Les attentats de Paris et leurs ramifications en Belgique ont amené le gouvernement belge à prendre des mesures sécuritaires sans précédent : métros, musées et écoles ont été fermés, les rassemblements ont été plus ou moins formellement interdits, tandis que l’armée prenait position dans les rues.
Le gouvernement n’a pas jugé bon d’expliquer ce qui justifiait de telles mesures. Ni pourquoi les écoles de Bruxelles ont rouvert malgré le maintien du niveau d’alerte quatre, ni non plus pourquoi le niveau est redescendu à trois.
On peut à juste titre se demander en quoi créer des files d’attente à la porte des écoles évite des attentats, ni en quoi des camions militaires vont effrayer d’éventuels terroristes. Mais il était surtout frappant de voir comment tous les partis politiques, la presse et les médias se sont alignés derrière la politique du gouvernement. La seule critique que l’on ait entendue dans les rangs parlementaires et journalistiques concerne les « erreurs de communication ». Personne ne remet en cause ce discours simpliste qui considère que les habitants du pays, quel que soit leur statut social, seraient unis face à un ennemi commun représenté par Daesh, l’Etat islamique.
Certes, l’Etat islamique est un groupe terroriste de la pire espèce. Là où il règne, il a mis en place une dictature basée sur la terreur, le meurtre, les châtiments corporels, l’esclavage et la soumission des femmes.
Pour autant, nous ne devons pas oublier que son apparition est le résultat de la politique guerrière des Etats-Unis et de ses alliés en Irak, puis en Lybie et en Syrie. Les groupes islamistes qui ont fondé Daesch ont été financés par l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui sont considérés comme des alliés parfaitement fréquentables par les politiciens européens. Et Daesh a été plus que toléré par la Turquie tant qu’il combattait les kurdes auxquels le régime turc refuse toute reconnaissance. Avant l’intervention américaine et européenne dans la région, les différentes communautés sunnites, chiites, kurdes, yézidis et autres cohabitaient pacifiquement. C’est l’appétit insatiable des pays riches qui a créé cette situation explosive, dont les 130 morts à Paris et les centaines de milliers de morts en Syrie, sont les victimes innocentes. Et ce n’est pas avec plus de bombes que l’on va régler le problème !
Quand à l’agitation policière du gouvernement belge, elle ne contribue en rien à limiter les risques d’attentats mais elle construit un sentiment général de peur et de méfiance.
Pendant la phase d’alerte, les déclarations de Charles Michel étaient vides de tout contenu politique : il ne faisait que rapporter des informations sur les mesures de sécurité, comme si tout cela allait de soi. Et de fait, aucune critique n’est venue des rangs de l’opposition, tandis que la presse acceptait même de s’autocensurer. Ce consensus général ne fait que renforcer le gouvernement et lui permet de faire passer à l’arrière plan les limitations des libertés que cela implique.
Charles Michel veut en effet doter la police de nouveaux pouvoirs pour l’espionnage de la population sans le garde-fou du contrôle judiciaire. Mais c’est contre les travailleurs que ces lois se retourneront. En France, la police, qui vient aussi de recevoir des pouvoirs accrus, les a aussitôt utilisés contre des militants écologistes qui voulaient manifester. En Belgique, le CDH Di Antonio a accusé les travailleurs qui ont participé à la grève interprofessionnelle régionale du 23 novembre de « gêner l’action de la police ». Et qui n’a pas déjà entendu des politiciens MR ou NVA traiter des grévistes de « terroristes » ou de « preneurs d’otages » ? Voilà à quoi peut servir cette psychose sécuritaire : museler le monde du travail. C’est cette pression qui a poussé les syndicats à annuler les actions prévues à Bruxelles et dans le Brabant. Et le gouvernement en a profité pour mettre en place une nouvelle loi visant à interdire les piquets de grève.
Tout ceci contribue à affaiblir le monde du travail, alors que la politique d’austérité continue à priver les écoles, les hôpitaux, les transports et tous les autres services à la collectivité des moyens nécessaires. Le chômage continue à précariser de plus en plus de travailleurs. Il n’y a donc aucune raison de ne pas combattre la politique du gouvernement.
Cette politique d’austérité crée l’exclusion et c’est aussi cela qui pousse des jeunes à se tourner vers l’impasse du terrorisme en croyant lutter contre le système. La seule perspective, ce serait de mener la lutte de classes contre l’organisation économique capitaliste, et pour la remplacer par une société plus juste, sans profits, où chacun puisse trouver sa place.