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Un jour de grève ne suffira pas, continuons le combat

La journée de grève du 9 novembre a été très bien suivie : zonings bloqués, aéroports de Liège et Charleroi fermés, quasiment aucun train en régions et une seule ligne de métro en service à Bruxelles. Les hôpitaux étaient en service minimum et les écoles limitées à l’accueil des enfants. Il n’y a pas un secteur de l’économie qui ait échappé au mouvement.

Ce n’est pas surprenant car l’inflation touche l’ensemble des ménages populaires. 

Les travailleurs de Belgique ne sont pas les seuls à exprimer leur colère face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés tandis que leurs patrons profitent des prix élevés pour s’en mettre plein les poches.

En Angleterre, l’automne a été marqué par des grèves massives et très dures contre la hausse du coût de la vie. Le 1eroctobre, par exemple, il y a eu 170 000 grévistes. Cela fait des dizaines d’années qu’une grève aussi importante n’avait pas eu lieu, ni que des syndicats ne s’étaient unis dans un tel mouvement alors qu’ils sont d’habitude très corporatistes. Et ce n’est pas fini car les infirmières viennent de voter une journée nationale de grève, pour la première fois en un siècle. C’est bien la preuve que, partout dans le pays, la colère gronde.

En Allemagne, des grèves « d’avertissement » ont mobilisé plus de 200 000 travailleurs début novembre. Les syndicats allemands ne sont pas très combattifs mais l’inflation, à près de 12% dans ce pays, a mis le feu aux poudres.

En France, il y a eu des journées de grève nationale en septembre et en octobre ; les transports parisiens étaient en grève le 10 novembre. La grève des travailleurs des raffineries en octobre a été très médiatisée. On a vu les coups bas du patronat qui a essayé de diviser les travailleurs en publiant de fausses informations sur leurs salaires et on a aussi vu le gouvernement utiliser la réquisition forcée pour casser la grève. En tout cas, il en est ressorti dans l’esprit des travailleurs du pays que seuls des mouvements durs, avec des blocages, avaient une chance de forcer le patronat à céder.

La généralisation de cette colère est encourageante, même si ces mouvements sont encore épars et limités dans le temps.

En face, dans le camp patronal, les gouvernements ne proposent que des miettes : des chèques énergie et autres primes largement insuffisantes. Surtout, l’argent ainsi distribué est puisé dans les caisses publiques, ce qui va creuser la dette et annonce de futures attaques contre le niveau de vie des travailleurs, contre les pensions, contre les services publics, au nom de l’austérité. Le choix de distribuer des primes est une manière, pour la classe politique bourgeoise, de tenter d’éteindre l’incendie social dans l’immédiat, en limitant un tout petit peu la détresse des plus pauvres, mais surtout sans toucher aux profits patronaux. Ces gens-là ont choisi leur camp : celui des riches.

Le monde du travail ne peut pas compter sur les gouvernements – ceux-ci n’interviendront que pour empêcher que leur légitime colère n’aille trop loin, qu’ils menacent réellement le pouvoir absolu de la bourgeoisie sur la société. Les politiciens qui se présentent tous comme des protecteurs de la population contre les crises, contre les abus des groupes pétroliers, ne sont que des bonimenteurs qui, quand ils sont au pouvoir, s’agenouillent devant la puissance de l’argent.

Pour les faire plier, eux et le patronat qu’ils représentent, une journée de d’action ne suffira pas. 

Cette fois-ci, seules la FGTB et la CSC appelaient à la grève. C’était la moindre des choses au vu de la colère qui monte contre l’inflation. Mais aucun des syndicats n’a réellement mobilisé pour faire venir du monde au piquet. 

Néanmoins, le succès de la grève montre que le monde du travail est prêt à se mobiliser, ici comme partout en Europe. C’est un encouragement mais ce n’est pas suffisant. Pour que le mouvement ait une chance de réussir, il est important que les travailleurs prennent eux-mêmes le contrôle de leur lutte.

Il sera bien plus efficace et démocratique d’organiser des grèves reconductibles dont la durée sera décidée par les grévistes eux-mêmes en assemblée générale. Pour être plus nombreux aux piquets et aux manifestations, les travailleurs peuvent eux-mêmes mobiliser leurs collègues, voire élargir le mouvement en allant à la rencontre des salariés d’autres entreprises.

Armés des mêmes revendications de hausse des salaires et de blocage des prix, unis dans des mobilisations d’ensemble, les travailleurs peuvent faire la différence.

Contre l’inflation, il faut augmenter les salaires

Le fléau de l’inflation continue de frapper le monde du travail comme un poison lent. Le prix de l’essence a augmenté de 80 cents par litre, et celui de l’énergie de 63%. Les hausses ne touchent pas que l’énergie : nourriture, boissons, vêtements, loyers, tout a augmenté. L’inflation en Belgique a officiellement atteint 12,3% en octobre. Ce sont des centaines d’euros par mois qui alourdissent la note alors que les salaires sont déjà sous pression.

L’indexation ne compensera ces augmentations qu’avec retard et seulement en partie car l’index protège moins bien les ménages pauvres dont les principales dépenses sont le loyer, l’énergie et la nourriture.

Face à cette situation d’urgence, les mesures gouvernementales sont insuffisantes et tardives. Les chèques énergie et la baisse de la TVA et des accises sur l’essence, ne font pas le compte, même après la récente décision d’une aide supplémentaire pour les ménages les plus pauvres.

Et puis, le principe même de ces aides gouvernementales pose un problème : le gouvernement prend dans les caisses de l’État de l’argent qui va finir dans les poches des Total, Engie et autres profiteurs de crise. La même politique est appliquée ailleurs, en France avec le « bouclier tarifaire » ou en Allemagne, dont le gouvernement va débourser deux cents milliards pour payer l’augmentation des prix de l’énergie.

