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Leur politique et la nôtre

Les élections législatives ont eu lieu le 19 mai dernier mais, à part à Bruxelles, aucun gouvernement n’a été mis en place. En Flandre, Bart de Wever et le N-VA ont longtemps discuté avec le Vlaams Belang avant de se tourner vers une coalition qui rassemblera probablement… les mêmes partis qu’avant. Est-ce que les discussions de la N-VA avec le Belang auraient pu aboutir ou n’avaient-elles comme objectif que de faire monter la pression sur les autres partis ? Cela restera sans doute un des secrets tordus des politiciens. Quoi qu’il en soit, la N-VA a contribué à légitimer les discours racistes de l’extrême droite.
En Wallonie, dans un premier temps, le PS a inclus le PTB dans les discussions, mais les deux partis semblaient plus à la recherche d’un prétexte pour ne pas gouverner ensemble. Le PS et Ecolo se complètent, même s’ils sont concurrents, tandis que le PTB marche sur les plates-bandes du PS et lui prend des voix dans son électorat traditionnel, les travailleurs et le milieu syndical. De son côté, le PTB n’est peut-être pas pressé d’aller dans un gouvernement où il devra faire trop de concessions et apparaître pour ce qu’il est, une sorte de PS de gauche, avec l’une ou l’autre mesure positive pour les couches populaires, mais rien qui pourrait fondamentalement changer leurs conditions d’existence. Sans le PTB, le PS et Ecolo n’ont plus de majorité et ont commencé à s’entremettre avec le MR. Les ennemis jurés d’hier seront les meilleurs amis demain.
Au niveau fédéral, la formation du gouvernement est dans les limbes. Reynders et Vande Lanotte se délectent de conciliabules secrets. Ça chuchote dans les alcôves, une spécialité de la politique belge.
En attendant, les rats quittent le navire. Charles Michel part au Conseil européen, Didier Reynders postule à la Commission européenne. Ces nominations donnent lieu à une foule de disputes et de commentaires. Nul besoin d’être un grand devin pour comprendre qu’il s’agit de tractations dans un jeu de chaises musicales politiques.
Des politiciens qui ne pensent qu’à leur carrière, des partis qui changent de discours selon leurs possibilités d’alliance, c’est le pain quotidien dans les coulisses du pouvoir de la société capitaliste. La bourgeoisie n’a rien de mieux à offrir que cette démocratie qui sent la naphtaline. Les travailleurs peuvent au mieux choisir qui les dirige, et encore ici ce n’est pas vraiment le cas, mais ils n’ont rien à dire sur le fonctionnement de l’économie. Cette démocratie est celle de la bourgeoisie qui jouit de la liberté d’exploiter tandis celle des travailleurs s’arrête à la porte des conseils d’administration. Le vrai pouvoir est dans les mains des actionnaires des grandes entreprises. Ces grands bourgeois décident de produire ce que bon leur semble en fonction des aléas du marché, quitte à empoisonner la population et la planète. Pour les capitalistes, les travailleurs ne sont qu’une variable d’ajustement, embauchés ou licenciés en fonction des perspectives de profits à deux chiffres.
Dans cette dictature de l’intérêt privé sur les besoins collectifs, les politiciens sont en charge de la continuité du pouvoir des capitalistes, les uns en berçant les travailleurs de promesses, les autres en les réprimant. La démocratie des bourgeois n’est qu’une sinistre farce.
A l’opposé, le communisme est une société dans laquelle la population laborieuse prend en charge l’organisation de la production dans son ensemble afin de satisfaire les besoins de tous. Dès lors, tous les moyens de production seront propriété de la collectivité.
Mais aucun parti de gouvernement, quel qu’il soit, ne va réaliser un tel changement car il exige d’exproprier le patronat et de mettre un terme au capitalisme. Seuls les travailleurs eux-mêmes, mobilisés et organisés peuvent le faire. Ils forment l’écrasante majorité de la population sur toute la planète. Une mobilisation d’une telle ampleur peut paraître aujourd’hui lointaine, mais ni plus ni moins qu’à la veille de tous les grands mouvements sociaux du passé. Les mobilisations récentes des gilets jaunes, des travailleurs algériens, des jeunes pour le climat, prouvent une fois de plus que l’appétit de profit des capitalistes ne peut qu’attiser la colère sociale. Mais ces mobilisations ont un goût d’inachevé. Par manque d’organisation et surtout d’objectifs clairs, elles finissent par s’épuiser, parfois se font dévoyer par des ennemis déguisés de la classe ouvrière.
Alors, s’il y a une chose que l’on peut faire dès maintenant, c’est se préparer aux prochaines explosions sociales pour qu’elles deviennent autant de coups de boutoir capables d’abattre le vieux monde. Car le capitalisme est frappé d’obsolescence.

