Alep agonise sous les bombes. Depuis plusieurs mois, les habitants de cette ville presque deux fois plus grande que Bruxelles sont pilonnés par l’armée syrienne soutenue par la Russie. « Les rues sont pleines de gens sous les décombres. Ils meurent parce qu’on ne peut pas les sortir de là », expliquent les secouristes. Même les hôpitaux sont pris pour cible, tandis que l’armée reprend rue par rue les quartiers qui lui échappaient encore.
Les grandes puissances se renvoient la balle. Le rôle de la Russie est révoltant ; et que penser d’un politicien comme Trump qui fait l’éloge de Poutine ! Mais Obama et les autres sont mal placés pour s’indigner et crier aux crimes contre l’humanité. Car les grandes puissances ont une responsabilité écrasante dans l’évolution qui a conduit à la situation actuelle.
Il n’y a pas si longtemps, elles soutenaient la dictature féroce d’Assad. Puis en 2011, lors des « printemps arabes », les dirigeants occidentaux l’ont lâché. Ils ont soutenu des milices, y compris celles d’islamistes aussi barbares que le régime. Trois ans plus tard, après que cette politique eut permis aux islamistes de prendre le contrôle d’un vaste territoire, les grandes puissances ont de nouveau changé d’orientation. Elles critiquent Assad et Poutine, mais leur laissent faire le sale boulot, tandis qu’elles-mêmes mènent la guerre contre les islamistes dans d’autres parties de la Syrie et en Irak.
En cinq ans, la guerre en Syrie aurait fait 400 000 morts, 12 millions de réfugiés, dont 4 millions sont partis à l’étranger. Les dirigeants occidentaux versent aujourd’hui des larmes de crocodile. Leur sollicitude ne va pas jusqu’à ouvrir la porte aux Syriens ! Si ceux-ci parviennent à fuir cet enfer et tentent de se réfugier en Occident, ils se heurtent aux barbelés dressés par l’Europe-forteresse ou par la Turquie avec l’argent européen. Et c’est souvent alors la Méditerranée qui devient leur cimetière.
La politique des puissances occidentales n’a jamais été guidée par les intérêts des peuples, mais toujours par la cupidité. Le Moyen-Orient et son pétrole font depuis longtemps l’objet de leurs convoitises. Pendant la Première Guerre mondiale, Français et Britanniques se sont partagé l’Empire ottoman, et la Syrie est passée sous domination française. Depuis, les pays de la région sont peut-être indépendants mais les puissances occidentales continuent de les piller, au prix de guerres terribles. Et aujourd’hui encore, les marchands de canons font leur beurre sur la dévastation de la Syrie. Les marchands de béton attendent leur tour…
Les dirigeants belges expliquent qu’en combattant là-bas, ils luttent contre le terrorisme. Quelle hypocrisie ! En réalité, ils l’alimentent, par leur politique impérialiste. Les attentats en France et en Belgique ont été un contrecoup de la guerre de l’autre côté de la Méditerranée.
Cette guerre implique déjà l’Iran, les monarchies du Golfe, les États occidentaux, la Russie et le régime turc, en guerre contre sa minorité kurde. Et l’histoire du XXe siècle nous rappelle qu’un conflit en apparence lointain et secondaire peut déboucher sur une guerre généralisée.
Alors, Alep est certes loin, mais ce qui se passe là-bas nous concerne, car c’est peut-être de notre avenir qu’il s’agit. Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage, disait Jaurès. Syrie, Irak, Afghanistan, Ukraine, Soudan, Libye… le monde est aujourd’hui à feu et à sang.
Le capitalisme, c’est d’abord l’exploitation de la classe ouvrière, les bas salaires et la menace permanente du chômage. Rien que cela justifie d’y mettre fin. Mais en outre, ce système dément, qui repose sur la concurrence féroce entre firmes et entre États, menace en permanence de conduire toute l’humanité dans la guerre. Les ouvriers français, belges ou allemands d’avant 1914 étaient durement exploités. Mais ce qui les attendait, l’enfer des tranchées et de Verdun, était pire encore.
Alors, nous débarrasser du capitalisme, ôter aux grandes entreprises leur mainmise sur toute l’économie, est vital. C’est vital pour mettre fin aux inégalités et à l’exploitation du travail salarié. Mais c’est vital aussi pour mettre fin aux guerres engendrées par la convoitise des grandes firmes et des grandes puissances. Sans cela, nous aurons tôt ou tard d’autres Alep et d’autres Mossoul, non seulement de l’autre côté de la Méditerranée, mais à nos portes et dans nos villes.