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En Palestine, une impasse sanglante

Depuis les attentats du Hamas du 7 octobre, Israël a déclenché une tempête de feu sur la bande de Gaza. Les dernières estimations portent à près de 9000 le nombre de morts parmi la population civile, mais il y en aura probablement bien plus. Cette vengeance aveugle prend pour cible une population déjà éprouvée par des années de survie dans ce que l’on peut appeler une prison à ciel ouvert. Comment appeler cela autrement que du terrorisme ? Mais il s’agit d’un terrorisme d’État et surtout d’un État allié aux grands pays impérialistes qui règnent en sous-main dans la région, en premier lieu les États-Unis. Ceux-ci et leurs alliés européens se contentent de demander hypocritement et avec une fausse fermeté à l’État israélien de faire preuve de mesure et d’accepter un cessez-le-feu.
En réalité, ce sont eux qui ont semé les graines de la situation actuelle en soutenant les gouvernements israéliens successifs dans leur politique de colonisation et de ségrégation vis-à-vis des Palestiniens. Le désespoir dans lequel les Palestiniens ont été maintenus par cette politique a nourri l’influence du Hamas qui se présentait comme la seule organisation qui combattait effectivement l’oppression, à l’opposé du Fatah qui avait troqué la kalashnikov contre le costume cravate lorsque l’Autorité Palestinienne a été créée par les accords d’Oslo en 1993.
Comment y voir clair quand le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, que ce soient les juifs ou les arabes(,) sert de prétexte à priver d’autres peuples de ce même droit ?
Le piège dans lequel les peuples du Moyen-Orient sont enfermés est celui du nationalisme, cette idéologie qui voudrait que nous nous sentions liés par les liens d’une nation issue d’ancêtres communs, d’une culture commune ou d’une religion commune. Le nationalisme est ce qui permet aux capitalistes de jeter des peuples les uns contre les autres dans des guerres fratricides où des travailleurs tuent d’autres travailleurs, tandis qu’eux, les capitalistes, en retirent les bénéfices en vendant des armes et en étendant leurs zones d’influence. Dans ces guerres, la nation ou la religion ne servent que de prétexte. Cette union contre nature des travailleurs et des patrons derrière le drapeau national, permet à ces derniers de cacher la lutte des classes.
L’État hébreu s’est posé en défenseur des juifs à la suite de la Seconde Guerre mondiale. En réalité, il n’a défendu que les intérêts des impérialistes américains qui avaient besoin d’une tête de pont dans la région. Et Israël a fidèlement servit de gendarme dans tous les conflits régionaux, face à l’Iran ou la Syrie. Mais il ne défend pas les Israéliens, il les maintient dans une impasse sanglante.
Réciproquement, l’OLP – l’Organisation de Libération de la Palestine, dont le Fatah fait partie – a prétendu défendre la population palestinienne contre la colonisation. En réalité, cette organisation n’a défendu que le droit des bourgeois palestiniens à disposer de leur propre État. Il n’est donc pas surprenant que sa combattivité ait disparu avec la création de l’Autorité palestinienne. Or, les besoins de la population travailleuse, des ouvriers et des paysans, n’ont pas été satisfaits dans les accords d’Oslo. Ils n’ont pas ouvert les frontières à ceux qui cherchaient du travail, ils n’ont pas supprimé les check-points et autres vexations permanentes de l’armée israélienne. Ils ont juste transformé toute la région en immense camp de réfugiés.
Il est logique dès lors que chaque jour la colère et la frustration de la jeunesse grandissent, ainsi que la haine vis-à-vis de l’oppresseur, y incluant indistinctement l’État hébreu et la population israélienne qu’il prétend représenter. C’est sur cette colère que le Hamas a prospéré. Dans le fond, il ne cherche rien de bien différent du Fatah : le pouvoir sur la population palestinienne. Pour avoir son soutien, il a besoin de maintenir son image de résistance, quitte à mener l’ensemble de la population dans une guerre.
Plus le sang coulera, plus les tendances ultranationalistes, intégristes, racistes accroîtront leur emprise de part et d’autre. Il n’y aura pas de paix tant que les peuples palestiniens et israéliens n’auront que les perspectives nationalistes que leurs proposent leurs États respectifs, avec la bénédiction des impérialistes qui ont intérêt à faire perdurer le conflit et les divisions entre les peuples.
La paix ne pourra venir que lorsque les populations de la région s’uniront contre leurs dirigeants respectifs qui non seulement ne les protègent pas mais les exploitent et les maintiennent dans la guerre. Pour cela elles auront comme adversaires les pays impérialistes et comme alliés les travailleuses et travailleurs de ces pays qui, comme eux, subissent le capitalisme et comme eux aspirent à vivre en paix.
Nationalisme et guerre sont les fruits pourris du capitalisme, c’est à lui qu’il faut faire la guerre.