Après les élections, la lutte continue

Un résultat des élections qui est rarement commenté : le nombre d’électeurs qui n’ont pas voté ou ont voté blanc.
Ils sont 1,4 millions, soit 17% des inscrits auxquels il faut ajouter tous les travailleurs qui n’ont même pas le droit de vote, ce qui fait encore 900 000 de plus ! Au total ce sont 25% des adultes en âge de voter qui n’ont pas pris part à ces élections. C’est plus que le score des socialistes et des libéraux réunis au niveau national ! Tous les chiffres officiels des pourcentages de votes « exprimés » occultent complètement cette partie de l’électorat.
Tous les partis qui ont participé au pouvoir à un quelconque niveau que ce soit ont été sanctionné par les électeurs. Les socialistes, les libéraux et les sociaux chrétiens perdent chacun des centaines de milliers de voix. Il y a quatre ans, les partis représentant ces grandes familles politiques, y compris la N-VA, totalisaient 77% des voix. Le 26 mai, ils ne représentaient plus que 61% des voix ! Ce résultat reflète le dégoût de la politique menée par les gouvernements nationaux et régionaux. Et même si le PS était dans l’opposition, cela n’a effacé ni les années de complicité dans la répression contre les chômeurs, ni les affaires dans lesquelles il a trempé jusqu’au cou.
Le désaveu des politiques anti-ouvrières menées ces dernières années s’est incontestablement exprimé par un vote massif pour les listes PTB qui ont obtenu au parlement plus de 8% des voix sur l’ensemble du pays. Le gouvernement a fait des mécontents même parmi la petite bourgeoisie, dont une partie a préféré voter écolo.
Un autre fait marquant a été la progression du parti flamand d’extrême droite, le Vlaams Belang, qui a récolté 800 000 voix. Ce parti donne avec la N-VA une majorité nationaliste de droite en Flandre tandis qu’au sud du pays ce sont les partis dits « de gauche » comme le PS, le PTB et Ecolo qui obtiennent la majorité. C’est ce qui a fait dire aux commentateurs politiques que la Belgique était coupée en deux et Bart de Wever en a tiré un argument supplémentaire pour justifier le séparatisme.
Or il y a au nord comme au sud du pays, à la fois des bourgeois qui votent en toute conscience pour la droite, pour l’Open VLD et le MR, la N-VA ou le VB, mais aussi des travailleurs qui s’inquiètent pour leur emploi, leur pension et l’avenir de leurs enfants et pour qui il est beaucoup moins évident de savoir pour qui voter.
Les travailleurs ne sont pas plus à droite en Flandre qu’à gauche en Wallonie. Mais l’expression du rejet de la politique du gouvernement par les couches populaires ne peut s’exprimer qu’à travers des partis existants. Du coup, il a pris en Flandre une coloration nationaliste, anti-immigrés et socialement rétrograde. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de régionalisme ou de racisme au sud du pays mais il n’y a pas aujourd’hui de parti important qui exprime ces idées de manière aussi ouverte. Dès lors, le mécontentement des travailleurs francophones s’est plutôt exprimé en votant sur des programmes qui expriment les préoccupations économiques ou sociales qui départagent le PS et le MR, et le rejet s’est exprimé par le vote PTB.
Prétendre que les travailleurs de telle ou telle région seraient plus à droite ou à gauche est une manière hypocrite d’entériner les discours régionalistes qui cherchent à les diviser. Au contraire, le problème du monde du travail aujourd’hui c’est surtout l’absence d’un parti communiste qui représente réellement les intérêts des travailleurs dans leurs luttes, quelles que soient leur langue ou leur origine.
Maintenant que la fièvre électorale est retombée, les partis sont passés aux habituelles négociations en vue de former des coalitions. Finis les grands discours, chacun met de l’eau dans son vin. Le PS a rangé la pension à 1500 euros au placard et envisage sereinement de former, pourquoi pas, un gouvernement avec le MR qui était pourtant hier encore l’ennemi à abattre.
Le MR, de son côté, ne verrait pas d’un mauvais œil une nouvelle alliance avec la N-VA et c’est pour cela qu’il renvoie dos-à-dos le Vlaams Belang et le PTB : en diabolisant tout le monde aujourd’hui, il rend plus « acceptables » les coalitions de demain.
L’annonce alarmiste d’un futur déficit de dix milliards par les informateurs chargés de déblayer le terrain pour la future coalition va servir à justifier de retirer des programmes des partis toutes leurs mesures tant soit peu sociales.
Les politiciens sont repartis pour leur train-train au service de la bourgeoisie. De leur côté les travailleurs doivent se préparer aux prochaines attaques et à défendre becs et ongles leurs emplois et leurs salaires.

