Les vaines promesses des partis ne remplaceront pas les luttes nécessaires

A l’approche des élections législatives du 26 mai 2019, les partis rivalisent de promesses. Tout le monde sait bien ce qu’elles valent, là n’est pas la question, mais elles révèlent les priorités des partis. Les questions qui comptent, ce sont évidemment celles du salaire, de l’emploi et du climat.
Cette année, tous les grands partis mettent en avant la question du pouvoir d’achat. Le MR et DeFi proposent une réduction linéaire des impôts sur le revenu. Le MR prétend que sa formule permettra d’augmenter les salaires de 1000 euros par an. On se demande bien pourquoi il ne l’a pas fait quand il était au pouvoir ! Mais surtout la réduction profitera proportionnellement plus à ceux qui en paient le plus, c’est-à-dire aux classes moyennes et supérieures. Les 1000 euros ne seront pas pour tout le monde !
Pour faire bonne mesure, Charles Michel prétend aussi que son programme permettra de créer 250 000 emplois, d’autres dans son parti se contentent d’un plus modeste 30 000. Mais certains se souviendront peut-être des 200 000 emplois promis par Guy Verhofstadt en 2003 et dont personne n’a jamais vu la couleur ! En outre, si c’est pour que ce soient des Flexi-jobs, non merci. D’ailleurs, le MR soutient aussi l’idée de rendre les allocations de chômage encore plus dégressives. Ce genre de mesures n’a jamais eu d’autre effet que de plonger des familles dans la misère car les racines du chômage sont dans les licenciements massifs auxquels se livrent les grandes entreprises.
Le PS, lui, annonce des mesures plus favorables aux bas salaires, en particulier la revalorisation des pensions à 1500€ bruts par mois. Il prétend augmenter le salaire minimum à 14€ bruts de l’heure mais il dit aussi que ce sont les partenaires sociaux et donc entre-autres le patronat qui doivent déterminer le montant du salaire minimal – on peut donc s’attendre à un enterrement de première classe. Ce n’est d’ailleurs pas le seul sujet sur lequel le PS promet tout et son contraire. Leur programme fait près de 800 pages et ne mentionne nulle part comment le PS va s’y prendre pour imposer son programme au patronat, ni comment il va arriver au plein emploi et passe sous silence la question de la dette publique qu’il a lui-même mise en avant pendant le gouvernement Di Rupo pour justifier l’austérité. Il se dit dorénavant « écosocialiste », histoire peut-être de se donner un coup de jeune mais il continue à utiliser les bonnes vieilles ficelles : promettre monts et merveilles aux couches populaires et ensuite négocier les miettes avec le patronat. Côté retraites, le PS propose de revenir à la pension à 65 ans avec le droit à la prépension à 60 ans.
Ecolo axe son programme sur le climat et la mobilité. Pour ce qui est du pouvoir d’achat, il partage avec le PS l’idée d’un salaire minimum à 14€ bruts mais ne donne pas plus d’idée sur comment il va imposer cette mesure. Ecolo veut aussi réduire l’impôt sur le revenu pour les petits salaires en le rendant plus progressif et en compensant le manque à gagner par la suppression de l’avantage lié aux véhicules de société et l’instauration d’un impôt de crise de 1% sur les grandes fortunes.
La question du pouvoir d’achat est revenue au centre du débat, probablement grâce au mouvement des gilets jaunes en Belgique et en France. Les partis sentent que la population ne va plus continuer à accepter l’austérité alors que la crise est passée et que les profits des entreprises et de la finance battent des records.
Mais on voit par ailleurs que tous les partis proposent essentiellement d’augmenter le pouvoir d’achat en diminuant les impôts. Certes, le PS et Ecolo proposent aussi d’augmenter le salaire minimum mais ils n’ont pas l’air d’y croire eux-mêmes quand on voit à quel point ils insistent plutôt sur les aspects fiscaux. Et c’est bien logique : augmenter les salaires exigera de s’affronter au grand patronat, et cela, aucun parti n’en parle. La proposition finira inévitablement aux oubliettes. En revanche, diminuer les impôts est à la portée d’un gouvernement, cela fait des années que les baisses de cotisations patronales et autres cadeaux fiscaux ont permis aux grandes entreprises d’augmenter les profits. Cela n’est donc pas très compliqué pour un gouvernement de donner l’impression de faire un geste aussi pour les revenus des travailleurs.
