C’est un véritable mélodrame, un « thriller », qui s’est joué durant ce mois d’octobre. A quelques jours de la date prévue, le parlement wallon a voté son refus de la signature du Ceta, l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada. Il fut suivi d’un refus similaire des parlements de la communauté Wallonie-Bruxelles et de la Région bruxelloise.
Pendant quelques jours, la Wallonie est apparue comme le dernier village gaulois qui s’opposait à la mondialisation et au libre-échange généralisé. Le Canada remplaçait les romains tandis que Paul Magnette et André Antoine prenaient les rôles d’Astérix et Obélix.
Mais après quelques coups de gueule, tout est rentré dans l’ordre et le traité a finalement été signé le 30 octobre, avec quelques jours de retard.
Evidemment, le PS et le CdH se vantent, l’un d’avoir sauvé la démocratie face à la dictature de l’Europe, et l’autre d’avoir sauvé les agriculteurs des griffes des multinationales de l’agroalimentaire. Magnette est aujourd’hui considéré par certains comme un héros, y compris en dehors de la Belgique où il est présenté comme celui qui a fait ce qui aurait dû être fait dans tout le reste de l’Europe. Ironiquement, le Premier ministre canadien a même dit que le traité était meilleur maintenant…
De son côté, Charles Michel prétend que pas une ligne du traité n’a été modifiée et que les wallons n’ont obtenu tout au plus que quelques clarifications.
Alors, modifié ou pas ? Héroïsme ou poudre aux yeux ? Magnette et ses acolytes ont-ils sauvé la démocratie européenne, le système social belge et l’agriculture wallonne ? Eh bien, du point de vue des travailleurs, c’est une fausse question.
L’objectif des traités internationaux est avant tout de permettre aux grands groupes capitalistes de vendre leurs marchandises à une plus grande échelle. Le « libre-échange » pour eux permet de simplifier les procédures douanières et de réduire les coûts liés à la distribution de leurs produits sur plusieurs continents. Les accords fondateurs de l’Europe par exemple, ne sont pas bien différents du Ceta : libre-échange des marchandises, suppression des droits de douane, règles commerciales communes, etc. Les discours sur la « citoyenneté » et les valeurs européennes, ne sont que du baratin destiné à faire avaler aux travailleurs l’accroissement de la concurrence sur le marché du travail.
Mais ces accords ne sont qu’un moyen parmi tous ceux que les groupes capitalistes utilisent pour contrôler l’économie. Les bourgeois qui les dirigent n’ont pas attendu le Ceta ou l’Europe pour exploiter les travailleurs de tous les pays. Pour ne citer qu’un exemple : il y a plus d’un siècle, en 1907, le groupe allemand AEG et l’américain General Electrics s’étaient arrangés pour se partager le marché mondial des appareils électriques. C’était quarante ans avant l’union européenne ! De même, les grandes puissances impérialistes de l’époque, la France, l’Angleterre et à son échelle la Belgique, n’ont pas eu besoin d’accords internationaux pour piller au profit de leurs bourgeois les richesses et les travailleurs d’Afrique, d’Inde ou de Chine, qui restèrent des colonies jusque dans les années 1950 et dont le développement a été entravé jusqu’à aujourd’hui ! Les patrons de ces pays « riches » ont exploité, et continuent d’exploiter les travailleurs nationaux et étrangers, dans les mines, les usines ou les bureaux.
Le Ceta, le TTIP ou l’Europe ne sont que des accords entre ces brigands, des accords qu’ils sont bien obligés de faire car aucun n’arrive à dominer l’autre. Voilà pourquoi refuser le Ceta, le renégocier ou le réécrire sont autant de variantes qui ne représentent ni de près ni de loin les intérêts des travailleurs.
Ceux qui prétendent défendre les travailleurs ou les petits agriculteurs en s’opposant au Ceta sont des imposteurs. Ils ne s’opposent pas à l’exploitation capitaliste, ils n’ont rien à redire contre les licenciements, ni contre l’appauvrissement de la majorité de la population au profit d’une minorité de plus en plus riche. Ils veulent faire croire que les travailleurs seraient mieux lotis en étant exploités par des patrons belges.
Ces accords sont une des formes que prend l’exploitation capitaliste, mais y opposer un esprit de clocher n’a aucun sens, car les frontières nationales sont des anachronismes réactionnaires et les travailleurs n’ont aucun intérêt à leur conservation, car ces frontières les divisent et font aussi le jeu de leurs exploiteurs.
Alors, oui à une planète sans frontières, mais une planète d’abord débarrassée du capitalisme !