Les élections du 26 mai

Le 26 mai, tous ceux qui ont le droit de vote en Belgique, ce qui est loin d’être le cas de tous les travailleurs, ont participé aux scrutins pour les élections législatives, régionales et européennes.
La question est toujours la même pour les travailleurs, que peuvent-ils en attendre ?
Les partis traditionnels ont tous déjà participé à l’un ou l’autre gouvernement, ils ont démontré maintes fois qu’au bout du compte, ils choisissent toujours les intérêts de la bourgeoisie, soit parce que c’est la classe sociale qu’ils défendent ouvertement, comme les libéraux, soit comme le PS, parce qu’ils sont foncièrement hostiles à toute idée de révolution sociale. Cette aversion à la révolution rend le PS bien incapable d’imposer à la bourgeoise de timides mesures quand bien même il s’agirait seulement de défaire les mauvais coups qu’il a lui-même portés à la classe ouvrière, comme le recul de l’âge de la pension ou les exclusions du chômage.
Il est des formations politiques, souvent plus petites qui n’ont jamais fait l’exercice du pouvoir. Peut-on leur faire crédit sur ce seul critère ? Le raisonnement a l’attrait de la simplicité mais fait preuve de cécité politique.
L’extrême droite n’est pas une alternative pour la classe ouvrière. Elle est, tout autant que les libéraux, au service de la grande bourgeoise qui la finance à l’occasion lorsqu’elle le juge nécessaire. Qui plus est, en désignant les travailleurs immigrés comme boucs émissaires, elle exonère les capitalistes de la misère sociale, divise et affaiblit la classe ouvrière.
Une partie des travailleurs sont tentés de voter pour le PTB. Selon les derniers sondages, aux alentours de 10% en Wallonie. Le PTB se présente comme « proche des gens ». Raoul Hedebouw a un air sympathique, il parle des problèmes des travailleurs et, sur les plateaux de télévision, il a de la répartie devant les politiciens bourgeois à l’air arrogant ou supérieur. Dans le passé, le PTB s’est réclamé du communisme, celui de Staline, qui n’est pas la figure de ce que le communisme représente de progressiste pour l’humanité. Mais enfin, il s’agissait tout de même d’un drapeau de la révolution sociale, si on n’était pas trop regardant. Aujourd’hui, ce sont surtout ses adversaires qui présentent le PTB comme communiste. Et si Hedebouw se dit toujours marxiste, il aime à dire que le socialiste Moureaux l’était également. La référence au communisme, elle, a disparu de leur programme depuis dix ans. Aujourd’hui, le programme du PTB contient des propositions comme la revendication du modèle KIWI sur les médicaments qui concernent l’ensemble de la population. Mais, il ne contient pas de mesures qui représentent les intérêts spécifiques de la classe ouvrière comme le feraient l’interdiction des licenciements et l’augmentation générale des salaires à 2000 euros afin de vivre décemment. Or, ce dont a cruellement besoin la classe ouvrière, c’est d’un parti qui représente ses intérêts politiques propres.
Selon le PTB, ses élus ne pourront défendre leurs mesures qu’avec l’aide de la rue. Qu’est-ce que cela signifie au juste ? Qu’il compte sur la FGTB pour organiser des manifestations ? Mais la FGTB le fait déjà. La direction du syndicat socialiste organise des journées d’action pour défendre les pensions mais elle entend bien en garder le contrôle et ne fait rien pour qu’elles soient un succès. Or, le PTB ne dit rien de cette bureaucratie à laquelle il laisse la prérogative d’organiser les luttes. Au contraire, il dit que ce n’est pas à lui de le faire, que ce n’est pas l’affaire d’un parti politique. Toute l’histoire du mouvement ouvrier montre le contraire. C’est lorsque les travailleurs avaient un parti communiste réellement révolutionnaire qui dirigeait les grèves qu’ils ont pu faire peur à la bourgeoisie, obtenir des avancées importantes et parfois prendre le pouvoir comme en Russie.
Que le PTB se taise sur cette question en dit long sur ce qu’il est au fond : un parti réformiste.
Alors, les travailleurs qui voteront pour le PTB exprimeront qu’ils ne font plus confiance au parti socialiste et qu’ils ne sont pas prêts à se laisser berner par la démagogie anti-immigrés. Et ils auront raison de ne pas écouter Di Rupo qui appelle à voter utile, à battre la droite en votant pour les socialistes. Néanmoins, toute attente vis-à-vis du PTB sera synonyme de déceptions. En leur temps, la gauche dite radicale de Grèce (Syriza) et d’Espagne (Podemos) a également suscité les mêmes illusions auprès des travailleurs qui leur ont apporté leur voix.
Il sera important de s’en souvenir plus tard, surtout si le PTB participe au pouvoir. Car la déception est le plus souvent compagne de la démoralisation. Or, la classe ouvrière a besoin de toute sa combativité pour défendre ses intérêts contre la bourgeoisie.