En Palestine comme ailleurs, le capitalisme engendre la guerre

L’attaque du Hamas, lancée dans la nuit du 7 octobre dernier est un épisode sanglant de plus qui a relancé la guerre en Palestine – une guerre qui n’a jamais vraiment cessé depuis 70 ans.
La réponse d’Israël a été du même ordre : des milliers de civils palestiniens ont déjà péri sous les bombardements aveugles de l’armée. Or, le massacre de Palestiniens innocents n’est pas plus acceptable que le meurtre d’Israéliens innocents. Le terrorisme d’État d’Israël n’est pas plus légitime que le terrorisme du Hamas. Ce sont les deux faces d’un même monstre, dont les deux populations sont les victimes.
C’est un cycle infernal mais ni l’État israélien, ni le Hamas ne veulent en sortir. Les faucons des deux bords se maintiennent depuis des années au pouvoir grâce à cette guerre larvée permanente. La montée en puissance du Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, a été la conséquence de la politique agressive d’Israël où les tendances jusqu’au-boutistes n’ont cessé de se renforcer depuis vingt ans. Le mouvement islamiste représentait la résistance contre l’occupant et il était auréolé du sacrifice de ses militants. Dès le début, dès même les années septante, les dirigeants israéliens voyaient d’un bon œil ce concurrent à l’OLP, qui était à l’époque leur ennemi principal. Et depuis, ils utilisent l’extrémisme du Hamas comme prétexte pour durcir leur politique et refuser toute concession pour la création d’un état palestinien.
Le gouvernement israélien et le Hamas sont tous deux opposés à la paix. C’est une des raisons pour laquelle nous disons qu’ils sont avant tout les ennemis de leurs propres peuples.
Mais ils ne sont eux-mêmes que les marionnettes consentantes des intérêts des grands pays impérialistes. La guerre en Palestine n’est pas une guerre de religions, ni une guerre pour des « valeurs » comme voudraient le faire croire les dirigeants européens et américains. Comme en Ukraine, où la question de la religion n’est évidemment pas posée, la guerre de Palestine est avant tout la conséquence des rivalités des grandes puissances capitalistes pour dominer le monde.
La concurrence capitaliste n’est pas limitée aux prix de production, c’est avant tout une lutte implacable pour contrôler des marchés sur lesquels écouler la production, et pour disposer de la main d’œuvre et des matières premières pour les produire.
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis sont devenus la première puissance mondiale. Il y avait d’une part la « guerre froide » contre l’Union Soviétique, mais aussi la concurrence entre les alliés occidentaux pour contrôler le Moyen-Orient et ses ressources infinies en pétrole. Pour obtenir les faveurs des pays arabes, l’Angleterre freinait la création de l’État d’Israël, qu’elle avait pourtant soutenue avant-guerre. De leur côté, les États-Unis voyaient bien l’avantage qu’ils pouvaient tirer de la création d’un nouveau pays qui dépendrait d’eux pour sa survie, tant il serait isolé au milieu de nations hostiles.
Ils ont dès lors donné leur feu vert à la création d’Israël et fermé les yeux sur les déplacements massifs de la population palestinienne, chassée par la guerre, enfermée et massacrée dans des camps, utilisée comme main d’œuvre à bon marché. La création de l’autorité palestinienne en 1993 a transformé l’ensemble des territoires de Cisjordanie et de Gaza en prisons à ciel ouvert. Le reste des pays riches a fini par s’aligner sur la politique américaine et si certains pays européens se faisaient les porte-paroles du droit des Palestiniens à un État, c’était plus pour courtiser les pays arabes que par un quelconque sentiment de justice.
Le soutien indéfectible des USA et de l’Europe à Israël n’a rien d’un combat contre l’antisémitisme, comme ils le prétendent. Il s’agit pour eux de protéger leur allié et défenseur dans la région. La politique de vengeance aveugle de l’État israélien n’a pas fini de faire son lot de victimes. Elle ne fera qu’accroître encore plus la haine entre les peuples pour des dizaines d’années encore. C’est une politique injuste et catastrophique, pour les deux populations.
La guerre fait déjà rage en Ukraine, elle se ravive en Palestine. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle se propage ailleurs tant les tensions internationales sont aigues.
La seule chose qui puisse mettre un terme à cette folie, ce serait que les peuples s’unissent contre leurs oppresseurs et mettent un terme définitif au capitalisme, à la misère et aux guerres

