, Erdoğan et Orban de tous les pays, et cela n’est jamais bon pour les travailleurs.
En donnant une légitimité aux soupçons les plus farfelus, Trump encourage aussi les complotistes de tous bords et les milices armées d’extrême-droite aux États-Unis. Du Ku Klux Klan aux Proud Boys et autres American Legion, l’histoire des États-Unis regorge de ces groupes, racistes et fascistes, fanatiques de la gâchette et qui ne demandent qu’à se lâcher contre les Noirs et les hispaniques aujourd’hui, ou contre des travailleurs en grève demain. Trump les a invités à se « tenir prêts » tout en se gardant bien de dire ce qu’il entend par là. Avant les élections, cela pouvait passer pour une flatterie vis-à-vis de son électorat le plus réactionnaire. Mais de là à penser que Trump préparerait un coup d’État ou une guerre civile, il y a quand même un fossé. Certes, Trump travaille pour lui-même et il est prêt à tout pour rempiler. Mais il doit défendre au bout du compte l’intérêt général de la grande bourgeoisie américaine et rien n’indique qu’elle soit prête à passer à une dictature ouverte contre les travailleurs, avec ce que cela implique de risques de déstabilisation et de luttes sociales.
En tout cas, il serait illusoire, voire même dangereux, de penser que Biden et les Démocrates soient d’une protection quelconque contre cette extrême-droite violente. Certes, les Démocrates se disent opposés à ces milices, mais ils ne proposent aucune autre alternative que la justice et la police, qui sont elles-mêmes souvent sympathisantes de ces idées nauséabondes.
Dans les années 1930, les militants de la fédération syndicale CIO ont cessé d’appeler la police ou le FBI et ont fait taire eux-mêmes les milices fascistes de l’American Legion. Plus tard, ce sont les mobilisations des années ‘50 et ‘60 qui ont fait ravaler leur morgue aux clowns sinistres du KKK.
Même si on en parle peu dans les médias européens, le monde du travail américain a su se faire entendre à bien des reprises. En 2019, par exemple, 46 000 ouvriers de General Motors ont fait six semaines de grève et ont obtenu des primes ; une série de grèves des enseignants de plusieurs États américains leur ont permis d’obtenir des augmentations de salaires et elles ont culminé avec la grève des enseignants de 900 écoles de Los Angeles ; il y a eu aussi cette grève des 31 000 salariés de la chaîne de supermarchés Stop & Shop. On pourrait en citer encore bien d’autres. L’année 2020 a été marquée par le mouvement Black Lives Matter, en réaction aux nombreux assassinats de Noirs par la police. Ce mouvement n’a pas la nature ouvrière, ni l’ampleur, des grandes révoltes des années 1960 qui ont fait trembler l’Amérique, mais il rassemble néanmoins toute une jeunesse qui ne supporte plus le racisme arrogant de la police et du gouvernement.
Ces luttes montrent que même au pays du capitalisme conquérant, les travailleurs ne sont pas prêts à se laisser faire. Ce sont par ces luttes que les travailleurs américains, quelle que soit leur origine, pourront, on l’espère, s’unir et faire reculer le patronat, malgré les futures capitulations des Démocrates, et claper leur bec à Trump et à ses sbires.