Les vaines promesses des partis ne remplaceront pas les luttes nécessaires

A l’approche des élections législatives du 26 mai 2019, les partis rivalisent de promesses. Tout le monde sait bien ce qu’elles valent, là n’est pas la question, mais elles révèlent les priorités des partis. Les questions qui comptent, ce sont évidemment celles du salaire, de l’emploi et du climat.
Cette année, tous les grands partis mettent en avant la question du pouvoir d’achat. Le MR et DeFi proposent une réduction linéaire des impôts sur le revenu. Le MR prétend que sa formule permettra d’augmenter les salaires de 1000 euros par an. On se demande bien pourquoi il ne l’a pas fait quand il était au pouvoir ! Mais surtout la réduction profitera proportionnellement plus à ceux qui en paient le plus, c’est-à-dire aux classes moyennes et supérieures. Les 1000 euros ne seront pas pour tout le monde !
Pour faire bonne mesure, Charles Michel prétend aussi que son programme permettra de créer 250 000 emplois, d’autres dans son parti se contentent d’un plus modeste 30 000. Mais certains se souviendront peut-être des 200 000 emplois promis par Guy Verhofstadt en 2003 et dont personne n’a jamais vu la couleur ! En outre, si c’est pour que ce soient des Flexi-jobs, non merci. D’ailleurs, le MR soutient aussi l’idée de rendre les allocations de chômage encore plus dégressives. Ce genre de mesures n’a jamais eu d’autre effet que de plonger des familles dans la misère car les racines du chômage sont dans les licenciements massifs auxquels se livrent les grandes entreprises.
Le PS, lui, annonce des mesures plus favorables aux bas salaires, en particulier la revalorisation des pensions à 1500€ bruts par mois. Il prétend augmenter le salaire minimum à 14€ bruts de l’heure mais il dit aussi que ce sont les partenaires sociaux et donc entre-autres le patronat qui doivent déterminer le montant du salaire minimal – on peut donc s’attendre à un enterrement de première classe. Ce n’est d’ailleurs pas le seul sujet sur lequel le PS promet tout et son contraire. Leur programme fait près de 800 pages et ne mentionne nulle part comment le PS va s’y prendre pour imposer son programme au patronat, ni comment il va arriver au plein emploi et passe sous silence la question de la dette publique qu’il a lui-même mise en avant pendant le gouvernement Di Rupo pour justifier l’austérité. Il se dit dorénavant « écosocialiste », histoire peut-être de se donner un coup de jeune mais il continue à utiliser les bonnes vieilles ficelles : promettre monts et merveilles aux couches populaires et ensuite négocier les miettes avec le patronat. Côté retraites, le PS propose de revenir à la pension à 65 ans avec le droit à la prépension à 60 ans.
Ecolo axe son programme sur le climat et la mobilité. Pour ce qui est du pouvoir d’achat, il partage avec le PS l’idée d’un salaire minimum à 14€ bruts mais ne donne pas plus d’idée sur comment il va imposer cette mesure. Ecolo veut aussi réduire l’impôt sur le revenu pour les petits salaires en le rendant plus progressif et en compensant le manque à gagner par la suppression de l’avantage lié aux véhicules de société et l’instauration d’un impôt de crise de 1% sur les grandes fortunes.
La question du pouvoir d’achat est revenue au centre du débat, probablement grâce au mouvement des gilets jaunes en Belgique et en France. Les partis sentent que la population ne va plus continuer à accepter l’austérité alors que la crise est passée et que les profits des entreprises et de la finance battent des records.
Mais on voit par ailleurs que tous les partis proposent essentiellement d’augmenter le pouvoir d’achat en diminuant les impôts. Certes, le PS et Ecolo proposent aussi d’augmenter le salaire minimum mais ils n’ont pas l’air d’y croire eux-mêmes quand on voit à quel point ils insistent plutôt sur les aspects fiscaux. Et c’est bien logique : augmenter les salaires exigera de s’affronter au grand patronat, et cela, aucun parti n’en parle. La proposition finira inévitablement aux oubliettes. En revanche, diminuer les impôts est à la portée d’un gouvernement, cela fait des années que les baisses de cotisations patronales et autres cadeaux fiscaux ont permis aux grandes entreprises d’augmenter les profits. Cela n’est donc pas très compliqué pour un gouvernement de donner l’impression de faire un geste aussi pour les revenus des travailleurs.
Quant à augmenter les impôts des plus riches, on demande à voir : Ecolo parle de supprimer les avantages liés à la voiture de société et, comme le PS, de « globaliser les revenus », c’est-à-dire d’imposer les revenus financiers et fonciers au même titre que les salaires. Il y a encore loin de la parole aux mots et, comme toutes les réformes fiscales, cela va prendre des années alors que les besoins de la population prise à la gorge par des années de quasi-blocage des salaires, eux, ne peuvent pas attendre.
Et puis, les baisses d’impôts, c’est un jeu à qui perd gagne : l’État disposera d’un budget plus maigre et cela se traduira une fois de plus par des coupes budgétaires dans les services publics utiles à la population, tels que l’enseignement, les transports ou les hôpitaux. Les travailleurs paieront donc un peu moins d’un côté mais recevront moins de l’autre, ou alors devront payer plus cher si certains services sont privatisés.
C’est le serpent qui se mord la queue : quand le CDH, par exemple, prétend financer son programme fiscal par la lutte contre la fraude fiscale, il faudrait déjà que la justice dispose des moyens nécessaires pour juger et condamner. Or, depuis des années, les effectifs sont en chute libre, il n’y a plus assez de magistrats spécialisés dans la finance et les fraudeurs identifiés s’en tirent sans poursuites ni jugement. Alors, les uns comme les autres promettent de donner les moyens à la justice, d’investir dans les transports et de libérer des fonds pour les technologies innovantes qui protègent le climat. Qui en veut encore ? Il y en aura pour tout le monde.
Au bout du compte, n’y a pas de magie : si l’impôt diminue, si les charges sociales diminuent, alors soit les dépenses diminuent, soit la dette publique augmente. Or, depuis des dizaines d’années de gouvernement CD&V, PS et MR, la dette de l’État a servi de prétexte pour bloquer les salaires et diminuer les budgets publics. Tout d’un coup, la dette ne serait plus un problème ? C’est évidemment faux ! La dette de l’État, ce n’est pas que la population aurait « vécu au-dessus de ses moyens », c’est le résultat des crises économiques créées par la spéculation des grands groupes industriels et financiers. Les gouvernements ont à chaque fois « sauvé » les entreprises et les banques de la faillite à coups de milliards. On se rappellera l’affaire Belfius lors de la crise de 2008, mais cela dure depuis les années 1970 ! Entre les crises, les gouvernements aggravent la situation en soutenant les profits des entreprises en réduisant leurs impôts et leurs charges sociales. Et c’est la population que les gouvernements dont payer au moyen de politiques d’austérité, de blocage des salaires et de coupes dans les budgets sociaux. Cela ne va pas changer parce que les partis politiques belges ont décidé de promettre des lendemains qui chantent.
On pourrait discuter pendant des pages de chaque mesure proposée par ces partis mais au bout du compte, il n’y a jamais rien pour les travailleurs dans aucun de ces programmes. La réalité c’est que le coût de la vie a augmenté de 8% en cinq ans de gouvernement MR-NVA, avec des salaires quasiment bloqués et au contraire des cadeaux en série aux entreprises.
Il serait parfaitement légitime d’exiger une augmentation des salaires, payés par les patrons. Personne ne veut l’imposer, car tous les partis restent dans la logique capitaliste de la loi du plus riche. Les 8 heures de travail, les congés payés, ont été obtenus par la lutte, quand les gouvernements, en 1921 ou en 1936 avaient peur que les révoltes des travailleurs finissent par un renversement du capitalisme. Aujourd’hui aucun parti, pas même le PTB, ne parle de mobiliser les travailleurs contre le capitalisme. Or l’appétit de profits des capitalistes fait que de simples choses comme un emploi avec un salaire décent, des soins de santé et l’enseignement gratuits, une pension correcte, sont remis sans-cesse en question et exigent justement de se mobiliser pour les défendre.
L’histoire a montré qu’il n’y a pas de raccourci et que les élections n’ont jamais changé le rapport de forces entre les travailleurs et le bourgeois, seule les luttes sociales pourront changer notre avenir.

