Trump s’en va, le capitalisme reste

C’est finalement le candidat démocrate Joe Biden qui a remporté l’élection présidentielle américaine. L’annonce a été accueillie avec joie par un grand nombre d’américains qui ont fêté avec un soulagement bien compréhensible la fin du règne de Trump. Pourtant, les travailleurs américains n’ont rien à attendre de Biden, et beaucoup en sont d’ailleurs bien conscients.

L’importance de la participation électorale et le grand nombre de bulletins envoyés par la poste ont ralenti le processus de dépouillement et il aura fallu plusieurs jours pour avoir des résultats définitifs. Aux États-Unis, le président est élu indirectement par un collège électoral dans lequel chaque État américain envoie un certain nombre de « grands électeurs », déterminé en fonction de sa population. Chaque État a ses propres règles mais en général, la totalité des grands électeurs d’un État est attribuée au candidat qui y a obtenu la majorité. Il est donc possible, comme ce fut le cas en 2016, d’avoir la majorité des voix au niveau national, mais d’être minoritaire en nombre de grands électeurs. 

Heure après heure, Trump a vu ses chances de réélection fondre comme neige au soleil et il s’est fendu d’une série de ses habituelles déclarations provocatrices et souvent contradictoires sur le fait que les élections étaient truquées, que le vote par correspondance était illégal et autres fantasmagories complotistes qui lui sont habituelles et le font plus ressembler à un autocrate qu’au président d’une démocratie bourgeoise.

Son parti le soutient encore fidèlement. Avant les élections, déjà, les Républicains ont tenté de d’influencer les résultats en rayant des listes électorales autant de pauvres, de noirs et de latinos que possible, en tentant de saboter le vote par correspondance, ou encore en réduisant le nombre de points de vote pour décourager les électeurs. On a même vu la police charger et disperser une manifestation pacifique de Noirs américains qui se rendaient ensemble au point de vote.

Même si une partie des députés et sénateurs républicains prend ses distances avec les discours de Trump sur son élection volée à cause des fraudes ou sa demande de le déclarer vainqueur d’office, ils n’en sont pas encore arrivés au point de le lâcher complètement. Preuve, s’il en fallait une, que tout clownesque qu’il soit, Trump représente une réelle majorité au sein de son parti.

Trump est dénigré en Europe pour ses tweets douteux, sexistes et racistes, pour ses mensonges outranciers et ses provocations qui le font passer pour un demeuré. Et pourtant, malgré quatre ans de ce régime, les démocrates n’ont pas obtenu le raz de marée électoral qu’ils espéraient. Dans les États cruciaux, le vote s’est parfois joué à un demi-pourcent près. Les élections législatives et sénatoriales, qui ont lieu en même temps, n’ont pas amené de réel bouleversement de majorité.

Et ce n’est pas la faute aux abstentions comme en 2016, ni même aux manœuvres électorales des républicains. D’une part, Biden ne convainc pas, et de l’autre Trump conserve une solide base.

Pendant ses quatre ans de présidence, Trump a fait le boulot pour la bourgeoisie américaine. Il a baissé les impôts sur les sociétés et sur les hauts revenus. Lorsque la crise sanitaire et économique est arrivée, il a arrosé les patrons, grands et petits, à coups de milliards de dollars tandis que des millions de travailleurs se retrouvaient au chômage, voire à la rue faute de pouvoir payer leur logement.

Trump apparaît même aux yeux d’une certaine frange de travailleurs comme celui qui a défendu la relocalisation des emplois aux États-Unis grâce à sa politique nationaliste et ses airs de dur à cuire face à la concurrence chinoise ou à l’immigration mexicaine.

Il a donné une voix officielle au racisme et aux idées religieuses les plus réactionnaires, contre l’avortement, contre les minorités, contre les pauvres en général. Il a permis à l’extrême droite de répandre ses idées nauséabondes en les faisant passer pour la seule issue à la crise économique qui pousse des millions de travailleurs vers la misère.

Ce n’est pas un Biden qui va pouvoir enrayer ce phénomène, lui qui a fidèlement servi les intérêts des capitalistes pendant 50 ans, qui a défendu le durcissement et l’allongement des peines de prison dans les années 1990, ce qui a touché principalement la jeunesse noire et pauvre. Le parti démocrate a mis en avant quelques représentants plus progressistes pour attirer le vote des couches populaires, des jeunes et des minorités, mais il reste fondamentalement un parti pro-patronal et, en rejetant toute une partie de la population dans la pauvreté, il contribuera aux succès des futurs Trump.

 La seule alternative viendra du monde du travail américain. Il a su par le passé se mobiliser contre la guerre ou la ségrégation raciale, il a la force de le faire pour disputer à la bourgeoisie son contrôle sur l’économie et la société.

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