Israéliens et Palestiniens dans le piège sanglant de l’impérialisme

Le Moyen-Orient est à l’image d’un monde soumis à la domination impérialiste de la bourgeoisie : un immense brasier. Après l’Irak et la Syrie, la guerre embrase de nouveau Israël et Gaza, menaçant toute la région d’une nouvelle conflagration.
Cette situation a été créée par les manœuvres des puissances impérialistes, au siècle dernier, où elles découpaient le monde en traçant les frontières garantissant leur hégémonie. Et le Moyen-Orient, riche en pétrole, était l’objet de toutes leurs convoitises.
C’est ainsi que les Palestiniens et les immigrants juifs se sont retrouvés au milieu d’un champ de bataille. Les premiers vivaient sous la domination britannique, déjà contestée par la puissance américaine. Quant aux seconds, ils arrivaient dans la région, fuyant les pogroms antisémites ou rescapés des camps d’extermination.
Il y avait de la place pour les deux peuples. Mais les prétendus protecteurs de la région n’ont rien fait pour favoriser cette coexistence. Ils ont, au contraire, joué un peuple contre l’autre, pour assurer leur influence.
En 1948, les États-Unis soutinrent la création d’Israël en tant qu’État juif. Les Palestiniens en furent chassés en masse, transformés en réfugiés à vie dans des camps surpeuplés ou en citoyens de seconde zone en Israël. Les Israéliens devinrent les gardiens de cette prison.
Les Palestiniens ont été spoliés de leurs terres, expulsés de leurs maisons et enfermés, notamment dans cette prison à ciel ouvert qu’est Gaza. Les deux millions de Gazaouis sont collectivement punis par un blocus qui leur impose des conditions de vie innommables, quand leurs immeubles ne sont pas bombardés par l’armée d’Israël. Cette politique a un nom : le terrorisme d’État.
Dans les deux camps, les politiques nationalistes ont contribué à porter au pouvoir les plus extrémistes. En Israël, Netanyahou gouverne désormais avec les ultranationalistes religieux et racistes. Son gouvernement a intensifié la colonisation de la Cisjordanie, aggravé les mesures d’apartheid et encouragé les milices d’extrême droite à terroriser les Palestiniens.
À cette terreur d’État, le Hamas a opposé une politique qui mène les Palestiniens dans l’impasse. Celle-ci ne témoigne pas seulement d’un mépris pour la vie des civils israéliens, mais aussi pour la vie de son propre peuple, les Palestiniens de Gaza, de nouveau soumis à l’enfer des bombardements. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas le choix car le pouvoir du Hamas s’exerce comme une dictature.
Si le Hamas a soudé nombre de Palestiniens derrière lui, c’est qu’il est le seul à offrir une issue à la révolte qui bouillonne dans la jeunesse palestinienne. Mais la politique du Hamas, comme celle de Netanyahou, ne fait que creuser un fossé de sang entre les deux peuples.
Ces 75 années de politiques nationalistes de part et d’autre, des plus modérées aux plus extrémistes, ont conduit à la situation terrifiante actuelle. Elles démontrent qu’un peuple qui en domine un autre ne peut vivre en sécurité, ni être un peuple libre.
Le drame, c’est que les pires nationalistes sont encouragés par le climat guerrier créé par la guerre en Ukraine et les discours belliqueux des dirigeants des grandes puissances. C’est vrai en Azerbaïdjan, au Haut-Karabakh ou au Kosovo, où s’affrontent Albanais et Serbes.
Contre cette évolution catastrophique, affirmons que des peuples différents, parlant des langues différentes et ayant des coutumes ou des religions différentes, peuvent parfaitement vivre côte à côte. Ils l’ont souvent fait au cours des siècles passés.
Pour y réussir, il faut combattre les dirigeants actuels de la société, et d’abord la bourgeoisie impérialiste qui dresse les peuples les uns contre les autres. Diviser pour régner est la base de sa politique de domination. Ne marchons pas !
Ni les peuples ni les travailleurs n’ont d’intérêt à ces divisions. Ils partagent tous la même aspiration à vivre en paix. Ils peuvent trouver un terrain d’entente dans le fait qu’ils partagent tous une vie de labeur, une vie d’exploitation. Nos dirigeants nous rassemblent dans l’exploitation, ne les laissons pas nous diviser !
Partout il y a, comme ici, des travailleurs en butte à leurs gouvernants. Assimiler le peuple palestinien à la politique du Hamas, ou identifier les Israéliens à la politique de Netanyahou et des colons est aussi stupide que ranger les Belges derrière De Croo ou Bouchez.
En Israël, des travailleurs palestiniens et israéliens travaillent souvent ensemble. Il faut qu’ils retrouvent la conscience de leurs intérêts communs. Seule cette fraternité de classe pourra créer l’élan susceptible de dépasser les haines accumulées au cours de décennies d’affrontements

Les casseurs sont au gouvernement

Ce jeudi 5 octobre, les syndicats ont appelé à manifester contre la loi du ministre de la Justice, Van Quickenborne, qui permettrait d’interdire à toute personne ainsi condamnée de participer à toute manifestation, pendant 3 à 5 ans. La loi parle d’atteinte grave aux personnes ou aux biens. La notion de gravité est toute relative et ceux qui vont en juger sont des magistrats qui ne sont en général pas du côté des manifestants.
La police se permet déjà, lors de manifestations, de matraquer qui elle veut ou d’arrêter qui bon lui semble.
Mais on se doute bien qu’il ne s’agit évidemment pas de réprimer cette violence-là !
La Belgique n’est d’ailleurs pas la seule à s’être lancée dans cette voie. Macron a pris prétexte, dès 2019, du mouvement des gilets jaunes pour faire passer une loi dite « anti-casseurs » bien plus répressive encore, et qui sert à chaque manifestation avec tous les abus que la presse a rapporté depuis quatre ans.
L’objectif d’une telle loi est d’abord de décourager les manifestations. Les travailleurs ont mille raisons de se révolter contre ce système social injuste, contre les licenciements comme chez Delhaize ou Colruyt, contre l’inflation qui nous éreinte. Il y a de quoi être en colère contre la casse sociale dont le patronat est le premier responsable et dont le gouvernement est complice. Les partis qui se succèdent dans les gouvernements préfèrent empêcher les classes populaires d’exprimer cette colère plutôt que de s’attaquer à sa cause : l’appétit de profit des riches. Pas question pour ces ministres de prendre le moindre centime dans la poche des nantis pour compenser les effets des crises économiques dont ils sont pourtant les premiers responsables.
Cette loi sert aussi au gouvernement à envoyer un signal au patronat pour lui dire qu’ici aussi en Belgique, les partis au pouvoir sont prêts à réprimer les futures tentatives du monde du travail de résister. Ils le font avec d’autant plus d’empressement qu’ils se sentent menacés sur leur droite par la N-VA ou le Vlaams Belang. Ils veulent montrer à la grande bourgeoisie belge qu’elle n’a pas besoin de recourir à l’extrême droite, comme en Italie, pour avoir à son service un gouvernement capable de manier le bâton contre les classes populaires.
Quand les syndicats demandent au PS ou à Écolo de ne pas voter la loi, ils entraînent les travailleurs dans l’illusion que ces partis qui ne remettent pas en question le capitalisme pourraient faire autre chose que jouer la même musique que les autres. En général, ils ne s’opposent à la bourgeoisie que poussés dans le dos par la mobilisation des travailleurs et, en général, pour récupérer le mouvement et le trahir.
Or, c’est justement ce que cette loi leur permettra : ne plus permettre au monde du travail de leur imposer sa volonté.
Certes, ce n’est pas une loi qui va empêcher les mobilisations. N’oublions pas que le droit de grève et celui de manifester sont bien récents. Pendant des dizaines d’années, tout cela était illégal. Eh bien, les travailleuses et les travailleurs l’ont quand même fait.
L’immense majorité des lois, et les forces de répression chargées de les faire appliquer, servent en fait à maintenir l’ordre établi. La première chose que l’État et la loi bourgeoise protègent, c’est la propriété privée. Oh, pas la maison qu’un salarié a pu se payer après des années de patience, mais bien les immenses fortunes amassées par les riches grâce au travail des autres, ainsi que leurs usines et leurs entreprises. La seule chose que craignent les bourgeois, c’est justement la révolte de toutes celles et ceux qui ont sué pour produire leurs richesses, qu’ils ont licenciés, dont ils ont volé le droit à la retraite pour les exploiter encore plus longtemps et dont ils font encore une fois les poches grâce à l’inflation. Toutes les lois sont là pour les protéger et celle-ci en fait partie. Comment pourrait-il en être autrement dans un monde où les plus riches disposent de fortunes parfois supérieures à celles d’un pays ? L’État n’est pas un arbitre au-dessus de la société, il n’est là que pour gérer les affaires de la bourgeoisie afin qu’elle puisse perpétuer sa domination et la police est là pour maintenir l’ordre, mais pas n’importe lequel : l’ordre injuste des riches sur les pauvres.
C’est pour cela que nous disons que l’on ne peut rien en attendre et que les travailleurs n’ont pas d’autre perspective que de lutter eux-mêmes contre chaque injustice économique ou sociale, contre les lois qui les aggravent. Cette lutte ne cessera que lorsque le monde du travail prendra définitivement le contrôle de la société afin de la faire fonctionner pour le bien commun et plus pour l’intérêt d’une minorité.