Algérie, Soudan : des leçons et un avertissement pour les travailleurs

Depuis plusieurs semaines, en Algérie et au Soudan, la population est parvenue à ébranler les dictatures en place depuis des dizaines d’années, à force de mobilisations massives et déterminées.
En Algérie, après les manifestations qui ont commencé en février, la population a obtenu la démission de Bouteflika, qui était au pouvoir depuis vingt ans. Le nouveau gouvernement a promis la tenue d’un scrutin présidentiel le 4 juillet prochain. Il espère ainsi canaliser l’aspiration au changement exprimée par la population et faire élire un homme qui assurerait la continuité du régime.
Les manifestations qui viennent d’avoir lieu dans tout le pays le 12 avril montrent que la majorité de la population ne veut pas se contenter d’un ravalement de façade et refuse d’accorder la moindre confiance à ceux qui ont dirigé le pays avec Bouteflika en réprimant toute opposition.
Cette méfiance est d’autant plus justifiée qu’au-delà de la clique de privilégiés et d’affairistes qui accaparent le sommet de l’État, c’est tout l’appareil répressif de la dictature, à commencer par l’armée, qui reste en place. Et si pour le moment, l’état-major n’a pas fait le choix de réprimer les manifestations, ses dirigeants n’ont pas hésité dans le passé à faire tirer à de nombreuses reprises sur la population.
Au Soudan, depuis quatre mois, des manifestations se déroulaient contre le renchérissement des produits de première nécessité, comme le sucre et le pain, dont le prix avait été multiplié par trois. Malgré la répression, les manifestations ont continué de s’amplifier. Finalement, le 11 avril, l’armée a décidé de lâcher le dictateur en place depuis 30 ans, organisant un coup d’État pour mettre en place un « Conseil militaire de transition ».
Contre ce qu’ils dénonçaient comme « une photocopie du régime », des milliers de manifestants ont continué de descendre dans la rue, défiant le couvre-feu instauré par les nouvelles autorités et obligeant le chef du Conseil militaire à peine installé à démissionner. « En deux jours, nous avons renversé deux présidents » scandaient fièrement les manifestants soudanais.
Les travailleurs et les classes populaires qui se sont mobilisés massivement en Algérie et au Soudan contre la dictature ont toutes les raisons d’être fiers. Ils ont montré qu’en luttant collectivement et d’une façon déterminée, ils représentent une force énorme.
Mais ce qui se passe aussi bien en Algérie qu’au Soudan nous montre aussi que cette force ne peut être efficace qu’à condition d’être guidée par une politique qui se place du point de vue des intérêts de classe des exploités. Cela nécessite que les exploités se donnent une organisation représentant à la fois ces intérêts et une perspective pour l’ensemble de la société.
La grande bourgeoisie, les classes privilégiées, ont à leur disposition un arsenal politique et des forces de répression pour défendre leur domination. Ces serviteurs politiques ou militaires ont les moyens d’inventer une multitude de subterfuges pour tromper la majorité pauvre de la population et tenter de la conduire vers des voies de garage.
Et si ces subterfuges ne suffisent pas, ils feront appel à la répression. En Algérie, de façon encore un peu déguisée, au Soudan de façon brutale, c’est l’état-major de l’armée qui joue le rôle de centre dirigeant pour offrir une solution à la classe dirigeante.
Eh bien, la principale leçon à en tirer pour les classes exploitées, et avant tout pour le prolétariat, c’est qu’il faut qu’elles disposent d’organisations susceptibles de devenir un état-major face à ceux de la bourgeoisie, à commencer par un parti en lequel elles se reconnaissent et qui sache opposer aux choix politiques de la bourgeoisie une politique favorable aux masses populaires.
L’autre leçon, c’est que la classe privilégiée n’abandonne jamais sans combattre. « Qui a du fer a du pain » disait Blanqui, un grand révolutionnaire du 19ème siècle parlant de l’armement des classes opprimées. La répression du printemps Égyptien en 2011 montre bien le sort que réservent les oppresseurs à un peuple désarmé.
La lutte que mènent aujourd’hui les travailleurs en Algérie et au Soudan, c’est aussi la nôtre en Belgique, celle que nous avons à mener pour renverser le pouvoir politique et économique de la classe privilégiée et pour mettre fin à la mainmise du grand capital sur la vie de la société.