Ces gouvernements prennent dans les réserves de la collectivité au lieu de prendre dans la poche des patrons qui se sont enrichis par milliards grâce à la guerre et à la crise. Cet argent va manquer ailleurs. Tôt ou tard, De Croo va immanquablement tenter de présenter l’addition aux travailleurs. Que ce soit sous la forme de coupes dans les budgets des services publics, de nouvelles réductions des allocations ou des pensions ou d’un report supplémentaire de l’âge de la pension, les gouvernements, qui sont au service des riches, ne manquent pas d’idées pour faire payer les plus pauvres !

Par exemple, le budget 2023 prévoit déjà de raboter de 120 millions la dotation des services de santé alors que la pandémie vient justement de montrer à quel point ceux-ci manquent cruellement de moyens pour embaucher du personnel soignant !

Une fois de plus, les politiciens bourgeois n’offrent pas d’autre perspective que de prendre directement ou indirectement dans la poche des plus pauvres pour préserver les profits du patronat. Aux riches les milliards, les autres n’auront qu’à « mettre un pull et baisser le chauffage » et à se préparer à se serrer encore plus la ceinture demain.

Aucun gouvernement ne propose de toucher aux sacro-saints profits des grands capitalistes. Total, Shell et les autres compagnies pétrolières ne se sont pas gênées pour annoncer des dizaines de milliards d’euros de surprofits. Que cela enfonce encore plus la population dans la pauvreté ne va pas les empêcher de sabrer le champagne, pas plus que la faillite des milliers de petites entreprises et la destruction d’autant d’emplois.

Ces profits viennent uniquement de la spéculation liée à la guerre en Ukraine. Les prix n’augmentent pas parce qu’il y a moins de pétrole ou de gaz que l’an dernier mais grâce une situation politique instable qui permet de les faire flamber artificiellement.

Alors, au lieu de payer les profits du patronat avec de l’argent public, il faut exiger qu’il augmente les salaires. Et il faut aussi bloquer les prix pour qu’il ne reprenne pas d’une main ce qu’il a dut céder de l’autre. 

Les augmentations de salaires ne seront obtenues que par des luttes sociales, à commencer par la grève générale du 9 novembre, même si elle ne suffira pas à elle seule à obtenir de quoi compenser les années de trucage de l’index et de dégradation du pouvoir d’achat.

Quant au blocage des prix, on ne peut évidemment pas faire confiance au patronat pour le respecter ni aux gouvernements pour l’imposer. Les travailleurs peuvent et doivent eux-mêmes contrôler les prix. Cela peut se faire en dénonçant les augmentations des produits de consommation courante au niveau de chaque supermarché. Cela peut aussi se faire en rendant publics les chiffres des coûts et des profits que cachent jalousement les patrons mais que les salariés de leurs entreprises connaissent bien.

Ouvriers, employés, consommateurs, en relation les uns avec les autres, devraient avoir les moyens de connaître tout de la production comme de la distribution des richesses. Les malversations et les traficotages en tous genres seraient ainsi rendus publics de même que la valse artificielle des étiquettes des prix.

C’est encore et toujours la crise. Alors, s’il y a une urgence face à l’inflation, c’est bien l’augmentation des salaires, la levée du secret des affaires et le blocage des prix sous le contrôle de la population !

Iran : la révolte vient des femmes

Le 16 septembre dernier, une étudiante de 22 ans, Mahsa Amini, est morte sous les coups de la police religieuse iranienne sous prétexte qu’elle ne portait pas correctement son voile. Cela a été la fois de trop pour la jeunesse iranienne. Des centaines de manifestations ont eu lieu dans le pays malgré une répression policière qui a déjà fait plus de 80 morts, des centaines de blessés et des milliers d’arrestations. Rien ne semble faire reculer ces jeunes qui ont soif de liberté. On a vu des jeunes femmes se couper publiquement les cheveux ou brûler leur tchador, en révolte contre cette société qui leur dicte jusqu’à la manière de s’habiller. Les slogans sont dirigés contre le régime militaro-religieux et son chef, l’ayatollah Ali Khamenei : « mort au tyran », « à bas l’oppresseur » ou encore « Femme, vie, liberté », un slogan d’origine kurde, comme la jeune fille, mais qui est repris par tous les manifestants sans distinction.

Un chanteur célèbre a été arrêté pour avoir écrit une chanson en soutien à la protestation ; elle est depuis reprise dans les manifestations et même par des lycéennes et lycéens qui postent des vidéos où ils la chantent et insultent les portraits des dirigeants.

On ne peut que se réjouir de voir l’énergie de ces jeunes filles et garçons ébranler l’ordre établi de ces vieux croulants engoncés dans une vision religieuse et archaïque du monde. Encore une fois, ce sont les femmes qui ont été le fer de lance du mouvement. Ce n’est pas un hasard : dans toutes les sociétés, et encore plus dans les sociétés dominées par la religion, ce sont elles qui sont les plus opprimées : elles n’ont pas le droit de faire les mêmes métiers que les hommes, elles gagnent moins, elles sont mises sous la tutelle de leur père, frère ou mari et elles doivent se cacher de la tête aux pieds dans un tchador noir. En cas d’adultère, elles sont condamnées à mort. Ceux qui parlent ici en Europe de la liberté de choix religieuse oublient vite que dans des pays comme l’Iran, la religion ne laisse aucun choix aux femmes ni aux hommes.

Alors oui, bravo à ces femmes et à tous ceux qui ont rejoint cette révolte.

Le président Khamenei a accusé les manifestants d’être manipulés par les Etats-Unis et Israël. Il est probable que les dirigeants occidentaux se réjouissent de tout ce qui peut nuire à un régime qui leur est hostile, mais les Iraniennes et les Iraniens qui se révoltent ne sont pas des marionnettes, ils savent très bien ce dont ils ne veulent plus et pourquoi ils sont prêts à mourir.