Maroc : les pauvres paient le prix fort

En dix secondes, le tremblement de terre qui a secoué le Haut Atlas a plongé des dizaines de milliers de Marocains dans le drame. Avec plus de 3 000 morts, des milliers de maisons écroulées et des dizaines de villages entièrement détruits, beaucoup ont tout perdu et se retrouvent littéralement sans rien.
Le bilan de la catastrophe, c’est aussi celui de la misère et de l’abandon par les pouvoirs publics des populations vivant dans cette zone.
La plupart des victimes comptent parmi les pauvres, parce que ce ne sont pas les palais de la monarchie ni les paradis pour touristes qui se sont effondrés. Ce sont les maisons et les villages construits en pisé, parfois accrochés à flanc de montagne. Et eux n’avaient aucune chance de résister au séisme !
Même à Marrakech, ce ne sont pas les quartiers riches qui ont connu les destructions importantes. Les riads prisés des touristes fortunés n’ont pas été touchés, ce sont les immeubles les plus vétustes de la Médina qui se sont écroulés. Le quartier populaire du Mellah a été particulièrement touché. Il avait pourtant fait l’objet de travaux de réhabilitation, pour un coût de 20 millions d’euros d’argent public, il y a huit ans. Mais les habitations « réhabilitées » se sont fissurées et effritées comme les autres lors du tremblement de terre. Résultat de la corruption et de la gabegie, la prétendue réhabilitation n’a consisté pour l’essentiel qu’en un coup de badigeon destiné à créer un joli décor pour les touristes.
Et comme toujours, les plus pauvres, surtout dans les régions les plus reculées, se sont retrouvés abandonnés avec leurs morts et leurs parents ensevelis. Deux jours durant, ils étaient bien souvent seuls à déblayer les gravats à mains nues pour retrouver des survivants. Encore aujourd’hui, beaucoup restent dans une détresse absolue, à dormir à même le sol avec une couverture pour seule protection, sans eau, sans nourriture.
Et le destin, invoqué par certains, a bon dos ! Le risque sismique et la fragilité des maisons étaient connus. Le tremblement de terre d’Al Hoceïma en 2004 avait déjà fait 600 morts dans la région du Rif. Il y a 60 ans, celui d’Agadir en avait fait 12 000…
Mais le roi, qui possède un splendide hôtel particulier de 1 600 mètres carrés sur le Champ-de-Mars, au pied de la tour Eiffel, est sans doute plus intéressé par l’évolution de l’immobilier parisien que par un plan de prévention et de sécurisation des villages, des maisons et des infrastructures…
Exactement comme lors du séisme qui a frappé la Turquie, en février 2023, causant plus de 50 000 morts et celui de janvier 2010 en Haïti – 250 000 morts –, la population est non seulement victime d’une catastrophe naturelle, mais aussi et surtout de la misère et du sous-développement. Et que dire de l’effondrement annoncé des barrages de Derna en Lybie qui a causé 12 000 morts en quelques instants.
Tous les chefs de gouvernement ont fait assaut de bons sentiments pour venir en aide aux Marocains : la France, les États-Unis, le Qatar, le Royaume-Uni, l’Espagne, Israël… et bien sût la Belgique. Cet œcuménisme humanitaire est d’une hypocrisie sans nom ! L’Algérie a de son côté proposé son aide au « peuple frère marocain » alors qu’hier le président algérien et Mohamed VI s’invectivaient et brandissaient un nationalisme agressif visant à creuser un sentiment de haine entre Algériens et Marocains. Mais pas plus aujourd’hui qu’hier, le président algérien Tebboune ne s’intéresse au sort des paysans marocains !
L’hypocrisie des dirigeants européens est sans limite. Aucun ne veut pas rater l’occasion de se montrer généreux, mais ils refusent d’accorder des visas pour les Marocains qui veulent venir ici et ils contribuent à maintenir les travailleurs marocains dans la misère.
Alors, il faut prendre tout le tapage fait autour de l’aide internationale pour ce qu’il est : du cinéma !
L’exemple d’Haïti ou de la Turquie montre d’ailleurs qu’il y a un fossé entre les promesses d’aide et ce qui parvient réellement sur le terrain. La seule aide qui n’échappera pas aux victimes et qui répondra réellement à leurs besoins viendra de la solidarité entre travailleurs.
Celle-ci s’est mise spontanément en place, au Maroc, au travers des réseaux familiaux ou associatifs, où elle a souvent devancé la présence gouvernementale. Elle s’organise aussi, ici, à l’initiative des travailleurs d’origine marocaine, et c’est tant mieux, parce qu’elle donnera du courage aux sinistrés pour surmonter cette catastrophe et reconstruire.
Mais pour reconstruire sur du solide, il faudra bâtir une société dans laquelle les exploités puissent jouir des richesses qu’ils créent. Dans ce but, il faudra s’unir pour renverser tous les régimes au service exclusif de la grande bourgeoisie, les monarchies répressives comme les soi-disant démocraties occidentales !