Plus dure sera la chute

La réponse des politiciens belges à la série impressionnante de mobilisations des jeunes et de manifestations nationales a été une nouvelle démonstration de leur médiocrité. Ils n’ont même pas été capables de se mettre d’accord sur la « Loi Climat » proposée par un groupe de scientifiques. Et pourtant, cette loi est tout sauf contraignante : elle propose de donner des objectifs communs et de mettre en place des commissions pour coordonner les initiatives au niveau national. Rien de bien révolutionnaire mais c’est déjà trop pour la NVA et le MR pour qui la liberté de faire des profits est plus importante que l’avenir de la planète. A la fin des fins, le MR, pour ne pas passer pour le mauvais élève climatique, a déclaré du bout des lèvres qu’il voterait en faveur du texte, mais seulement quand il a été certain qu’il n’y aurait de toute façon pas de majorité pour le voter au parlement.
Le patronat, par la voix de la FEB, s’est dit opposé à une loi, par crainte qu’elle puisse servir à condamner les entreprises polluantes pour leur inaction.
Qu’on ne s’y trompe pas : loi ou pas, ce n’est pas ça qui va changer les choses. Il est évident qu’aucun politicien de droite ou de gauche ne va prendre l’initiative de faire payer quoi que ce soit au patronat. Certes, les partis d’opposition voient là une occasion d’attirer les faveurs des jeunes électeurs à la veille des élections législatives et européennes, mais il est bien connu que les promesses électorales sont la première chose que les politiciens oublient au lendemain du vote.
Certains seront peut-être frappés de voir à quel point la classe politique semble sourde à toute forme de contestation alors même que des dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes ont manifesté à plusieurs reprises pour que des mesures urgentes soient prises afin de juguler la crise écologique que le mode de production actuel prépare inéluctablement.
En réalité, cette surdité est bien plus générale. En France, les gilets jaunes se mobilisent depuis plusieurs mois de façon déterminée et parfois violente, mais Macron félicite la police et refuse de changer sa politique antisociale. Au Royaume-Uni, plus d’un million de personnes ont manifesté contre le Brexit et plusieurs millions ont signé une pétition dans le même sens, mais la Première ministre May et ses acolytes maintiennent leur cap comme si de rien n’était. Et puis, combien de manifestations nationales n’ont-elles pas déjà eu lieu, sans que cela fasse reculer le gouvernement d’un millimètre sur les sauts d’index, les pensions, etc.
En réalité, dans un monde capitaliste, la voix des milliards de travailleuses et travailleurs qui font tourner l‘économie ne compte pas. Il est inutile d’espérer qu’un vote, une pétition ou un « référendum d’initiative populaire » fasse dévier d’un iota la machine à profits.
Ce serait une illusion de croire que les politiciens ne « comprennent » pas et que les mobilisations pourraient servir à leur faire prendre conscience de l’urgence climatique ou de l’injustice de la pension à 67 ans. La classe politique est parfaitement informée, chaque gouvernement et chaque parti disposent d’une armée d’experts pour les informer sur la situation économique, écologie ou sociale.
Le capitalisme est basé sur l’exploitation des travailleurs par le patronat. C’est une dictature économique que les plus riches imposent au reste du monde : travailler pour eux ou crever de faim. Cette dictature utilise l’apparence de la démocratie pour donner l’illusion que travailleurs et patrons seraient égaux dans un monde régi par des lois et un gouvernement au-dessus de la mêlée. Les politiciens perpétuent cette illusion. Les uns, les libéraux veulent faire croire que la richesse des entreprises va rejaillir sur les travailleurs, les autres, les socialistes, prétendent qu’on peut arrondir les angles et obtenir des compromis. Les uns comme les autres cherchent surtout à endormir les travailleurs pour que le patronat puisse continuer à engranger tranquillement ses profits.
Mais ces discours ne changent pas la réalité : la richesse et le pouvoir du patronat dépendent au bout du compte de la pauvreté et de la précarité des travailleurs. Bourgeois contre prolétaires, cela n’a pas changé depuis deux siècles.
On ne peut attendre des gouvernements ni compréhension vis-à-vis de la situation sociale des travailleurs, ni qu’ils forcent les entreprises à consommer des énergies renouvelables ou à retraiter leurs déchets à leurs propres frais.
Les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Leur force, c’est leur nombre et leur rôle central dans l’économie. Seules des grèves massives pourront faire reculer patrons et gouvernements, et imposer de meilleurs salaires tout comme des mesures pour le climat.

Algérie : la contestation populaire met le régime en crise

En Algérie, l’immense mobilisation de la population a finalement eu raison du président Bouteflika, qui a remis sa démission le 2 avril. C’est le résultat de l’énorme pression qu’exerce le peuple algérien depuis plus d’un mois mais aussi des pressions d’une partie de l’armée qui, depuis plusieurs jours, demandait que Bouteflika laisse la place.
Le retournement de veste du chef de l’armée, Gaïd Salah, en faveur de la démission de Bouteflika est apparue aux yeux du peuple algérien pour ce qu’elle est : une énième tentative de sauver le système. Très en colère et conscients que leur nombre serait décisif, c’est par millions que, vendredi 29 mars, les Algériens sont descendus dans la rue pour crier : « Gaïd Salah, toi aussi dégage ! ». Les opposants qui avaient collaboré avec le pouvoir étaient aussi la cible des manifestants : « Ce n’est pas aux corrompus d’organiser les élections ».
Des manifestations ont eu lieu dans toutes les villes du pays, même dans des petites localités, réunissant toutes les générations, des travailleurs, des femmes en nombre, des familles et de nombreux enfants, fiers et heureux d’être aussi nombreux.
La liste des entreprises en grève est longue : automobile, textile, alimentation, emballage, tous les secteurs sont touchés. Dans le secteur privé où la précarité est la règle, les pressions patronales sont plus fortes. Malgré tout, les travailleurs de LU, par exemple, se sont eux aussi mis en grève, en dépit des menaces du patron français de licencier les meneurs.
Les travailleurs, les classes populaires des villes et des campagnes, fiers de leur mouvement, soucieux de le préserver et de le faire aller de l’avant, expriment de l’hostilité et de la méfiance vis-à-vis de tous ceux qui veulent parler en leur nom. Cette méfiance est plus que légitime. Un véritable changement de système ne pourra venir que d’eux.

Brexit : La ronde des démagogues

Un million de Britanniques environ ont manifesté samedi 23 mars contre le Brexit, lors d’une des marches les plus massives que le pays ait connues. Le Parlement se déchire depuis des mois pour savoir s’il doit ratifier l’accord négocié avec l’Union européenne (UE). Et nul ne sait si et quand le Brexit aura lieu, ni quelles en seront les conséquences.
Il est d’ores et déjà manifeste que, pour les travailleurs britanniques, le bilan n’est pas celui que promettaient les démagogues. Le pays, disaient-ils, retrouverait sa souveraineté. À les entendre, l’argent donné à l’UE serait désormais utilisé pour améliorer le service de santé, et le niveau de vie progresserait. Trois ans après, l’avenir radieux promis par les marchands d’illusions s’est transformé en cauchemar.
Les économies des différents pays européens sont maintenant entremêlées et, une fois qu’on a fait une omelette, on ne reconstitue pas aisément les œufs. Chaque bien manufacturé est fabriqué dans plusieurs pays. Par exemple, dans l’automobile britannique, la majorité des pièces traversent plusieurs fois la Manche avant d’être assemblées, pour des voitures souvent vendues… sur le continent européen. Avec le Brexit, les multinationales réorganisent leur production à l’échelle européenne et des dizaines de milliers de suppressions d’emplois sont programmées. Alors que plus de 10 000 camions franchissent la Manche chaque jour, rétablir des contrôles douaniers serait lourd de conséquences. Aussi les Britanniques font déjà des stocks de médicaments, qui viennent aux trois quarts du continent, et pour lesquels, comme dans le cas de l’insuline, des retards d’acheminement peuvent être dramatiques.
Les partisans du Brexit dénonçaient l’immigration européenne. Mais, comme ici, de nombreux secteurs, du bâtiment à l’agriculture, des hôpitaux à la restauration, seraient incapables de fonctionner sans les immigrés. En opposant les Britanniques aux étrangers, en renforçant le racisme et la xénophobie, le Brexit a divisé les travailleurs et les a donc affaiblis face aux capitalistes.
En Irlande du Nord, longtemps ravagée par une guerre civile, le rétablissement d’une frontière avec la République d’Irlande, au sud, menace de rouvrir des plaies encore à vif.
En 2016, de nombreux Britanniques ont été abusés par les politiciens favorables au Brexit qui s’avère tourner à la catastrophe pour eux. Cela n’empêche pas des politiciens de continuer à défendre le même genre d’idées en Italie, en Hongrie ou en France.
Bien sûr, l’Union européenne n’a pas été construite pour les peuples. Tout y a été fait pour les capitaux et la finance. Les grandes banques et les multinationales d’Europe de l’Ouest ont maintenant accès à un vaste marché de plus de 500 millions d’habitants. Les pays les plus riches ont assis leur domination économique sur les pays les plus pauvres. Et c’est cette unification capitaliste que défendent les partis pro-européens.
L’UE n’a pas unifié les peuples. Elle n’a pas harmonisé les droits des salariés. Aujourd’hui, en Europe de l’Est, le salaire minimum reste partout inférieur à 500 euros. La Grèce, l’Espagne et le Portugal ont été ravagés par le chômage. Même les droits des femmes n’ont pas bénéficié de la construction européenne. Les Irlandaises ont dû se battre pour le droit à l’avortement, qu’elles n’ont obtenu que tout récemment, et les Maltaises et les Polonaises en sont privées.
Alors, le bilan de l’UE n’est certes pas glorieux. Mais celui des différents États nationaux n’est pas meilleur ! Les attaques contre le monde du travail ont été décidées par les gouvernements de chaque pays.
À l’approche des élections européennes, les pro et anti-UE s’affrontent. C’est une mise en scène et un faux combat. Le gouvernement de Salvini veut obliger les chômeurs à accepter n’importe quel emploi, tout comme Macron le fait avec ses décrets anti-chômeurs et Michel avec ses Flexi-jobs.
En réalité, la seule opposition qui compte, c’est celle entre les travailleurs et le grand capital. Quelle que soit leur nationalité, les travailleurs d’Europe, les travailleurs du monde ont les mêmes intérêts : défendre leur emploi, leur salaire et leur pension ; contrôler l’économie afin qu’elle fonctionne pour le bien de tous.

Clabecq : Bilan d’une lutte

Le travail a progressivement repris à l’usine sidérurgique de NLMK-Clabecq, après près de sept semaines de grève.
Tout a commencé le 17 janvier, quand la direction a annoncé un plan de restructuration : licenciement de la moitié du personnel – soit 290 travailleurs – gel des salaires pendant trois ans, révision des primes à la baisse, augmentation de la polyvalence et de la flexibilité.
Les ouvriers sont immédiatement partis en grève, fermant les grilles de l’usine et installant un piquet bloquant tandis que les directeurs s’enfuyaient peureusement à pied par des chemins dérobés.
Personne ne se doutait alors que le mouvement allait durer aussi longtemps.
Il est rapidement apparu que la direction russe de l’usine voulait utiliser la manière forte, refusant de négocier quoique ce soit avec la délégation syndicale. Mais il est aussi devenu très vite évident que la délégation menait la lutte avec des pieds de plomb. Elle n’a organisé aucune assemblée générale. Pendant des semaines, les discussions avec le patron se sont tenues dans le plus grand secret et les ouvriers, maintenus dans une attente permanente et usante, ne recevaient des informations qu’au compte-goutte.
La seule initiative des délégués a été, à partir du 11 février, de faire bloquer les sorties de camions sur les autres sites de NLMK, à Manage et La Louvière que la direction a fait lever avec les huissiers et des auto-pompes. Mais ils n’ont pas fait en sorte que les ouvriers des différents sites entrent en contact. Au contraire, selon eux, il ne fallait surtout pas demander la solidarité des ouvriers de La Louvière puisque lors du dernier conflit à La Louvière, les ouvriers de Clabecq leur ont tourné le dos. Voilà une morale qui fait bien l’affaire des patrons ! Et puis, ce sont des choix qu’ont fait les délégations des usines sans jamais demander l’avis des ouvriers. Or, ce qui inquiète vraiment le patronat, ce ne sont pas tant les blocages de camions, que de voir les travailleurs des différentes usines s’unir et prendre conscience de la force énorme qu’ils constituent
Cherchant une issue, des ouvriers ont pris l’initiative d’appeler à une manifestation le 18 février à Tubize. Les délégués ne s’y sont pas opposé mais n’ont rien fait pour que ce soit un succès. Il y a quand même eu plus de 200 travailleurs. De retour à l’usine, certains ouvriers voulaient continuer, d’autres aller à La Louvière,
mais aucune direction claire n’est venue des délégués. Ils se sont contentés de remercier les ouvriers d’être venus…Pendant ce temps, la direction a organisé un référendum pour la reprise du travail que la plupart des ouvriers ont spontanément boycotté.
En fin de compte, fatigués d’attendre, les ouvriers ont commencé à s’organiser eux-mêmes, en commençant par une assemblée générale, le vendredi 8 mars, suivie d’une autre le dimanche suivant. Ils avaient là, enfin, la possibilité de s’exprimer, de faire des plans, d’établir leurs revendications et surtout de décider eux-mêmes de la suite à donner à leur mouvement.
Malheureusement, dès le lundi, la direction a fait donner la police pour évacuer l’usine. Les ouvriers ont déplacé le piquet de l’autre côté de la rue, mais là c’est le bourgmestre qui les a délogés.
Au même moment, les grévistes ont reçu un mail de la part des délégués qui leur « conseillait » de répondre positivement aux convocations de la direction pour reprendre le travail. Ils n’ont même pas osé venir se présenter devant les ouvriers !
Au cours des restructurations, bien des travailleurs ont eux aussi vécu cette attente épuisante, sans informations, sans assemblées, pendant que les délégués discutaient en secret avec la direction de leur entreprise. Ils peuvent comprendre l’importance du pas en avant qui a été fait par les ouvriers de Clabecq lorsqu’ils ont décidé d’organiser eux-mêmes leur propre assemblée de grévistes.
Aujourd’hui, la grève a cessé, les salaires sont payés mais le travail n’a pas encore repris. La direction a reculé sur le blocage des salaires et les primes sont maintenues jusqu’en 2020. Bien sûr, beaucoup d’ouvriers sont amers et en colère de s’être battus comme des beaux diables pendant si longtemps sans savoir dans quelle direction se tourner. Néanmoins, c’est quand ils ont commencé à s’organiser que la direction à fait un pas en arrière. Et cette expérience-là, les ouvriers de Clabecq ne sont pas prêts de l’oublier. Rien n’a changé concernant les licenciements, mais rien n’est terminé.
Cette grève à Clabecq nous rappelle que les travailleurs peuvent s’organiser par eux-mêmes et cesser d’attendre que d’autres les défendent à leur place. Elle montre aussi l’urgence qu’il y a de s’organiser pour ne plus être pris au dépourvu et pour être prêts à rendre coup sur coup au patronat.

