La grève nationale du 29 mars dernier a été extrêmement bien suivie. Dans les transports en commun, la Stib, De Lijn et les TEC étaient quasiment à l’arrêt. A la SNCB, seule une partie des trains circulait. La grande distribution, les services et l’industrie étaient quasi-complètement fermés.
Ce n’était pas évident de s’en rendre compte car la grève n’a pas été très visible : sous prétexte de Covid, les piquets étaient limités à quatre personnes et il n’y a eu ni rassemblements ni manifestations. Il est regrettable que les syndicats aient été dans ce sens, appelant les travailleurs à rester chez eux plutôt qu’à se retrouver aux piquets, pour discuter des revendications, des actions et renforcer la solidarité entre travailleurs.
Malgré tout, la réussite de la grève montre que les travailleurs sont nombreux à être fâchés, contre le patronat et contre le gouvernement. Ceux-ci avaient pourtant tout fait pour démobiliser, accusant les grévistes de mettre en danger la future reprise économique. Une reprise bien théorique et qui, si on les laisse faire, ne profitera de toute façon qu’aux plus riches.
Alors, oui, les travailleurs ont raison d’être en colère car le refus patronal d’augmenter les salaires de plus que 0,4 misérables pourcents prend une dimension particulière en ces temps de pandémie.
La « loi de compétitivité » derrière laquelle le patronat et le gouvernement se retranchent pour refuser les augmentations date de 1996 et elle a été durcie en 2017. Elle prétend interdire les augmentations de salaires supérieures à la moyenne des pays voisins. C’est ainsi que les travailleurs de France, de Belgique ou d’Allemagne se voient opposer le même argument : impossible de vous augmenter car vous êtes déjà plus chers que vos camarades. Cela va évidemment toujours dans le même sens, celui de bloquer les salaires en mettant en concurrence les travailleurs des différents pays.
C’est une loi absolument injuste, comme toutes les lois de ce régime de pseudo-démocratie bourgeoise. Il n’y a aucune règle qui limite les profits des patrons ou qui les empêche de se verser des dividendes pharaoniques ! Mais comme toutes les lois que font les politiciens au service des bourgeois, elle peut être défaite pour peu qu’ils trouvent face à eux une mobilisation de l’ensemble des travailleurs.
Cette fois-ci, le mécontentement des travailleurs n’est pas seulement dirigé contre l’avarice patronale, mais aussi contre la manière dont le gouvernement a géré la pandémie.
Il est évident que le poids des mesures ne pèse pas de la même manière sur toutes les épaules. Les travailleurs ont plus souvent été confinés dans un petit appartement que dans une villa quatre façades avec jardin ! Les entreprises de la grande distribution ont continué à fonctionner et engranger des profits tandis que leurs salariés n’avaient même pas de mesures de protection adéquates. Bien des travailleurs se retrouvés au chômage économique avec un salaire amputé, voire pas de salaire du tout pour ceux qui devaient se débrouiller au noir. Les patrons, eux, ont reçu des aides financières et vont bientôt être arrosés par les milliards d’euros du plan européen de relance, plan que les travailleurs paient de leurs impôts !
Depuis lors, les différentes branches patronales, de l’industrie et du commerce, font des pieds et des mains pour rouvrir, se moquant bien de ce qui arrivera à ceux qui attraperont le virus dans leurs magasins. Mais dans la presse, ce sont eux qu’on plaint et ce sont eux qui ont un relais au gouvernement, en particulier via le MR.
L’hypocrisie a été à son sommet ce mois-ci, lorsque le gouvernement a annulé la possibilité de se réunir en extérieur à plus de quatre personnes, tandis qu’il restait possible de s’entasser dans les transports en commun. Le nombre de voyageurs dans les trains est limité pour aller à la mer, mais pas pour venir travailler !
« L’équipe des onze millions » ce sont des mots, la réalité c’est que même la gestion de la pandémie est imprégnée par la lutte des classes.
Tout le monde en a assez des restrictions, mais la solution n’est pas dans les mesures individualistes : rouvrir restaurants et commerces, se réunir pour faire la fête au bois, quitte à relancer l’épidémie. La classe ouvrière n’a jamais progressé de cette manière mais à travers des actions collectives et solidaires. C’est la différence entre les bourgeois et les prolétaires, les premiers prônent l’individu et se moquent des dégâts sociaux, sanitaires ou écologiques causés par leurs profits tandis que les travailleurs savent qu’ils ne peuvent s’en sortir que tous ensemble.
La réussite de la grève doit nous encourager à renforcer la mobilisation. Patronat et gouvernement attendent de voir la suite pour serrer la vis ou céder du terrain. La balle est dans le camp des travailleurs.