Interrogé sur BFM-TV le 2 avril par le journaliste Jean-Jacques Bourdin, Jean-Marie Le Pen a réaffirmé ses propos sur les chambres à gaz, qui seraient selon lui « un détail de l’histoire ». Poursuivant sur cette période, il s’est vanté de rassembler au sein du FN aussi bien des gaullistes que de « fervents pétainistes ».
Le Pen père tient à confirmer que son parti est un ramassis de réactionnaires relevant d’une peu reluisante tradition. On est bien loin du parti « neuf », qui n’aurait « jamais été essayé », comme le prétendent ses dirigeants.
Le régime de Pétain, dont les nostalgiques ont une place revendiquée au FN, porte la responsabilité du fichage et de la déportation des Juifs en France entre 1940 et 1944, ainsi que de la persécution des militants de gauche, des syndicalistes et de tous les opposants. Le Pen père ne renie pas cette dictature d’extrême droite, même si sa fille, qui veut ratisser plus large, marque ses distances avec les propos de son père.
Selon un jeu de rôle bien rôdé, Marine Le Pen s’est en effet empressée de prendre ses distances avec celui qui reste le président « d’honneur » du FN. Par ses provocations, le père rappelle à ceux qui croient que le FN est un parti nouveau que c’est un repaire pour nombre de réactionnaires, d’antisémites, racistes et foncièrement anti-ouvriers.
Ce jeu de rôle fait partie de la stratégie de normalisation du Front National : en montrant qu’elle est prête à renier politiquement son propre père, Marine Le Pen cherche à faire tomber un obstacle au vote d’un certain nombre d’électeurs indisposés par la personnalité et les idées nauséabondes du père.
C’est une manière de contrer l’offensive de Valls, le premier ministre PS, qui comme d’autres cherche à sauver le score électoral de son parti en faisant appel à un vote utile contre le Front National, présenté comme un parti quasiment diabolique.
Car, si le FN est aussi haut, à qui la faute ? Pourquoi le FN a-t-il une telle influence dans les quartiers populaires et dans les villes ouvrières qui jusque-là votaient pour la gauche ? Pourquoi une fraction de l’électorat populaire rejette-t-elle le PS au point de se jeter dans les bras du FN, le pire ennemi des travailleurs ?
Parce qu’à chaque fois que les socialistes accèdent au pouvoir, la même histoire se répète : des promesses électorales, la trahison presque dès le lendemain et une politique anti-ouvrière pendant cinq ans.
Face au PS et à l’UMP de Sarkozy, le FN a beau jeu de sortir son argument du « il n’y a que lui que l’on n’a pas essayé ». Le Pen se dit « anti-système », dans le sens qu’elle est contre le système politicien dominé par « l’UMPS » mais elle n’a rien contre l’ordre social capitaliste où une famille bourgeoise peut disposer de la vie de centaines de milliers de travailleurs. Et pour cause, les Le Pen eux-mêmes sont des bourgeois qui ont fait fortune sur le travail d’autres en héritant du groupe de cimenterie Lambert.
À entendre le FN, le chômage, les bas salaires, le manque de logements… tout est de la faute des immigrés. Pas un mot contre les licencieurs ni contre les spéculateurs ! Une telle démagogie fait de Le Pen la meilleure défenseure du patronat.
Le FN est un parti bourgeois comme le sont le PS et l’UMP, mais en pire car la haine de l’étranger sur laquelle il surfe est un poison pour la société et la politique à poigne qu’il annonce contre les immigrés se retournera contre tous les travailleurs.
Alors que les travailleurs ont besoin d’unité pour se défendre des attaques patronales, Le Pen père et fille veulent les dresser les uns contre les autres en fonction de leur origine ou de leur religion. Demain, s’ils en ont le pouvoir, ils livreront les travailleurs les uns après les autres à la férocité patronale.
Tous ces gens-là, des fervents pétainistes du papa aux nouveaux cadres propres sur eux qui entourent la fille, appartiennent au même mouvement et ils veulent tous le même régime dictatorial.
L’abandon par la gauche de l’objectif de renverser le capitalisme a fait le lit du FN. Pour l’instant, le FN surfe sur la résignation et l’abattement mais cela aura une fin car, par la force des choses, le patronat ne laissera d’autre choix aux travailleurs que de se battre pour défendre leurs droits, renverser la minorité capitaliste et libérer tous les exploités.