Quant à augmenter les impôts des plus riches, on demande à voir : Ecolo parle de supprimer les avantages liés à la voiture de société et, comme le PS, de « globaliser les revenus », c’est-à-dire d’imposer les revenus financiers et fonciers au même titre que les salaires. Il y a encore loin de la parole aux mots et, comme toutes les réformes fiscales, cela va prendre des années alors que les besoins de la population prise à la gorge par des années de quasi-blocage des salaires, eux, ne peuvent pas attendre.
Et puis, les baisses d’impôts, c’est un jeu à qui perd gagne : l’État disposera d’un budget plus maigre et cela se traduira une fois de plus par des coupes budgétaires dans les services publics utiles à la population, tels que l’enseignement, les transports ou les hôpitaux. Les travailleurs paieront donc un peu moins d’un côté mais recevront moins de l’autre, ou alors devront payer plus cher si certains services sont privatisés.
C’est le serpent qui se mord la queue : quand le CDH, par exemple, prétend financer son programme fiscal par la lutte contre la fraude fiscale, il faudrait déjà que la justice dispose des moyens nécessaires pour juger et condamner. Or, depuis des années, les effectifs sont en chute libre, il n’y a plus assez de magistrats spécialisés dans la finance et les fraudeurs identifiés s’en tirent sans poursuites ni jugement. Alors, les uns comme les autres promettent de donner les moyens à la justice, d’investir dans les transports et de libérer des fonds pour les technologies innovantes qui protègent le climat. Qui en veut encore ? Il y en aura pour tout le monde.
Au bout du compte, n’y a pas de magie : si l’impôt diminue, si les charges sociales diminuent, alors soit les dépenses diminuent, soit la dette publique augmente. Or, depuis des dizaines d’années de gouvernement CD&V, PS et MR, la dette de l’État a servi de prétexte pour bloquer les salaires et diminuer les budgets publics. Tout d’un coup, la dette ne serait plus un problème ? C’est évidemment faux ! La dette de l’État, ce n’est pas que la population aurait « vécu au-dessus de ses moyens », c’est le résultat des crises économiques créées par la spéculation des grands groupes industriels et financiers. Les gouvernements ont à chaque fois « sauvé » les entreprises et les banques de la faillite à coups de milliards. On se rappellera l’affaire Belfius lors de la crise de 2008, mais cela dure depuis les années 1970 ! Entre les crises, les gouvernements aggravent la situation en soutenant les profits des entreprises en réduisant leurs impôts et leurs charges sociales. Et c’est la population que les gouvernements dont payer au moyen de politiques d’austérité, de blocage des salaires et de coupes dans les budgets sociaux. Cela ne va pas changer parce que les partis politiques belges ont décidé de promettre des lendemains qui chantent.
On pourrait discuter pendant des pages de chaque mesure proposée par ces partis mais au bout du compte, il n’y a jamais rien pour les travailleurs dans aucun de ces programmes. La réalité c’est que le coût de la vie a augmenté de 8% en cinq ans de gouvernement MR-NVA, avec des salaires quasiment bloqués et au contraire des cadeaux en série aux entreprises.
Il serait parfaitement légitime d’exiger une augmentation des salaires, payés par les patrons. Personne ne veut l’imposer, car tous les partis restent dans la logique capitaliste de la loi du plus riche. Les 8 heures de travail, les congés payés, ont été obtenus par la lutte, quand les gouvernements, en 1921 ou en 1936 avaient peur que les révoltes des travailleurs finissent par un renversement du capitalisme. Aujourd’hui aucun parti, pas même le PTB, ne parle de mobiliser les travailleurs contre le capitalisme. Or l’appétit de profits des capitalistes fait que de simples choses comme un emploi avec un salaire décent, des soins de santé et l’enseignement gratuits, une pension correcte, sont remis sans-cesse en question et exigent justement de se mobiliser pour les défendre.
L’histoire a montré qu’il n’y a pas de raccourci et que les élections n’ont jamais changé le rapport de forces entre les travailleurs et le bourgeois, seule les luttes sociales pourront changer notre avenir.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *