La réponse des politiciens belges à la série impressionnante de mobilisations des jeunes et de manifestations nationales a été une nouvelle démonstration de leur médiocrité. Ils n’ont même pas été capables de se mettre d’accord sur la « Loi Climat » proposée par un groupe de scientifiques. Et pourtant, cette loi est tout sauf contraignante : elle propose de donner des objectifs communs et de mettre en place des commissions pour coordonner les initiatives au niveau national. Rien de bien révolutionnaire mais c’est déjà trop pour la NVA et le MR pour qui la liberté de faire des profits est plus importante que l’avenir de la planète. A la fin des fins, le MR, pour ne pas passer pour le mauvais élève climatique, a déclaré du bout des lèvres qu’il voterait en faveur du texte, mais seulement quand il a été certain qu’il n’y aurait de toute façon pas de majorité pour le voter au parlement.
Le patronat, par la voix de la FEB, s’est dit opposé à une loi, par crainte qu’elle puisse servir à condamner les entreprises polluantes pour leur inaction.
Qu’on ne s’y trompe pas : loi ou pas, ce n’est pas ça qui va changer les choses. Il est évident qu’aucun politicien de droite ou de gauche ne va prendre l’initiative de faire payer quoi que ce soit au patronat. Certes, les partis d’opposition voient là une occasion d’attirer les faveurs des jeunes électeurs à la veille des élections législatives et européennes, mais il est bien connu que les promesses électorales sont la première chose que les politiciens oublient au lendemain du vote.
Certains seront peut-être frappés de voir à quel point la classe politique semble sourde à toute forme de contestation alors même que des dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes ont manifesté à plusieurs reprises pour que des mesures urgentes soient prises afin de juguler la crise écologique que le mode de production actuel prépare inéluctablement.
En réalité, cette surdité est bien plus générale. En France, les gilets jaunes se mobilisent depuis plusieurs mois de façon déterminée et parfois violente, mais Macron félicite la police et refuse de changer sa politique antisociale. Au Royaume-Uni, plus d’un million de personnes ont manifesté contre le Brexit et plusieurs millions ont signé une pétition dans le même sens, mais la Première ministre May et ses acolytes maintiennent leur cap comme si de rien n’était. Et puis, combien de manifestations nationales n’ont-elles pas déjà eu lieu, sans que cela fasse reculer le gouvernement d’un millimètre sur les sauts d’index, les pensions, etc.
En réalité, dans un monde capitaliste, la voix des milliards de travailleuses et travailleurs qui font tourner l‘économie ne compte pas. Il est inutile d’espérer qu’un vote, une pétition ou un « référendum d’initiative populaire » fasse dévier d’un iota la machine à profits.
Ce serait une illusion de croire que les politiciens ne « comprennent » pas et que les mobilisations pourraient servir à leur faire prendre conscience de l’urgence climatique ou de l’injustice de la pension à 67 ans. La classe politique est parfaitement informée, chaque gouvernement et chaque parti disposent d’une armée d’experts pour les informer sur la situation économique, écologie ou sociale.
Le capitalisme est basé sur l’exploitation des travailleurs par le patronat. C’est une dictature économique que les plus riches imposent au reste du monde : travailler pour eux ou crever de faim. Cette dictature utilise l’apparence de la démocratie pour donner l’illusion que travailleurs et patrons seraient égaux dans un monde régi par des lois et un gouvernement au-dessus de la mêlée. Les politiciens perpétuent cette illusion. Les uns, les libéraux veulent faire croire que la richesse des entreprises va rejaillir sur les travailleurs, les autres, les socialistes, prétendent qu’on peut arrondir les angles et obtenir des compromis. Les uns comme les autres cherchent surtout à endormir les travailleurs pour que le patronat puisse continuer à engranger tranquillement ses profits.
Mais ces discours ne changent pas la réalité : la richesse et le pouvoir du patronat dépendent au bout du compte de la pauvreté et de la précarité des travailleurs. Bourgeois contre prolétaires, cela n’a pas changé depuis deux siècles.
On ne peut attendre des gouvernements ni compréhension vis-à-vis de la situation sociale des travailleurs, ni qu’ils forcent les entreprises à consommer des énergies renouvelables ou à retraiter leurs déchets à leurs propres frais.
Les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Leur force, c’est leur nombre et leur rôle central dans l’économie. Seules des grèves massives pourront faire reculer patrons et gouvernements, et imposer de meilleurs salaires tout comme des mesures pour le climat.