Guerre économique ou militaire, la lutte des classes ne cesse jamais

C’est la rentrée mais il n’y a pas eu de trêve estivale pour les travailleurs. Pendant tout l’été, les prix ont continué de grimper. Ceux de l’alimentation ont connu une inflation de 14%, alors que les prix des matières premières ont baissé. Les patrons de la distribution en ont profité pour s’en mettre plein les poches.
Ce ne sont pas le seuls, l’industrie pétrolière a fait couler le pétrole et les profits à flots.
Pour ceux qui ont des enfants, la rentrée va aussi coûter plus cher, tant au niveau des fournitures que des vêtements.
Non, il n’y a pas eu de vacances pour les soucis, en tout cas pour le monde du travail.
Les capitalistes ne se contentent pas de nous faire les poches et de pousser les couches populaires dans la misère et la précarité. Pour eux, chaque catastrophe est une nouvelle opportunité de faire des profits supplémentaires. L’incendie à Hawaï est le dernier exemple d’une longue série. Cette catastrophe prévisible n’a rien de naturelle : pylônes électriques vétustes, terrains laissés à l’abandon, tout était réuni pour qu’un incendie se transforme en drame. Et le réchauffement climatique ne cesse de multiplier incendies, canicules et inondations.
Ce qui nous guette, c’est aussi la guerre. Elle non plus n’a pas connu de répit. Les morts ukrainiens et russes se comptent par centaines de milliers, auxquels s’ajoutent les blessés, les déplacements de population et les destructions massives. Tout ça pour une lutte d’intérêts économiques entre l’OTAN et la Russie. La liberté et les droits des peuples ne servent que de prétextes de part et d’autre. Les récentes affaires de corruption en Ukraine ont d’ailleurs montré que le sentiment patriotique était réservé aux prolétaires qui vont se faire tuer sur le front, tandis que les oligarques s’enrichissent en surfacturant les fournitures militaires à l’armée sous l’œil bienveillant du ministre de la Défense.
Quant à l’aide militaire européenne, elle permet de faire couler l’argent public directement dans les poches des marchands de morts. Le budget de la défense belge vient d’être augmenté de 10% à 5 milliards par an, mais les militaires demandent déjà plus du double pour acheter des munitions supplémentaires.
Qu’on ne s’y trompe pas, le gouvernement belge, comme ceux de tous les alliés de l’OTAN, ne font pas cela « pour l’Ukraine », ils le font parce que cela rapporte immédiatement aux marchands d’armes et que cela permet de se positionner sur le futur marché de la reconstruction, dont bénéficieront d’autres capitalistes occidentaux.
Cet argent dépensé en destruction et en morts pourrait servir pour les écoles, les hôpitaux ou à des multitudes d’autres choses réellement utiles à la population. Les caisses sont vides pour la sécurité sociale, mais il y a toujours de l’argent pour engraisser le patronat.
Il serait bien naïf de croire que les budgets militaires ne serviront qu’à défendre le pays. Comment croire que ces ministres et ces patrons, qui attaquent sans cesse et sans pitié les familles pauvres, pourraient avoir tout d’un coup le souci de les défendre ? Bien au contraire, ils n’auront aucune hésitation à envoyer les enfants de ces mêmes familles se faire tuer sur de nouveaux champs de bataille. Ils inventeront de nouveaux prétextes pour justifier de nouveaux carnages.
La guerre est à nos portes, mais elle n’a jamais cessé et la liste des conflits de ces vingt dernières années remplirait des pages entières, de la Palestine au Yémen, en passant par la Yougoslavie, la Syrie, la Libye, etc. Et aujourd’hui, les discours belliqueux vis-à-vis de la Russie et de la Chine préparent les esprits à de futurs conflits mondiaux au nom des valeurs de l’Occident. Mais les valeurs des bourgeois, c’est l’égoïsme, c’est de s’enrichir de la misère et du malheur des autres, c’est de laisser les migrants se noyer dans la Méditerranée. Leurs valeurs ne sont pas les nôtres !
Crise économique, dérèglement climatique, guerres à répétition, voilà tout ce que le capitalisme nous apporte. Aujourd’hui, les travailleuses et travailleurs du monde entier ont plus que jamais intérêt à s’unir pour y mettre un terme, pour mettre en place une société où les ressources seraient gérées de façon durable, où ni nourriture, ni logements, ni médicaments, ni aucun bien essentiel ne seraient plus des marchandises. Les capitalistes nous mènent à une catastrophe générale, le monde du travail est le seul à pouvoir l’éviter.