Et même si les Occidentaux voulaient un changement de régime, ils préfèrent la dictature au désordre et ils craignent les révoltes tout autant que Khamenei. 

Le régime militaro-religieux de l’Iran est hérité de la révolte de 1979 qui a permis à l’ayatollah Khomeini de prendre le pouvoir en s’appuyant sur la haine des couches pauvres envers la dictature corrompue du Shah, inféodée aux intérêts américains. Des paysans, des ouvriers, des jeunes sont morts par milliers pour s’en libérer mais ont hérité d’une nouvelle dictature, qui n’a de démocratie que le nom. Le régime de Khomeini est resté anti-impérialiste mais il a réduit à néant les droits des femmes, tandis que les syndicats indépendants sont interdits, tout comme les grèves. La prison, la torture ou les exécutions ont été systématiquement utilisées pour empêcher toute forme d’opposition politique. 

Les travailleurs ont malgré tout continué à lutter pour leurs salaires et leurs conditions de travail. Dans les transports publics de Téhéran, par exemple, un syndicat clandestin a perduré malgré les arrestations de délégués, parfois condamnés à des années de prison.

L’économie stagne, minée à la fois par l’embargo des Occidentaux et par la corruption du régime. Le chômage sévit et les gouvernements tiennent le tout artificiellement en subventionnant les denrées de base comme le blé, le sucre ou l’essence. Ces subventions permettent aussi de maintenir les campagnes dans la dépendance vis-à-vis du régime et d’opposer les travailleurs des villes à ceux des champs.

De grandes grèves ont eu lieu ces dernières années, dans les industries sucrière et pétrolière. Ce sont à chaque fois des milliers de grévistes qui ont exigé de meilleurs salaires, ou parfois simplement d’être payés !

Derrière le vernis religieux du régime, il y a l’armée pour maintenir l’ordre et, surtout, il y a comme ailleurs des entreprises privées qui exploitent des travailleurs pour le profit de leurs actionnaires, comme dans tous les pays capitalistes de la planète.Il existe au sein du régime des tendances favorables à l’Occident. Pour eux, la liberté, c’est celle du commerce et d’exploiter « librement » les travailleurs d’Iran. Ce n’est évidemment pas pour ça que se battent les jeunes aujourd’hui. On espère qu’ils seront rejoints par les travailleuses et travailleurs du pays. S’il parviennent à chasser les ayatollahs, ils devront mettre en avant leurs propres objectifs pour ne pas se faire confisquer leur révolution.

Ukraine : une fuite en avant meurtrière

Cela fait sept mois que les troupes russes sont entrées en Ukraine. De toute évidence, Poutine n’a pas réussi son pari de prendre le contrôle de Kiev, ni même de l’ensemble des régions russophones de l’Est. En re-vanche, avec l’aide des Etats-Unis et des pays euro-péens, l’Ukraine a mené une contre-offensive qui a obligé l’armée russe à reculer après avoir essuyé de lourdes pertes – on parle de 50 000 morts depuis le début de l’offensive. Son avantage numérique n’a pas suffi à compenser sa désorganisation et la fourniture par l’Occident d’armes extrêmement modernes à l’armée ukrainienne.
Face à ces revers, Poutine a décrété une mobilisation « partielle » de tous les réservistes, les anciens mili-taires, en âge de combattre.
Il est difficile de se faire une idée de l’adhésion de la population russe à cette guerre. Dès le début, de nom-breuses voix s’y sont opposées mais elles ont été ré-primées. En tout cas, la mobilisation est très mal perçue et, malgré la répression et la menace d’années de pri-son, des femmes et des hommes ont osé manifester leur opposition. Beaucoup de Russes en âge d’être mobili-sés cherchent à quitter le pays ; il y aurait eu jusqu’à dix kilomètres de file à certains postes frontière. Ces Russes qui fuient une guerre qui ne les concerne pas s’ajoutent aux 500 000 de leurs concitoyens qui ont déjà quitté le pays depuis de début de l’année, soit le double de l’année précédente.
Par ailleurs, Poutine a lancé des référendums dans les zones occupées afin de justifier « démocratiquement » leur annexion à la Russie. Il se moque bien de l’avis des populations et cherche avant tout à redorer son image de chef infaillible censé restaurer la grandeur impériale de la Russie. C’est en tout cas comme cela qu’il se présente lui-même, même s’il défend en réalité avant tout les intérêts de la couche dirigeante de l’appareil d’État, la bureaucratie héritée de l’ancien ré-gime soviétique et qui vit aux crochets de la population.
Beaucoup a été dit sur les responsabilités dans cette guerre. Poutine a déclenché les hostilités et les diri-geants européens et américains en ont profité pour se présenter comme les défenseurs de la liberté. Or, il ne s’agit évidemment pas d’une lutte entre le bien et le mal, entre la dictature et la démocratie.
Si l’on remonte @ dans l’histoire, l’Union Soviétique des années 80 n’avait depuis longtemps plus rien à voir avec le communisme. En lieu et place d’un vrai parti communiste et d’une vraie démocratie, il y avait une armée de bureaucrates qui vivaient aux dépens de la population. La vie y était-elle pire ou meilleure qu’ailleurs, là n’est pas la question : ce n’était pas le communisme pour lequel s’étaient battus des millions de paysans et d’ouvriers en 1917. Ce régime qui tenait par la terreur a fini par s’effondrer en 1989 quand une partie de ses dirigeants s’est sentie suffisamment forte que pour se débarrasser de cet État policier qui les fa-vorisait mais les bridait aussi dans leurs ambitions.
Il y eut dans les années 90 une phase de décentralisa-tion et de libéralisme à outrance qui servit les plus am-bitieux. Ce fut la curée, chaque dirigeant local ou régio-nal tentait de s’approprier la plus grosse part possible du gâteau. Mais dans cette jungle nouvellement capita-liste, il n’y en avait évidemment pas pour tout le monde et la masse des couches intermédiaires, composée de centaines de milliers de bureaucrates, se réfugia dès les années 2000 derrière le parti de Poutine qui recentralisa et permit dès lors à chacun de ces privilégiés de se su-crer à son niveau, tant que c’était en bon ordre.
Cela a créé une économie stagnante et incapable de ri-valiser avec les capitalistes occidentaux qui ont grignoté l’ancien empire soviétique en y étendant leur propre domination. Tous les pays balkaniques ont progressi-vement basculé dans leur sphère d’influence et l’Ukraine est depuis vingt ans le terrain d’une lutte d’influence qui s’est manifestée par une alternance de gouvernements pro-russes et pro-occidentaux.
Incapable de résister sur le plan économique à l’appétit des capitalistes occidentaux, Poutine a lancé l’offensive sur un plan militaire, comptant sur un ef-fondrement de l’armée ukrainienne et espérant sans doute que ses adversaires n’oseraient pas aller au-delà de protestations formelles comme ce fut le cas lors de l’annexion de la Crimée.
Poutine n’est pas un héros de la résistance aux Etats-Unis et les pays de l’OTAN ne sont pas les défenseurs de la liberté. Il n’y a pas de lutte idéologique, ce sont des pays concurrents en lutte pour le contrôle de res-sources et de marchés à l’échelle mondiale. Ils règlent leurs différents sur le champ de bataille au prix de di-zaines de milliers de morts, de millions de déplacés et de vies brisées. Le capitalisme a toujours considéré que la vie des femmes et des hommes ne valait rien face aux profits. C’est une raison de plus, s’il en fallait une, pour le renverser.

