Depuis sa campagne présidentielle, Macron a promis de s’attaquer aux retraites des travailleurs des services publics. Macron avait dit tout et son contraire, qu’il « irait jusqu’au bout » mais il a eu la seule réponse qu’il méritait : l’entrée en lutte des travailleurs ! Ils étaient entre huit cent mille et un million cinq cent mille à manifester le jeudi 5 décembre, cheminots, enseignants, pompiers, ambulanciers, hospitaliers et de nombreux salariés du privé, tous ensemble pour dire tout le mal qu’ils pensaient de la réforme des retraites. Et déjà la suite se prépare : la grève continue dans les transports et une seconde manifestation a rassemblé huit cent mille travailleurs le 10 décembre.
Entre temps, les détails de la réforme ont été rendus publics par le Premier ministre, Édouard Philippe. Le système à points qu’il veut mettre en place, doublé d’un calcul de la pension sur toute la carrière, n’aura qu’une conséquence : les travailleurs pauvres deviendront des retraités pauvres.
Le gouvernement confirme surtout qu’il faudra travailler plus longtemps. Il prétend sans rire qu’il ne veut forcer personne… mais il veut introduire un malus en-dessous de 64 ans, ce qui obligera les salariés à choisir entre s’épuiser au travail – s’ils en ont encore un – ou tomber dans la misère avec une pension tronquée.
Quant au fait que la réforme ne s’appliquera qu’aux salariés nés après 1975, c’est une tentative de division abjecte. Les travailleurs qui refusent un recul pour eux-mêmes n’en veulent pas non plus pour leurs frères, leurs enfants ou leurs collègues plus jeunes.
Le gouvernement cherche aussi à diviser les travailleurs en présentant les cheminots comme des privilégiés, ou les conducteurs de bus de Paris comme des nantis par rapport à ceux de province. À ce jeu-là, nous sommes tous perdants parce que chacun trouvera toujours plus mal payé et plus exploité que lui.
Cette réforme des retraites est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est la mesure de trop qui s’ajoute aux salaires bloqués, aux primes rognées, aux sous-effectifs et aux menaces de licenciement. Privé ou public, en France ou en Belgique, tous sont logés à la même enseigne ! Tous subissent les pressions au travail, les cadences infernales, les réorganisations incessantes et la politique du chiffre.
Ce qui se passe en France ne peut que rappeler ce qu’a fait le gouvernement Michel : repousser l’âge de la retraite à 67 ans et prolonger la période de cotisation, ce qui aura pour effet concret de réduire le montant des pensions car personne n’arrivera à remplir les critères exigés pour une pension complète. Tout cela, paraît-il pour « combler le déficit ».
Pourtant, l’argent pour les retraites, les salaires, les emplois et les services publics, il existe du côté des vrais privilégiés, parmi les banquiers amis de Macron en France, ou leurs compères en Belgique, parmi tous ceux qui ne se posent pas le problème de leur retraite ou de leurs fins de mois parce qu’ils sont richissimes, ce sont eux les vrais privilégiés que les gouvernements arrosent de cadeaux, qui creusent les déficits publics et qui exigent de plus en plus d’austérité pour les travailleurs.
La journée du 5 décembre donne une idée de l’immense force collective dont disposent les travailleurs.
Si le gouvernement a repoussé la date d’entrée en vigueur de sa réforme, c’est parce qu’il y a cette mobilisation et qu’il est sous la pression de ceux qui sont en grève reconductible. Macron et Philippe ne veulent pas d’un mouvement qui s’amplifie, alors que celui des gilets jaunes n’est pas encore terminé. Macron a déjà entrepris les grandes manœuvres de séduction vis-à-vis des syndicats pour les embrigader dans un « dialogue social » qui vise avant tout à démobiliser les travailleurs pendant des négociations de façade.
Là aussi les travailleurs de Belgique ont fait la même expérience : pendant que les syndicats discutaient, le mouvement s’est essoufflé. Ce qui fait peur au patronat et aux gouvernements à son service, ce sont les travailleurs mobilisés et en colère, pas les représentants syndicaux dans des salons feutrés. Ce n’est pas avec une manifestation par an, comme on l’a connu ces dernières années, que l’on fait reculer un gouvernement.
Mais si les grèves se multiplient et se renforcent, si de nouveaux manifestants battent le pavé, le gouvernement peut reculer comme l’a fait celui de Juppé en 1995. Ce sera non seulement une victoire pour les travailleurs de France, mais surtout un encouragement pour tous ceux qui vivent la même réalité dans toute l’Europe.