Turquie : Erdogan réélu, la crise continue

Il aura fallu deux tours de scrutin à Recep Tayyip Erdoğan pour être réélu pour la troisième fois, avec 52 % des voix exprimées, à la présidence de la Turquie. Avec un bilan économique et social catastrophique, la victoire était loin d’être assurée et le Raïs turc n’a pas lésiné sur les moyens. En regroupant autour de lui une alliance de droite nationaliste et islamiste, Erdoğan a plus que jamais mobilisé les moyens de l’État et multiplié les cadeaux. Il a monopolisé le temps d’antenne dans les médias à sa botte, à grands renforts de campagnes de désinformation grossière, de propagande religieuse et de discours haineux contre ses opposants. La répression s’est accentuée tout au long de la campagne électorale avec de nouvelles vagues d’arrestation de journalistes, de syndicalistes et de militants kurdes ou de gauche, soupçonnés comme d’habitude de terrorisme, et des milliers de poursuites pour insulte au président. L’opposition a été muselée par la censure des réseaux sociaux et des médias indépendants, l’interdiction d’envoi de sms aux électeurs et l’état d’urgence décrété dans les départements frappés par le terrible tremblement de terre du 6 février. Et si cela ne suffisait pas, les partisans de l’AKP et les « Loups gris » du MHP n’ont pas hésité à faire le coup de poings contre les militants et les électeurs de l’opposition, tant en Turquie qu’à l’étranger. Comme lors des précédentes élections, de multiples cas de fraudes ont été constatés avec un système bien rodé de bourrages d’urnes dans certains districts à forte présence militaire ou policière.
Malgré le rejet suscité par Erdoğan dans une grande partie de la population et les soutiens affichés par le parti kurde HDP et la plupart des partis de gauche, son principal rival, Kemal Kılıçdaroğlu, pouvait difficilement être une alternative pour les travailleurs et les classes populaires. A la tête d’une coalition disparate de sociaux-démocrates, de nationalistes, d’islamistes et de dissidents de l’AKP, le candidat kémaliste n’avait pour programme que la vague promesse d’un retour massif des investissements étrangers en échange d’une politique dictée par les marchés financiers. A la propagande militariste, antikurde et homophobe d’Erdoğan, Kılıçdaroğlu a répondu par une surenchère nationaliste et xénophobe en flattant les sentiments anti-réfugiés, comme si les travailleurs syriens étaient responsables de l’inflation ou de la faiblesse des salaires. Dans les régions kurdes où l’abstention était plus forte qu’ailleurs, on n’a pas non plus oublié que cette même opposition a systématiquement approuvé les crédits de guerre pour les interventions militaires en Syrie et en Irak.
Dès l’annonce de la victoire d’Erdogan, la livre turque, qui a déjà perdu plus de 90 % de sa valeur en dix ans, a connu une nouvelle chute pour franchir les 20 livres pour un dollar, appauvrissant un peu plus encore les Turcs. Avec une dette extérieure de 450 milliards de dollars, un déficit de 50 milliards de dollars, une inflation officiellement estimée à 43 % et un chômage à 22 %, la grande majorité d’entre eux ne se font guère d’illusions. D’autant qu’une fois les élections passées, Erdoğan et sa clique vont continuer à faire payer cette crise aux classes populaires. La politique de baisse des taux d’intérêt, tant décriée par les observateurs étrangers feignant la naïveté, n’a pour but que de favoriser les profits des exportateurs et du secteur touristique. Que cette politique aggrave l’érosion des salaires et des retraites d’une population déjà largement éprouvée, voilà bien le dernier souci des fondés de pouvoir de la classe capitaliste, qu’elle soit turque ou internationale !
La dernière manœuvre en date suffit à l’illustrer. Avant les élections, le gouvernement avait annoncé en grande pompe la gratuité du gaz pour tous les ménages pour une durée d’un mois. Cette mesure sert à présent de prétexte pour limiter l’augmentation des salaires et des retraites au prétexte d’une baisse artificielle de l’inflation ! Les travailleurs payeront deux fois ce généreux cadeau électoral : d’une part, via l’augmentation des taxes et impôts, et d’autre part, via un gel de leurs salaires. Les travailleurs devront dès maintenant se préparer à riposter sur leur terrain de classe. Ouvrir des perspectives révolutionnaires, face à ce régime d’exploitation et d’oppression, est une tâche urgente

Israël-Palestine : 75 ans d’une politique guerrière

Le 2 mai, un militant nationaliste palestinien est décédé dans une prison israélienne au terme de 86 jours de grève de la faim. Cette mort a ravivé la colère des habitants de Gaza et fourni, s’il en était besoin, un nouveau prétexte aux attaques meurtrières d’Israël, que le gouvernement de coalition droite-extrême droite qualifie de préventives.

Parmi les 4 900 détenus politiques palestiniens enfermés par Israël, plus de mille le sont au titre d’une « détention administrative », sans jugement, sans même une inculpation, sans possibilité de défense juridique. Khader Adnane, boulanger à Jénine, était de ceux-là. Militant se réclamant d’un groupe nationaliste concurrent du Hamas au pouvoir à Gaza, il connaissait les geôles israéliennes et n’en était pas à sa première grève de la faim pour obtenir que ses droits minimums soient respectés. Mais, traités avec « trop d’égards » selon le ministre de l’Intérieur d’extrême-droite Ben Gvir, les détenus palestiniens font partie des victimes des directives ultrarépressives récemment appliquées dans les prisons. Adnane n’a donc même pas été transféré à l’hôpital.

