Le monde politique s’agite autour de la question des prépensions. En décembre, le gouvernement avait décidé de forcer les prépensionnés à se remettre à la recherche d’un emploi. Depuis lors, patronat et syndicats sont parvenus à un accord qui garantit le statut des travailleurs prépensionnés avant 2015, tandis que les futurs prépensionnés devront être disponibles pour un emploi qui leur serait éventuellement proposé.
Mais le gouvernement a rejeté cet accord et, s’il a concédé de ne pas toucher aux prépensions déjà accordées, il persiste dans sa volonté d’obliger les futurs prépensionnés à rechercher activement du travail, comme les autres chômeurs.
Tout cela n’a apparemment aucun sens : alors que le chômage touche 600 000 personnes, quel sens cela a-t-il de remettre sur le « marché du travail » des travailleurs âgés qu’aucun patron ne veut de toute façon embaucher ? Si le patronat a conclu un accord avec les syndicats, c’est justement par ce que les prépensionnés ne l’intéressent pas ! Que du contraire puisque les patrons ont toujours utilisé le système pour faire passer plus facilement des plans de restructurations auprès des travailleurs, en proposant la prépension comme alternative au chômage.
En réalité le sort des prépensionnés n’intéresse pas vraiment les camps en présence. Chaque parti fait de la surenchère par rapport à son propre électorat. La NV-A ratisse à droite avec un discours antisyndical caricatural dans lequel De Wever prétend que le pouvoir des syndicats bafoue la démocratie. Le MR joue aux défenseurs de l’orthodoxie budgétaire, rappelant qu’il est pour l’allongement de la durée des carrières et qu’il n’hésitera donc pas à sacrifier la vie des travailleurs sur l’autel de l’austérité. Voilà qui ne peut que plaire aux patrons petits et grands. Le CD&V, de son côté, cherche à récupérer des voix à sa gauche en se présentant comme un défenseur du « dialogue social », comme une alternative « soft » au libéralisme de la NV-A et du VLD.
Depuis l’opposition, le PS joue les défenseurs des travailleurs. Cela est un peu tardif et amnésique car c’est bien le gouvernement Di Rupo qui a décidé en 2012 du relèvement de l’âge de la prépension de 58 à 60 ans avec 40 ans de carrière.
On a l’impression d’assister à une répétition de la même pièce de théâtre où chacun joue son rôle et dans laquelle les travailleurs sont toujours les dupes ! Aucun de ces politiciens de gauche comme de droite ne se soucie de la vie de ces travailleurs, qui ont une pension rabotée à un peu plus de mille euros après une vie de travail, et en attendant une vraie pension. Parfois la prépension est un souhait de travailleurs fatigués qui acceptent temporairement une pension incomplète pour échapper à un travail qui les épuise. Mais le plus souvent, la prépension est imposée par les patrons lors des restructurations, afin de les rendre plus présentables en réduisant artificiellement le nombre de « licenciements secs ».
Qu’une grande partie d’entre eux s’enfonce encore plus dans la misère suite aux nouvelles mesures du gouvernement laisse politiciens et patronat complètement indifférents.
Ce qui compte réellement derrière cette attaque supplémentaire contre le monde du travail, c’est le message qui l’accompagne : la population vieillit et il va falloir travailler plus longtemps pour ne pas aggraver le déficit de la sécurité sociale. Tous accordent leurs violons sur cette rengaine ! Pourtant, rien n’est plus faux. Aujourd’hui, la productivité du travail est telle qu’un nombre plus faible de travailleurs peut largement produire assez de richesses pour financer une retraite décente aux seniors. Il y en a une preuve évidente : les milliards que les patrons et les riches ont planqué en Suisse, au Luxembourg et autres paradis fiscaux viennent directement du travail des salariés et de nulle part ailleurs. Une petite partie de cet argent suffirait à financer largement la sécurité sociale.
La mesure du gouvernement ne vise pas que les travailleurs âgés, elle vise à faire payer la crise du système capitaliste à l’ensemble des travailleurs, qui devront travailler plus longtemps pour des pensions plus faibles, faute d’avoir travaillé assez longtemps.
Les syndicats ont refusé le plan du gouvernement et ont organisé un rassemblement le 11 mars et appellent à une manifestation le 31. Mais il faudra une mobilisation encore plus large que celle de novembre et décembre pour faire reculer le gouvernement et le patronat dans leur offensive contre le monde du travail.