La force des travailleurs est dans les luttes sociales, pas dans les élections

Le premier tour des élections régionales en France a été un choc pour beaucoup : le Front National, le parti d’extrême-droite de Marine Le Pen a obtenu la première place dans plusieurs régions importantes, avec une pointe à 40% dans le Nord et en Provence-Côte d’Azur. Lors du second tour, les listes de la droite « traditionnelle » et du Parti Socialiste sont repassées en têtes et, finalement, le Front National ne l’a emporté dans aucune région.
Mais il n’y a pas de quoi se rassurer pour autant.
Plus de 6 millions d’électeurs lui ont donné leur voix. Depuis que la fille Le Pen a pris la tête du FN, son électorat progresse à chaque élection. C’est la petite diminution de l’abstention au deuxième tour du scrutin qui a empêché le FN de gagner les régions qu’il convoitait au premier tour. Les listes de droite et de gauche ont ainsi bénéficié de l’effet épouvantail du FN.
Or, cette abstention touche avant tout les classes populaires (environ 60% chez les ouvriers et les employés) – et l’électorat de gauche. La raison est évidente : à force de voir leurs espoirs trahis, ils ne se retrouvent plus dans la politique menée par le Parti socialiste. Austérité, attaques contres les chômeurs, contre les retraites et contre les services publics, voilà le menu indigeste que les gouvernements successifs ont servi à la population travailleuse. Le Parti Socialiste se prétend de gauche, mais soutient le patronat, y compris de manière très symbolique, comme lorsque le premier ministre Valls a envoyé la police arrêter des travailleurs d’Air France en colère contre la restructuration. En France comme en Belgique, depuis des dizaines d’années, ceux qui prétendent défendre le monde du travail ont toujours mené une politique anti-ouvrière lorsqu’ils étaient au pouvoir. Alors, à quoi cela a-t-il servi de voter « contre la droite » si c’est pour avoir un gouvernement qui fait une politique de droite ?
Dans le même temps, la surenchère nationaliste et sécuritaire du parti de Sarkozy – aujourd’hui rebaptisé « Les Républicains » – pour reprendre des voix au Front National n’a fait que légitimer les discours qui font passer les travailleurs d’origine étrangère pour responsables des problèmes sociaux. Et le Parti Socialiste lui-même a joué le jeu du « problème de l’immigration » pour masquer que le chômage vient des licenciements ou que les difficultés du financement de la sécurité sociale sont dues aux réductions de charges sociales octroyées au patronat. Le PS français n’a pas attendu l’afflux récent de réfugiés venant d’Irak ou de Syrie, ni les attentats de Paris, pour tenir ce genre de discours.
C’est ainsi que depuis des années, le FN et ses idées réactionnaires pèsent de plus en plus sur la vie politique et sociale en France. Ce parti ne fait finalement que récolter ce que le PS et la droite ont semé. Il a prospéré sur le dégoût et la désorientation des classes populaires face aux trahisons de la gauche, mais il n’est pas une alternative. Il se distingue des autres partis par son discours chauvin et sa haine ouverte de l’étranger, mais il est tout autant au service du système capitaliste. Prendre les immigrés ou l’Europe comme boucs émissaires des difficultés des travailleurs est un moyen de masquer que c’est la bourgeoisie qui est responsable de l’exploitation, du chômage et de la pauvreté, et parmi elle, au premier rang, il y a des patrons des patrons tels que Bouygues, Arnault, Bolloré et autres milliardaires bien français.
Dans les villes où le FN a des élus, il n’a pas créé plus de bien-être, uniquement plus de répression et d’exclusion. Dans la plupart de ces villes, l’abstention a d’ailleurs été encore plus forte qu’ailleurs.
Fondamentalement, tous ces partis entretiennent l’idée que les travailleurs n’ont pas d’autre moyen de se changer leur sort qu’en votant pour l’un ou pour l’autre. Mais parce qu’ils représentent tous, chacun à leur manière, l’ordre bourgeois et capitaliste, ils ne peuvent que trahir les espoirs que les travailleurs auraient mis en eux.
Les travailleurs ne pourront pas changer leur sort par les élections. Leur force vient de leur nombre et de leur rôle central dans l’économie : ce sont eux, et eux uniquement, qui la font fonctionner. Mais pour que cette force se réalise, il faut des luttes collectives, des grèves, des manifestations. Et il faut que les travailleurs s’unissent et s’organisent dans un parti qui leur appartienne.
Voilà seulement ce qui pourra mettre fin à cette société basée sur l’injustice et l’exploitation.

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