La crise du climat,
c’est celle du capitalisme

Cet été a été marqué par une série de catastrophes climatiques à travers le monde.

Au Pakistan, les inondations ont déjà fait plus de 1200 morts. Des incendies ont ravagé l’Espagne, la France et la côte Ouest des Etats-Unis. Des fleuves, et non des moindres, ont été quasiment asséchés, tels la Loire, le Rhin ou le Yangtsé en Chine – au point d’être devenus impropres à la navigation ou de réduire à néant la production hydroélectrique. Dans les Alpes, un glacier s’est effondré, un autre a disparu. La canicule qui a frappé toute la planète, de l’Europe à la Chine, a battu tous les records de température et de durée, avec son lot de morts, de sécheresse et de misère.

Dans le même temps, les experts du GIEC ont annoncé que la montée des eaux liée à la fonte des glaciers serait plus rapide que prévue et atteindrait 30 centimètres ce siècle-ci, même si le réchauffement était bloqué au niveau actuel.

Et tandis que des humains meurent de chaleur et de faim, des espèces animales disparaissent à un rythme accéléré.

Ce n’est pas le scénario d’un film catastrophe, c’est le monde dans lequel nous vivons. Ce n’est pas une surprise non plus, le dérèglement climatique est annoncé depuis des dizaines d’années par des scientifiques. Si rien n’a réellement été fait, ce n’est pas parce que les dirigeants politiques et financiers d’ici et d’ailleurs sont sourds, mais parce qu’ils ne veulent pas agir.

Il ne s’agit évidemment pas que de la Belgique, dont les dissensions communautaires ridicules continuent malgré l’urgence. La ministre fédérale du climat, Zakia Khattabi, a bien mis en place un «mécanisme de suivi ». Mais quelles actions vont être suivies ? Pour l’instant, mystère. Cet attentisme reflète ce qui se passe au niveau mondial, où les négociations entre les pays achoppent sur qui va payer quoi.

Pourtant, les moyens ne manquent pas. Nous vivons à une époque où les entreprises sont capables d’organiser la production à l’échelle planétaire : elles extraient les ressources naturelles sur un continent, usinent les pièces sur un autre, effectuent le montage final encore ailleurs, pour vendre ensuite sur les cinq continents. Tous les jours, des milliers d’avions et de navires parcourent la planète en tous sens. La terre est entourée d’une myriade de satellites extrêmement sophistiqués et la Nasa a été capable de placer un télescope ultra puissant à 1,5 million de kilomètres de nous. Technologie, organisation, tout est à notre portée mais, malgré tout, l’humanité est incapable de s’organiser pour cesser de détruire sa propre planète. Ces moyens ne sont même pas utilisés pour contrer les effets actuels du réchauffement. Qu’est-ce qui empêcherait dès aujourd’hui de transporter les gigantesques stocks de nourriture pour nourrir ceux qui meurent de faim ? S’il est possible de maintenir des golfs verts, pourquoi ne le fait-on pas pour les pâturages du bétail ? 

Et puis, pourquoi doit-on continuer à transporter inutilement des marchandises d’un bout à l’autre de la planète ? Le bœuf brésilien en route vers l’Europe croise le bœuf européen exporté au Brésil…

Poser la question, c’est y répondre : c’est le profit, c’est le principe même du capitalisme qui veut que la loi du profit prime sur tout le reste, sur l’humanité, sur la planète elle-même.

Pour cesser de détruire la planète, il faudrait autre chose que les promesses des conférences internationales, il faudrait autre chose que les « petits gestes quotidiens » dont les politiciens moralisateurs nous rebattent les oreilles.

Car c’est là l’enjeu : qui va payer ?  

La Commission européenne a bien parlé de taxer les billets d’avion pour le transport des voyageurs, mais les jets privés et le fret en seront exemptés ! On consomme trop d’eau ? Mais 20% de la consommation est due aux fuites qui perdurent faute d’investissements. On pourrait multiplier à l’infini les exemples qui démontrent que les gros pollueurs, ce sont les grandes entreprises et leurs actionnaires.

