Carrefour a annoncé la suppression de 1200 emplois en Belgique, dont 1052 dans les hypermarchés et 180 au siège, soit 11 % des effectifs totaux.
Les employés ont répondu le 26 janvier par la grève dans 24 des 25 hypermarchés du pays. Depuis, le travail a partiellement repris mais des grèves d’un jour sont organisées par les travailleurs dans différents magasins.
La direction a évoqué une ” année difficile ” et prétend que la restructuration est nécessaire pour des raisons de ” digitalisation “. Il y a 10 ans, le groupe avait déjà fermé des magasins et licencié 1700 personnes pour de soi-disant problèmes de ” rentabilité “. En réalité, quel que soit le prétexte invoqué, la vraie raison est évidemment l’augmentation des profits : Carrefour a fait un bénéfice de plus d’un milliard d’euros sur l’année écoulée, avec un chiffre d’affaires mondial de plus de 88 milliards. En Belgique, l’entreprise a fait 65 millions d’euros de bénéfices. C’est ce qu’ils appellent une année difficile !
Les actionnaires prélèvent chaque année 45 à 50 % du résultat sous forme de dividendes et ils comptent bien continuer à le faire. Alors, de quoi se plaignent-ils ? De rien, ils en veulent simplement toujours plus. Et ils ont marqué leur satisfaction devant le bain de sang social puisque l’action du groupe a immédiatement gagné 3%. Chaque salarié licencié signifie des bénéfices en plus pour eux.
Et il ne s’agit pas de petits poissons : parmi les gros actionnaires, on trouve au premier rang la famille Moulin, propriétaire entre autres des Galeries Lafayette à Paris, suivie de la famille Arnault, propriétaire de LVMH, première fortune de France, détenteurs respectivement de 11,5 et 9 % du capital de Carrefour. C’est pour garantir leur immense richesse que les actionnaires de Carrefour décident de sabrer dans les effectifs partout dans le monde.
Face au choc que subissent les travailleurs, les politiciens belges se sont une fois de plus ridiculisés et aplatis devant le patronat. Ils sont gluants d’hypocrisie : ” Je suis aux côtés des travailleurs ” a déclaré Pierre-Yves Jeholet (MR), le ministre wallon de l’Emploi, pour le fédéral, c’est Kris Peeters (CD&V) dont le ” soutien va vers les travailleurs et leurs familles “. Rassurant, le ministre Bruxellois de l’Emploi, Didier Gosuin (Defi), explique qu’il ne s’agit pas d’une restructuration mais d’une ” transformation “. Les travailleurs transformés en chômeurs apprécieront la différence !
Tout le soutien que ces politiciens ont donné, c’est aux patrons. La politique ” jobs jobs jobs ” de Charles Michel permet aux patrons de profiter de la détresse des chômeurs pour recruter des salariés de plus en plus précaires et de plus en plus mal payés. Toutes les mesures qui ont été prises pour réduire le ” coût ” des travailleurs. Carrefour en a profité et a reçu des aides dont le ministre Gosuin ne va évidemment pas réclamer le remboursement.
Tous ces messieurs prônent maintenant la concertation. Ils prétendent vouloir limiter les pertes d’emplois mais dans la pratique ils ont tous les mêmes mots à la bouche : nous sommes impuissants. Quand il s’agit d’attaquer les droits de millions de familles, de baisser les salaires ou de couper dans les budgets de services publics, de l’éducation ou des hôpitaux, il n’y a pas de problème ! L’impuissance de la classe politique est évidemment feinte. Son rôle est de garantir au patronat la possibilité d’exploiter les travailleurs en réprimant toute résistance, en limitant le droit de grève, en aggravant la précarité et en faisant régner la peur du chômage et de la pauvreté.
Par principe, on ne peut rien attendre du gouvernement.
Les travailleurs de Carrefour l’ont bien compris. Beaucoup sont partis en grève dès le premier jour. Sur les piquets, personne n’a d’illusion sur les intentions de la direction, ni sur le soutien des politiciens. Certains travailleurs ne comprennent pas pourquoi les syndicats attendent. Il disent attendre d’en savoir plus, d’avoir des chiffres, de connaître les intentions de Carrefour etc. En réalité, il n’y a rien à attendre. Ce qu’il faut, ce n’est pas des discussions de salon entre directions syndicales et patronale, mais que les travailleurs montrent leur force collective et leur colère. Cela seul pourra faire reculer le patronat. Carrefour compte 375 000 travailleurs dans plus de 30 pays. Leur force, c’est leur nombre. Leur arme, la mobilisation et la grève.