Le 3 mai dernier, la Stib a été condamnée par le tribunal du travail de Bruxelles pour son refus d’embaucher une femme en application de son règlement sur le port du voile. Le juge a considéré cela comme une discrimination.
Depuis lors, la sphère politique s’est enflammée. Chaque parti y va de sa proposition, les uns au nom de la laïcité de l’État, les autres au nom de « l’inclusion ». Tout cela ressemble furieusement à l’habituel opportunisme politicien, le MR visant l’aile droite de son électorat, raciste et antimusulmane, tandis qu’Écolo ou le PS tentent de récolter les voix des Turcs et des magrébins.
Quelles que soient ses intentions réelles, la jeune femme qui a porté plainte contre la Stib ne défend en réalité pas la liberté des femmes, mais les idées et les comportements de tous ceux qui, au nom d’une religion ou d’une autre, veulent brimer et enchaîner les femmes. En commençant par les cacher au monde.
Car le voile n’est pas un simple bout de tissu, il est non seulement un symbole mais aussi la marque concrète de la situation d’infériorité dans laquelle certains veulent, au nom de la liberté religieuse, maintenir les femmes. C’est évident dans des pays comme l’Iran ou l’Arabie Saoudite où des femmes sont emprisonnées pour avoir refusé de porter le voile. Mais ces pressions et ces violences existent aussi en Belgique et en Europe comme en témoignent bien des femmes.
Les pseudo-compromis prônés par Écolo et le PS, les arguments sur la laïcité de Défi et du MR, font du voile un simple symbole de « prosélytisme » religieux, c’est-à-dire de zèle pour recruter des adeptes. C’est tourner autour du pot et ignorer les pressions faites d’insultes, de violences et parfois pire que subissent les jeunes filles contraintes de le porter.
Et puis, pour revenir aux compromis politiciens, qu’est-ce qu’un voile « discret » ? Même un « petit voile » dégageant la chevelure et les oreilles est une étiquette, une marque d’infériorité des femmes. Et qu’est-ce qu’un signe « ostentatoire » ? S’il s’agit de laisser pendre une croix, une étoile de David ou une main de Fatma à une chaîne autour du cou, pourquoi pas ? Les hommes aussi peuvent porter de telles amulettes, signes d’appartenance à une religion mais elles ne les infériorisent pas. Nous sommes matérialistes et athées et contre toutes les superstitions religieuses, mais nous ne sommes pas contre la liberté religieuse.
Dans le cas présent, nous sommes contre toutes les atteintes à la liberté des femmes imposées par les dogmes religieux. En fait, toutes les religions sont empreintes de cette discrimination sexiste. Une prière juive, issue de l’histoire ancienne, fait dire aux hommes chaque matin « Merci mon Dieu de ne pas m’avoir fait femme ». Quant au pape, aujourd’hui encore il s’affirme contre la contraception, l’interruption volontaire de grossesse et le divorce.
Il faut combattre tous les militants intégristes, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans. Non pas parce qu’ils ont des convictions religieuses, libre à eux de croire en ce qu’ils veulent, mais parce qu’ils militent pour le retour à des idéologies réactionnaires qui dénient les droits et libertés que des femmes et des hommes ont conquis.
Certes, il est des jeunes filles qui choisissent de porter le voile. Mais ce n’est pas de leur choix personnel dont il est question. Il est question des libertés de centaines de milliers de jeunes filles d’origine musulmane qui ne jouissent pas toutes, loin de là, d’un environnement culturel et social tolérant et qui n’ont pas réellement le choix et se voient contraintes de le porter par des hommes de leur famille ou de leur quartier.
Ce ne sont pas les politiciens qui vont libérer les femmes, certainement pas ceux qui s’accommodent de ce symbole de leur soumission, et encore moins ceux qui utilisent la religion pour couvrir un discours raciste et exacerber les divisions au sein de la société. Cela mène à des actes inadmissibles comme à Ninove où une jeune femme a failli être tuée par un raciste violent, et où la police a refusé de prendre sa plainte.Alors, loi ou pas, règlement ou pas, le combat contre ce signe d’oppression des femmes qu’est le voile se déroule d’abord sur le terrain. Il repose en premier lieu sur les militants, les travailleurs, à qui il leur appartient d’expliquer autour d’eux ce que le voile représente et l’importance, en particulier pour la classe ouvrière, de l’égalité entre les hommes et les femmes.