Alors, oui, pour cesser de détruire la planète, il faudra arrêter de produire des choses inutiles, même si elles rapportent de l’argent, et investir dans des moyens durables de nourrir, loger et soigner l’humanité. Cela exigera de faire passer le profit après le reste. Les capitalistes ont le pouvoir depuis plus ou moins trois siècles, cela leur a suffi pour démontrer amplement leur immense capacité de destruction et leur incapacité à enrayer la catastrophe qu’ils ont enclenchée. Leur reprendre ce pouvoir est une nécessité vitale. Ça s’appelle une révolution !

Grande-Bretagne : les travailleurs ne se laissent pas faire

La classe ouvrière anglaise subit de plein fouet les effets de l’inflation. Les spéculations liées à la guerre en Ukraine s’ajoutent aux effets catastrophiques du Brexit pour les travailleurs. Des études estiment qu’un million de personnes de plus seraient poussées dans la pauvreté cet hiver, incapables d’assumer l’augmentation de 80% des factures d’électricité et une inflation générale de plus de 13%.

Que ce soit le Labour (socialiste) ou les Tories (libéral), les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de démanteler les services publics depuis 30 ans : privatisation des transports ferroviaires, sous-financement des hôpitaux, etc. Cela fait que les services de base, comme simplement se rendre à son travail, sont inefficaces et chers ; il faut des mois pour avoir rendez-vous chez un médecin, ou alors passer chez un privé qui coûte plusieurs fois le prix. Cela fait aussi que les filets de sécurité n’existent pas et que les travailleurs qui ont un bas salaire ou qui n’ont droit qu’au chômage se retrouvent dans des situations de misère noire, contraints de vendre leurs meubles pour payer leurs factures.

Face à ça, les travailleurs anglais ont réagi.

Les 2000 dockers du port de Felixstowe, le plus important port marchand du Royaume Uni, ont fait une semaine de grève, du jamais vu depuis plus de 30 ans. Alors que leur entreprise a distribué 45 millions d’euros aux actionnaires, les dockers n’ont pas accepté l’indexation de 7% de leurs salaires : c’est moins que l’inflation, qui a déjà dépassé 10% en juillet ! La grève est suspendue mais les syndicats ont annoncé qu’elle allait reprendre. Pareil pour les plus de 100 000 postiers qui ont fait grève pour rejeter les misérables 2% proposés par la direction, comparés aux 450 millions d’euros empochés par les actionnaires.

A Édimbourg, en Ecosse, ce sont les éboueurs qui ont mené une grève qui leur a déjà permis d’obtenir une augmentation de 2300€ par an, soit 11% de leurs salaires.

Ces premiers mouvements, qu’ils soient couronnés de succès ou pas, ont encouragé l’ensemble des travailleurs anglais et, à la suite de votes massifs en faveur de la grève, les syndicats ont annoncé des mouvements chez les infirmières, les enseignants, les employés territoriaux et dans le secteur privé.

Liz Truss, la nouvelle première ministre, qui est une admiratrice de Boris Johnson, a dit que les travailleurs anglais devraient travailler plus dur. Elle a déjà leur réponse. Ils vont se battre plus durement contre sa politique.

Le Labour Party, qui est l’équivalent du parti socialiste en Angleterre, a une longue tradition de trahison des luttes. Sa direction refuse de soutenir les grèves – son dirigeant, Keith Starmer, a déclaré que c’était une question entre salariés et employeurs et que son parti n’avait pas à prendre position ; il a même interdit aux élus du parti de se montrer sur les piquets. Un certain nombre d’entre eux l’ont fait quand même et plus de 600 ont signé une lettre en faveur des grèves. Mais même s’il y a au sein du Labour une aile gauche, proche des syndicats, qui se montre plus proche des travailleurs, ce ne sont que des postures qui visent à ne pas se couper de leur base électorale dans les régions ouvrières. Ce ne sont pas eux qui vont faire sérieusement obstacle aux attaques de Liz Truss, en qui le patronat a trouvé une représentante offensive, que l’on compare déjà à la « dame de fer » Margaret Thatcher de triste mémoire.

Quant aux syndicats anglais, ils sont traditionnellement mous et corporatistes. Si aujourd’hui ils parlent d’unir les luttes et de synchroniser les mouvements, c’est sous la pression de la base. En pratique, ils continuent à ne pas le faire et les journées d’actions sont disséminées selon les secteurs. La raison en est que, comme les syndicats du continent, ils cherchent avant tout à se positionner comme interlocuteurs crédibles auprès du gouvernement et pas comme réels représentants des besoins des travailleurs.C’est pour cela qu’en Grande Bretagne, comme ici, il est d’une urgence vitale que les travailleurs recréent leurs propres organisations, leurs propres partis, qui soient sous leur contrôle direct et qui se préoccupent en premier lieu d’organiser des luttes d’ensemble pour des revendications communes à tous : des emplois, des salaires, des services publics. Nous savons que ces revendications exigeront des luttes dures et que le patronat utilisera tous les moyens pour les contrer. Alors, il faudra aussi contester le pouvoir du patronat sur la société et à terme balayer le système capitaliste lui-même.

Le capitalisme est le fléau à abattre

Crise sanitaire, crise climatique, crise économique, guerre. Voilà ce qu’a de mieux à nous offrir cette société capitaliste qui pourtant se vante d’être un modèle.

La crise sanitaire a mis à nu les tares du système. On a vu comment des années d’austérité avaient détruit tout le système hospitalier, comment les profits sont passés avant la protection des gens durant toute la crise, comment les salariés de la santé et de la grande distribution ont été jetés en première ligne et comment les États ont ouvert tout grand le tiroir-caisse pour renflouer les entreprises, sachant très bien qu’ils présenteraient ensuite l’addition à l’ensemble de la population, sous la forme de nouveaux plans d’austérité qui ne feraient qu’aggraver la situation.

Sur le plan de la crise climatique, il est aujourd’hui devenu évident pour tout le monde qu’une catastrophe s’annonce. Cela n’empêche pas les gouvernements de ne rien faire et les entreprises de continuer à polluer. Des centaines de millions de femmes et d’hommes vont devenir des réfugiés climatiques pour fuir des régions devenues inhabitables. Tout cela, uniquement parce que les grandes entreprises refusent de lâcher le moindre centime de leurs profits, parce qu’elles trouvent plus rentable de délocaliser leur production pour profiter d’une main d’œuvre moins chère et de réglementations plus laxistes, quitte à transporter les marchandises par avion sur des dizaines de milliers de kilomètres sans se soucier une seconde des conséquences écologiques. A ceci s’ajoutent les profits faramineux du secteur pétrolier dont profitent directement ou indirectement tous les groupes financiers. On a encore vu récemment que le parlement européen avait reporté certaines mesures au nom de la « préservation de la compétitivité » des entreprises. Les bourgeois feront des profits mais on en crèvera tous.

La guerre fait à nouveau rage aux portes de l’Europe. Il y a déjà eu deux guerres mondiales au siècle précédent, qui ont fait des dizaines de millions de morts, sans compter toutes les guerres régionales, du Vietnam à l’Afghanistan, et de l’Irak au à l’ex-Yougoslavie. Aujourd’hui, la guerre est en Ukraine, au Yémen et personne ne sait où la prochaine va démarrer. Tout cela, uniquement parce que des puissances telles que les Etats-Unis, l’Europe, la Chine ou la Russie sont en concurrence pour se départager les marchés et les ressources mondiales. Les prétextes nationalistes ne trompent personne : les puissants sont rivaux entre eux mais unis dans l’exploitation des travailleurs.

Cette guerre absurde a relancé une inflation comme on n’en n’avait pas connu depuis des années. Pas parce que des ressources auraient été détruites, pas parce qu’on manquerait de pétrole ou de blé, mais uniquement parce que de grandes fortunes capitalistes spéculent sur les futures pénuries de pétrole ou de céréales. Le résultat en est qu’aujourd’hui, alors qu’aucune de ces denrées ne manque, les prix se sont envolés, des ménages sombrent dans la précarité et la famine et les émeutes de la faim s’annoncent dans les pays pauvres.

La crise économique n’a en réalité jamais cessé. De la « crise pétrolière » des années 1970 à celle des « subprimes » en 2008, les crises se sont succédé sans jamais laisser le moindre répit aux travailleurs. Tandis que des milliards de travailleurs sont plongés dans la misère, ici en Europe mais encore plus en Chine, en Inde, en Afrique, le nombre de milliardaires et leur fortune n’ont cessé d’augmenter. Ces milliards produits par le travail de la majorité laborieuse de la population devraient servirent à payer des salaires décents, à investir dans la santé et l’éducation. L’argent est là, mais il sert uniquement à alimenter la machine folle des profits et de la spéculation, préparant ainsi de nouvelles crises, encore plus graves et probablement de nouvelles guerres.

Le système capitaliste ne fonctionne pas. Il sème partout et en tout temps les guerres et la misère. Les États et les gouvernements ne font même plus illusion : ils ne sont là que pour empêcher tout le système de s’effondrer, pour protéger les capitalistes des conséquences de leur propres crises, pour faire payer les classes pauvres et pour les maintenir à leur place en leur faisant miroiter promesses et faux espoirs. Et quand la population en colère n’y croit plus, la police et l’armée sont là pour réprimer.Les seuls à pouvoir protéger l’humanité de cette maladie mortelle qu’est le capitalisme, ce sont les travailleuses et les travailleurs, ceux que l’on appelle la classe ouvrière par opposition à la classe bourgeoise, ceux qui sont les exploités de cette société, qui en produisent les richesses et qui en forment l’écrasante majorité. Pour imposer la fin de la folie capitaliste, ils devront lutter, s’unir et s’organiser.

L’inflation enrichit le patronat et pousse les travailleurs vers la misère

L’inflation a disparu des titres de journaux mais elle continue de faire des ravages dans les couches populaires de la société, tandis que les patrons s’enrichissent à une vitesse indécente.

Il y a un chiffre qui fait froid dans le dos : au niveau mondial, toutes les 30 heures, un riche devient milliardaire tandis qu’un million de personnes basculent dans la pauvreté.

En Belgique, le patrimoine des millionnaires a augmenté de 6% l’an dernier alors que la production de richesses a chuté de 1%. Si les profits augmentent alors que la production baisse, cela signifie que pour chaque marchandise produite, pour chaque service fourni par des travailleurs, la part des actionnaires a augmenté.

Cette accélération de l’enrichissement des puissants a commencé pendant la crise du Covid grâce à la précarité qu’elle a imposé au monde du travail et grâce aux généreuses aides de l’État. La guerre en Ukraine aggrave à son tour la situation en y ajoutant une inflation galopante. 

L’augmentation des prix touche beaucoup plus les ménages pauvres : le loyer, la nourriture et le transport constituent la part principale des dépenses. Quand ces postes augmentent de 8,5%, cela fait vite 200€ de charges en plus par mois. C’est peut-être marginal dans les milieux aisés mais c’est insupportable pour des salaires d’ouvrier ou d’employé. Le résultat est de faire basculer un budget ric-rac dans le rouge, et donc de se priver de loisirs, de chauffage, de soins de santé.

Le nombre de travailleurs pauvres a doublé avec la pandémie et, même si on n’a pas de chiffres pour 2022, il est évident que la situation n’a pu qu’empirer depuis le retour de l’inflation.

La manière dont l’index est calculé fait que l’indexation automatique des salaires ne couvre pas, loin de là, ces pertes financières. Quant aux mesures d’urgence prises par le gouvernement, ce sont des emplâtres sur une jambe de bois ! La baisse temporaire de la TVA sur le gaz et l’électricité, ou les 100€ de prime par ménage sont largement insuffisants. Ce ne sont que des mesurettes qui visent à rendre l’appauvrissement moins insupportable mais elles n’empêchent en rien le monde du travail de s’appauvrir chaque jour un peu plus.

De Croo et ses ministres ne s’inquiètent pas réellement du sort des couches populaires, ils veulent juste contenir un minimum la crise actuelle car ils craignent qu’elle n’entraîne aussi les classes moyennes quand les travailleurs n’auront plus de salaire à dépenser. Surtout, ils veulent éviter que la colère du monde du travail ne débouche sur des grèves, des manifestations, voire pire encore…

De Croo et consorts prennent dans l’argent public, dans celui de nos impôts, pour financer leurs mesures. C’est donc chacun de nous qui payons, pas les riches, pas le patronat !

Pourtant, ce sont eux qui se sont enrichis par milliards grâce à la crise du Covid et à la guerre en Ukraine ; ce sont les groupes pétroliers, les producteurs d’électricité, les grossistes du secteur alimentaire, les Total, Engie, Colruyt, Delhaize et compagnie. C’est dans leur trésor de guerre qu’il faudrait puiser et pas dans la poche des travailleurs. Leur richesse s’est construite sur la précarité, sur la pauvreté et sur la spéculation. Ce sont eux qui doivent payer et pas seulement des primes, mais une réelle augmentation des salaires.

On ne peut pas attendre d’un gouvernement comme celui de De Croo de faire payer les riches. Les politiciens ont montré cent fois qu’ils étaient à leur service. En ce sens, De Croo ou un autre, c’est pareil : les capitalistes possèdent le monde, ils ont le pouvoir économique tandis que les gouvernements ne sont là que pour s’assurer de la stabilité du système : que les travailleurs restent à leur place d’exploités et que les riches continuent à s’enrichir.

C’est pour cela que les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Sans luttes, nous n’aurons que des larmes pour pleurer sur notre sort.

Voilà deux siècles que Marx a démontré les mécanismes de l’exploitation capitaliste. Depuis, les choses n’ont changé qu’en surface et, au fond, perdure la même exploitation de la misère et de la précarité de la majorité pour enrichir une infime minorité de parasites.

C’est ce système auquel il faut mettre fin en chassant les parasites qui s’enrichissent de notre travail et qui spéculent sur notre misère. Le monde du travail pourrait alors mettre en commun les ressources et les moyens de production afin que chacun et chacune puisse vivre décemment sans avoir à s’inquiéter de l’avenir.

Patronat, gouvernement, même combat contre les travailleurs

La crise du Covid s’achève à peine, la guerre en Ukraine fait rage mais la guerre du gouvernement et du patronat contre le monde du travail n’a jamais cessé.

La ministre du Budget, Eva De Bleeker, a été claire là-dessus : le gouvernement a gardé en permanence l’objectif de limiter les dépenses, alors même que les soins de santé montraient la gravité de leur sous-financement et que les ménages sont écrasés par la hausse vertigineuse des prix.

Sous prétexte de mettre « plus de gens au travail », la ministre propose de faire la chasse aux malades de longue durée, d’augmenter la flexibilité, d’augmenter le travail de nuit, etc. Des mesures inefficaces mais qui feront plaisir au patronat.

Là où il serait urgent d’agir, comme, par exemple, le blocage des prix, la ministre renvoie au niveau européen, ce qui est une manière de reporter toute décision à un futur indéterminé, quand les travailleurs seront encore plus au bout du rouleau. 

Bien sûr, pour elle, il n’est pas question d’augmenter les impôts sur les grandes fortunes. C’est une promesse du gouvernement ! Ils ont fait des dizaines de promesses électorales, mais les seules qu’ils tiennent, ce sont celles qu’ils ont faites aux riches.

Le Conseil Supérieur des Finances va dans le même sens que la ministre dans une note d’orientation sur la fiscalité : baisse des impôts sur les salaires d’un côté, mais suppression des chèques repas de l’autre, et surtout une augmentation de la TVA de 1%. Experts et politiciens parlent d’une fiscalité plus juste mais la TVA est l’impôt le plus injuste de tous puisqu’il ne dépend pas des revenus. Et toujours pas question d’un impôt sur la fortune ou le patrimoine !

Or, la question des impôts est directement liée à celle des services publics : en réduisant la part des grandes fortunes ou des entreprises, le coût de l’école, de la santé ou des transports pèse encore plus sur les épaules des travailleurs.

L’injustice est donc double. La fortune des plus riches vient avant tout du travail des salariés qu’ils exploitent dans leurs entreprises. Non seulement les patrons s’approprient le fruit de notre travail, mais en plus, ils refusent de payer pour les services publics.

Le patronat veut aller encore plus loin. Comme par coïncidence, il vient de publier sa propre liste de mesures pour les années qui viennent. Les gros morceaux, ce sont la fin de l’indexation automatique des salaires, la réduction des cotisations sociales et la régionalisation des politiques de chômage. Pas besoin de faire un dessin, l’index, même truqué comme il l’est aujourd’hui permet que les salaires suivent plus ou moins les prix. Supprimer l’index, c’est revenir à des négociations, branche par branche, voire entreprise par entreprise. Isolés, forcés à se battre pour chaque cent, les travailleurs seront toujours perdants. Cela va dans le même sens que la régionalisation du droit du travail : en divisant les travailleurs, en les mettant en concurrence au sein même du pays, le patronat renforcera sa capacité à leur imposer ses chantages.

Les politiciens répètent inlassablement que la compétitivité et la croissance seront bénéfiques à tout le monde car ils créeront de l’emploi. Chaque année qui passe prouve le contraire. Le patronat a empoché les réductions de charges sociales, il a profité de la déréglementation, mais ni les emplois, ni les salaires n’ont suivi. Alors qu’une inflation galopante ronge le pouvoir d’achat des travailleurs, les patrons ne parlent que de supprimer l’indexation.

Le patronat en veut toujours plus. Quoiqu’on leur cède, cela ne suffit jamais. Il se moque bien des conséquences pour la population. Pendant que les pauvres font la file dans des hôpitaux débordés, pendant que leurs enfants s’entassent à plus de vingt pas classe, les riches vont dans des cliniques privées et envoient leurs enfants dans des écoles d’élite.

La ministre De Bleeker dit dans sa conclusion : « l’État ne peut pas aider tout le monde à n’importe quel prix ». C’est évident, l’État est au service du patronat ! Les travailleurs devront s’aider eux-mêmes. Exigeons pour commencer le blocage des prix, l’augmentation des salaires et que les plus riches paient des impôts à la hauteur de leur fortune. C’est le monde du travail qui fait tourner l’économie, qui crée toutes les richesses. Ce rôle central lui donne une force énorme.Et puis, on verra, peut-être que les travailleurs aussi, se mettront à en vouloir toujours plus… et ils auraient bien raison !

Le troisième tour, ce ne seront pas les législatives mais les luttes sociales

Sans grande surprise, Macron a finalement remporté le second tour des élections présidentielles françaises avec un score confortable de 58,5%, tandis que Le Pen en a attiré 41,5%.

Macron a une fois de plus bénéficié du rejet de Le Pen et de son programme d’extrême droite anti-ouvrier et raciste. La plupart des partis politiques et des syndicats avaient en effet appelé à voter contre elle. Des manifestations syndicales ou lycéennes contre Le Pen et son Rassemblement National ont eu lieu, au cours desquelles, d’ailleurs, bien des manifestants exprimaient leur frustration par des pancartes « Ni Macron, ni Le Pen ».

Malgré tout, le score du Rassemblement National a progressé depuis les dernières élections présidentielles, pas seulement en pourcentage mais aussi en nombre de voix : Le Pen est passée de 10,7 millions à 13,3 millions de voix. Elle a aussi bénéficié d’un vote de rejet anti-Macron, comme le montrent les résultats dans certains quartiers populaires où Mélenchon était arrivé en tête au premier tour et qui ont voté Le Pen au second. Mais ceux qui ont voté pour elle par haine vis-à-vis du « président des riches » ont néanmoins voté pour une ennemie tout aussi acharnée des travailleurs.

Voter Le Pen ne sert qu’à faire pencher de plus en plus le balancier politique vers la droite et à justifier des mesures plus antisociales, plus répressives et plus racistes.

Un grand nombre d’électeurs, dégoûtés du non-choix qu’ils devaient faire, ont préféré s’abstenir. C’est ainsi que le taux d’abstention a culminé à 28%. Si l’on calculait les pourcentages sur tous les électeurs et pas seulement sur les votants, Macron n’aurait que 38,5% et Le Pen 27,3% – il y a donc plus d’électeurs qui se sont abstenu que de voix pour Le Pen !

Macron, par sa politique anti-sociale et ouvertement pro-patronale a certainement alimenté le vote Le Pen et il va continuer à le faire dans les années qui viennent. Mais les partis qui se disent de gauche, le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français, portent eux aussi leur part de responsabilité dans cette situation. En 1981, François Mitterrand a amené la gauche au pouvoir et cela a créé un immense espoir parmi les couches populaires. Après quelques mesures sociales, il fallut rapidement déchanter : fermeture des mines, blocage des salaires, flexibilisation du travail et l’ensemble de la politique d’austérité ont repris d’une main ce qui avait été donné de l’autre. La présidence de François Hollande a été du même acabit, au point qu’il n’a même pas osé se représenter… Pour le monde du travail, ce fut une immense trahison : qui allait le défendre alors que ceux-là même qui étaient censés le représenter faisaient une politique de droite ?

Depuis des dizaines d’années, du PS au PCF, puis à la France Insoumise, tous les partis qui prétendent s’opposer à la droite et défendre les couches populaires ne proposent rien de plus que de voter pour eux. Ils ont tous abandonné le terrain des luttes sociales. On voit où ça les a menés aujourd’hui : appeler à voter Macron !

Or, c’est justement dans les entreprises et dans la rue que les travailleurs peuvent mener leur combat. Pas dans les urnes ! La grande bourgeoisie, les Bouygues et les Bolloré, les actionnaires discrets d’Engie et de Total, ne craignent pas les politiciens, même de gauche. En revanche, ils savent que leurs profits viennent du travail de leurs salariés, que ce sont les travailleurs qui font marcher toute l’économie, qui produisent dans leurs entreprises, qui transportent leurs marchandises, qui construisent les routes, etc. etc. 

Tout repose sur les épaules du monde du travail, le prolétariat. C’est pour cela que c’est lui seul qui est en mesure de mettre à bas ce système capitaliste injuste et absurde, chasser le patronat, prendre les entreprises et les faire fonctionner dans l’intérêt général de tous de façon démocratique et en prenant en compte les impératifs écologiques à long terme.

Cela peut paraître lointain au vu de la faiblesse actuelle des luttes des travailleurs, c’est pourtant la seule perspective car on ne peut pas continuer à attendre que tel ou tel politicien change la société à notre place, ils en le feront pas.De tous temps, les luttes des travailleurs ont connu des hauts et des bas. Il est urgent et nécessaire aujourd’hui que les travailleurs reconstruisent leur parti, pas pour gagner des élections, mais pour commencer à se préparer aux luttes sociales, pour défendre le programme d’une révolution sociale, le seul qui représente un avenir pour la société