Avant un cessez-le-feu, forcément temporaire, conclu le 13 mai sous l’égide des autorités égyptiennes, il y a eu plusieurs jours d’escalade meurtrière. À des tirs de roquettes envoyées de Gaza après la mort d’Adnane a répondu le déclenchement, le 9 mai, de l’opération israélienne Bouclier et Flèches, consistant en des bombardements dits ciblés, à l’issue desquels Netanyahou, l’armée et la sécurité intérieure se félicitent d’avoir tué six militants palestiniens qu’ils considèrent comme des responsables de groupes armés. Ces frappes « propres » ont au passage tué également la famille et les voisins des militants visés, si bien que 34 personnes ont été tuées et 190 autres blessées. Mais il ne s’agit, selon le communiqué israélien, que de « victimes civiles inévitables dans l’environnement densément peuplé de Gaza » !
En effet, Gaza est surpeuplée, des milliers de réfugiés palestiniens y ayant trouvé abri depuis trois quarts de siècle. Ces faits coïncident d’ailleurs avec le 75e anniversaire de la naissance de l’État d’Israël le 14 mai 1948, sur un territoire qui était loin d’être un désert car peuplé de centaines de milliers de Palestiniens, agriculteurs, éleveurs, commerçants… Des centaines de milliers de Juifs qui avaient survécu à la barbarie nazie espéraient, pour la plupart, trouver en Israël un État pacifique, juste, animé d’intentions presque égalitaires, ainsi que certains aspects de la propagande sioniste le laissaient entendre.

En fait, la création d’Israël s’est faite sur la base de l’expulsion violente d’une partie de la population arabe palestinienne, celle dont les descendants vivent encore aujourd’hui dans les camps de réfugiés des pays voisins. L’État israélien s’est fait l’acteur du vol des terres palestiniennes et, en fait d’égalité des droits, a fait de ses habitants arabes des citoyens de seconde zone. Il a organisé l’occupation de la Cisjordanie et couvert sa colonisation par des colons conquérants et racistes. Leur extrémisme religieux et leur idéologie d’extrême-droite ont fini par prendre en otage la population juive israélienne elle-même, au point qu’elle manifeste maintenant toutes les semaines contre l’évolution autoritaire de cet État qui leur promettait la liberté.

Il n’y avait aucune raison pour qu’Arabes palestiniens et Juifs rescapés des camps ne puissent vivre ensemble. C’est toute l’orientation nationaliste, anti-arabe et pro-impérialiste qui a fait de l’État d’Israël un nouveau facteur d’oppression et l’acteur de guerres permanentes, dont souffre sa propre population. Pour la population arabe de Gaza, de Cisjordanie, de Jérusalem-Est, mais également pour la population arabe et juive d’Israël même, c’est un triste anniversaire que célèbre son gouvernement.

Russie-Ukraine : à la recherche de chair à canon

Alors que, dans le Donbass, des masses de soldats russes et ukrainiens sont envoyés depuis des mois au massacre pour un pan de mur, une cave ou quelques mètres de tranchées et que leurs dirigeants n’ont à la bouche que la préparation de « la » grande offensive ou contre-offensive de printemps en Ukraine, à l’arrière, les sergents recruteurs de tout poil battent le rappel de ceux qui, dans chaque camp, tentent d’échapper à l’abattoir.
Des chaînes de télévision et la presse ont montré, ces jours derniers, des jeunes et des moins jeunes qui en Ukraine refusent la conscription, se cachent pour y couper, résistent à la police militaire qui vient les embarquer et disent carrément qu’ils ne veulent pas aller à la mort. Ils le font souvent avec les mêmes mots, et dans la même langue, que leurs frères de destin, de l’autre côté de la frontière, en Russie.
Le phénomène s’est amplifié en Ukraine. L’enthousiasme patriotique des premiers temps, qui avait drainé un flot de volontaires vers les centres de recrutement, s’estompe et le flot des recrues se réduit. Mais surtout, la corruption des milieux militaires éclate en une succession de scandales que la presse ne parvient plus à cacher.
Ces dernières semaines, les réseaux sociaux, puis des médias ont donné le montant des pots-de-vin extorqués par les officiers à ceux qui veulent échapper à la conscription, être affectés d’emblée à un poste loin du front, être transférés dans une unité non combattante, etc. En clair, pour échapper à la mort et, pour les plus chanceux, à une blessure, ce sont des milliers d’euros qu’il faut trouver, 12 000 euros pour les meilleures planques, et même le double pour aller « légalement » se mettre à l’abri à l’étranger.
Les médias occidentaux ressassent le caractère démocratique, nouveau et quasi angélique de Zelensky et du pouvoir ukrainien. Mais parrainé, armé et financé par l’impérialisme américain et ses alliés de l’OTAN, il reste, au même titre que son homologue russe, un rejeton vénal, répressif et antipopulaire de ce qu’avait été la bureaucratie post-stalinienne.
À ceux qui se demanderaient pourquoi la mobilisation de printemps, n’a accouché de rien de tangible, bien que les tanks lourds allemands et anglais arrivent à la rescousse, Reznikov, le ministre ukrainien de la Défense, s’est voulu rassurant. L’armée, dit-il, fait face « tranquillement » à ses pertes et les compense « à un rythme calme et progressif ».
On ne sait qui ce langage pourra convaincre dans la population, en particulier parmi les futurs conscrits et leurs proches. En tout cas, les soutiens américains du régime ukrainien y voient, et ils le disent, un signe d’essoufflement des autorités civiles et militaires ukrainiennes à assurer la victoire du camp occidental avec la peau de leurs compatriotes.
Dans le camp d’en face, le pouvoir de Poutine n’a pas non plus la partie facile en matière de recrutement. Il vient donc de modifier la loi pour que les conscrits puissent officiellement aller en Ukraine – chose actuellement interdite, en principe. Il suffira qu’ils soient affectés, non pas à l’opération militaire spéciale selon la terminologie officielle qui refuse de parler de guerre, mais à des « forces de maintien de la paix », et qu’ils se portent volontaires pour aller « pacifier » l’Ukraine !
Autre nouveauté : alors que beaucoup de jeunes changeaient d’adresse ou quittaient leur emploi pour ne pas risquer de recevoir une convocation militaire à domicile ou au travail, ce qui est une pratique courante, cette convocation sera désormais doublée sous forme électronique. Les jeunes gens étant tous enregistrés sur un fichier électronique, sept jours après son envoi la convocation sera réputée avoir été reçue. Des sanctions sont prévues si le destinataire ne se présente pas au centre d’enrôlement.
Bien entendu, le Kremlin ne publie pas de chiffres sur les jeunes qui refusent de sacrifier leur vie sur l’autel de la Grande Russie, mais des informations transpirent sur les réseaux sociaux à ce sujet.
Il y a un mois, une vidéo a montré des soldats, mobilisés malgré eux, qui se présentaient comme des survivants d’un bataillon d’assaut, en expliquant qu’un tiers des effectifs de leur unité avaient été tués ou blessés depuis septembre. Mais d’autres témoignages aussi éclairants émanent de l’autre bord. Ainsi, le média russe Vot Tak a rapporté que, lors du procès de l’incendie criminel d’un centre d’enrôlement, un juge militaire du district central avait révélé que pas moins de 77 de ces centres avaient été incendiés en 2022.

Delhaize, une longue lutte !

Le 7 mars, la direction de Delhaize annonçait la vente des 128 magasins intégrés à des franchisés. Elle affirmait la main sur le cœur depuis des décennies la défense de la grande famille Delhaize…
Les actionnaires du groupe Ahold Delhaize, dont dépend la filiale belge Delhaize, ont engrangé 2 milliards d’euros en 2022 ! Ces derniers sont le produit du vol légal des milliers de travailleurs du groupe. Mais ce n’est pas assez pour eux ! Ces parasites aimeraient encore augmenter leurs marges bénéficiaires de plusieurs centaines de millions d’euros.
La vente sous franchise a pour but d’aggraver l’exploitation des 9200 travailleurs de l’entreprise en diminuant les avantages salariaux et en augmentant la charge de travail de tous. Là où il y avait une cinquantaine de travailleurs dans un Delhaize intégré, il n’y en aura plus que 20 ou 30 dans un magasin franchisé. Cela signifie la mise à la retraite des plus âgés, l’engagement de plus jeunes dans des conditions de travail dégradées. Le changement de commission paritaire n’est que la manifestation de cette aggravation de l’exploitation !
Quant aux petits patrons qui veulent acheter, ils n’ont fait que manifester leur contentement de participer à leur faible mesure à la curée proposée par Ahold Delhaize.
Les travailleurs ne sont pas restés passifs face à la nouvelle. Ils ont rapidement débrayé début mars, amenant la majorité des magasins à fermer. Plusieurs sont alors entrés en contact les uns avec les autres et se sont entraidés pour développer la grève. Certains se sont d’ailleurs rendus au dépôt central de Zellik pour convaincre leurs collègues de faire grève. Là où dans certains magasins, c’était plus difficile, ils se sont venus en aide. Nombreux sont ceux pour lesquels c’était la première grève et ils voulaient aller jusqu’au bout de la mobilisation.
Certains ont été discuté avec des travailleurs des magasins déjà franchisés, d’autres ont des anciens collègues dans les autres enseignes, dans les Aldi, les Lidl, les Colruyt, les Carrefour, etc. et ils les ont entendu exprimer les mêmes craintes et entendre sourdre la même colère.

La classe ouvrière a dans ses mains une force, celle du nombre et bien des ressources d’initiative. Or, la politique des directions syndicales est insuffisante. Depuis le début de la crise, elles ont proposé de négocier, se sont plaintes dans la presse, dénonçant mollement l’arbitraire patronal… Les seules actions qu’elles ont menées correspondait à leur volonté d’avoir un rapport de force pour négocier sans se soucier que les travailleurs produisent et contrôlent leur propre mouvement. Leurs actions se sont soldées par des échecs. Leur politique, au lieu de mener les travailleurs vers le développement de leur lutte, a seulement pour but de négocier avec un patron qui se moque bien de discuter avec des représentants syndicaux qui ne sont rien pour eux, tant que les travailleurs n’ont pas montré leur force.
Le patron a bien sûr utilisé tous les moyens légaux et il compte évidemment sur l’usure des travailleurs. Il a envoyé la police et les huissiers. Le 8 avril, il réussissait à rouvrir 19 magasins avec leur aide. Il restait 43 magasins fermés.
Si les travailleurs veulent faire faire machine arrière aux patrons, ils ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Les politiciens du PS eux ont fait des discours moraux à la direction, promis l’intervention d’un conciliateur social et proposé le vote d’une loi censé garantir les emplois malgré la franchise. Ces discours politiciens ne sont que des promesses qui n’ont pas pour but de s’opposer réellement à la direction de Delhaize. Ils proposent seulement de se substituer aux luttes des travailleurs pour mieux enterrer le mouvement de grève.
Pour faire reculer l’arbitraire des patrons, pour les obliger à déchirer leur acte de vente qui n’est qu’un chiffon de papier, il n’y a qu’une seule solution, étendre la grève, se baser sur l’énergie toujours renouvelée des milliers de travailleurs, que ces derniers se donne leur propre politique, leur faire confiance pour changer leur sort. Leur confiance en eux, c’est une confiance dans le monde du travail.
C’est seulement ainsi que la phrase de Marx prendra tout son sens : « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »