Un résultat des élections qui est rarement commenté : le nombre d’électeurs qui n’ont pas voté ou ont voté blanc.
Ils sont 1,4 millions, soit 17% des inscrits auxquels il faut ajouter tous les travailleurs qui n’ont même pas le droit de vote, ce qui fait encore 900 000 de plus ! Au total ce sont 25% des adultes en âge de voter qui n’ont pas pris part à ces élections. C’est plus que le score des socialistes et des libéraux réunis au niveau national ! Tous les chiffres officiels des pourcentages de votes « exprimés » occultent complètement cette partie de l’électorat.
Tous les partis qui ont participé au pouvoir à un quelconque niveau que ce soit ont été sanctionné par les électeurs. Les socialistes, les libéraux et les sociaux chrétiens perdent chacun des centaines de milliers de voix. Il y a quatre ans, les partis représentant ces grandes familles politiques, y compris la N-VA, totalisaient 77% des voix. Le 26 mai, ils ne représentaient plus que 61% des voix ! Ce résultat reflète le dégoût de la politique menée par les gouvernements nationaux et régionaux. Et même si le PS était dans l’opposition, cela n’a effacé ni les années de complicité dans la répression contre les chômeurs, ni les affaires dans lesquelles il a trempé jusqu’au cou.
Le désaveu des politiques anti-ouvrières menées ces dernières années s’est incontestablement exprimé par un vote massif pour les listes PTB qui ont obtenu au parlement plus de 8% des voix sur l’ensemble du pays. Le gouvernement a fait des mécontents même parmi la petite bourgeoisie, dont une partie a préféré voter écolo.
Un autre fait marquant a été la progression du parti flamand d’extrême droite, le Vlaams Belang, qui a récolté 800 000 voix. Ce parti donne avec la N-VA une majorité nationaliste de droite en Flandre tandis qu’au sud du pays ce sont les partis dits « de gauche » comme le PS, le PTB et Ecolo qui obtiennent la majorité. C’est ce qui a fait dire aux commentateurs politiques que la Belgique était coupée en deux et Bart de Wever en a tiré un argument supplémentaire pour justifier le séparatisme.
Or il y a au nord comme au sud du pays, à la fois des bourgeois qui votent en toute conscience pour la droite, pour l’Open VLD et le MR, la N-VA ou le VB, mais aussi des travailleurs qui s’inquiètent pour leur emploi, leur pension et l’avenir de leurs enfants et pour qui il est beaucoup moins évident de savoir pour qui voter.
Les travailleurs ne sont pas plus à droite en Flandre qu’à gauche en Wallonie. Mais l’expression du rejet de la politique du gouvernement par les couches populaires ne peut s’exprimer qu’à travers des partis existants. Du coup, il a pris en Flandre une coloration nationaliste, anti-immigrés et socialement rétrograde. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de régionalisme ou de racisme au sud du pays mais il n’y a pas aujourd’hui de parti important qui exprime ces idées de manière aussi ouverte. Dès lors, le mécontentement des travailleurs francophones s’est plutôt exprimé en votant sur des programmes qui expriment les préoccupations économiques ou sociales qui départagent le PS et le MR, et le rejet s’est exprimé par le vote PTB.
Prétendre que les travailleurs de telle ou telle région seraient plus à droite ou à gauche est une manière hypocrite d’entériner les discours régionalistes qui cherchent à les diviser. Au contraire, le problème du monde du travail aujourd’hui c’est surtout l’absence d’un parti communiste qui représente réellement les intérêts des travailleurs dans leurs luttes, quelles que soient leur langue ou leur origine.
Maintenant que la fièvre électorale est retombée, les partis sont passés aux habituelles négociations en vue de former des coalitions. Finis les grands discours, chacun met de l’eau dans son vin. Le PS a rangé la pension à 1500 euros au placard et envisage sereinement de former, pourquoi pas, un gouvernement avec le MR qui était pourtant hier encore l’ennemi à abattre.
Le MR, de son côté, ne verrait pas d’un mauvais œil une nouvelle alliance avec la N-VA et c’est pour cela qu’il renvoie dos-à-dos le Vlaams Belang et le PTB : en diabolisant tout le monde aujourd’hui, il rend plus « acceptables » les coalitions de demain.
L’annonce alarmiste d’un futur déficit de dix milliards par les informateurs chargés de déblayer le terrain pour la future coalition va servir à justifier de retirer des programmes des partis toutes leurs mesures tant soit peu sociales.
Les politiciens sont repartis pour leur train-train au service de la bourgeoisie. De leur côté les travailleurs doivent se préparer aux prochaines attaques et à défendre becs et ongles leurs emplois et leurs salaires.