Marre des miettes ! Défendons les intérêts des travailleurs

Comme tous les deux ans, patronat, gouvernement et syndicats négocient un accord interprofessionnel qui va fixer les augmentations de salaires maximales.
Et comme à chaque fois on assiste à une bataille de chiffres entre les uns et les autres. Maximum 0,8% selon les patrons, au moins 1 ou 1,5% selon les syndicats. Dans les deux cas, c’est bien insuffisant.

Le dernier rapport d’Oxfam sur la richesse colossale d’une infime minorité d’ultra-riches a remis en lumière l’immensité des inégalités sociales, partout sur la planète. Quand il y a autant de richesses accumulées, quel sens cela a-t-il que des ouvriers, des employés ou des pensionnés, qui travaillent, qui ont travaillé toute leur vie n’arrivent pas à vivre décemment ? Pourquoi vouloir acculer encore plus les chômeurs à la misère, alors que les entreprises qui les ont licenciés continuent à faire des profits ? Quel avenir pour les jeunes, condamnés à être flexibles, à accepter des salaires ridicules où à rejoindre eux-aussi les rangs des chômeurs ?
Tout cela au nom de la productivité des entreprises ! Uniquement parce que la richesse des actionnaires dépend de chaque centime dont ils privent les salariés. C’est la loi de l’économie capitaliste que Marx a dénoncée il y a déjà plus de cent cinquante ans et que les travailleurs subissent tous les jours : les capitalistes s’enrichissent avant tout en ne payant pas aux travailleurs la vraie valeur de leur travail. Plus les salaires baissent, plus les profits augmentent.
Le capitalisme se nourrit de l’injustice.
C’est dans sa logique même de réduire les salaires le plus possible et payer le moins d’impôts possible et de faire ainsi peser le poids de la société sur le reste de la population, cette immense majorité qui n’a justement pas de moyens. Le rôle des gouvernements est uniquement de gérer cette injustice sociale profonde, de maintenir les salaires bas par des lois sur la compétitivité, de réduire les services publics à peau de chagrin, laissant aux travailleurs des écoles délabrées, des hôpitaux en sous-effectifs et des trains en retard.
Le gouvernement se pose en arbitre, mais c’est un arbitre corrompu : tous les partis défendent ouvertement le patronat. Le MR qui nous éreinte avec ses flexi jobs et la pension à 67 ans, la N-VA qui veut en finir avec l’indexation des salaires, l’Open VLD qui veut limiter encore plus les allocations de chômage dans le temps, le CD&V qui refuse de toucher à cette fameuse loi sur la compétitivité, etc.
Encore et toujours, les partis politiques répètent que la santé de l’économie exige encore et toujours plus de sacrifices de la part des travailleurs. Mais ce n’est évidemment que de la santé des profits patronaux dont ils se préoccupent.
Dans le contexte des négociations de cet accord interprofessionnel, les syndicats ont appelé à une grève nationale le 13 février et elle a été massivement suivie. Il faut que le patronat se rende compte que le monde du travail ne se laissera plus faire et qu’il n’a pas d’autre choix que d’augmenter sérieusement les salaires, les pensions et les allocations.
Les directions syndicales se sont réjouies d’avoir obtenu 1,1% au lieu des misérables 0,8% proposés par le patronat, mais ce n’est pas une victoire pour autant. Ce ne sont pas 10 euros par mois de plus qui vont réellement changer le sort des familles populaires. En réalité, il faudrait au moins 300 à 400 euros d’augmentation par mois pour compenser des années de perte d’un pouvoir d’achat, amputé par les sauts d’index et les statistiques truquées.
Quoi qu’on obtienne, il faudra plus qu’un jour de grève pour y arriver.
Les attaques patronales se succèdent, mais il y a aussi des réactions. Le mouvement des Gilets Jaunes, les manifestations des Jeunes pour le Climat montrent que nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus accepter le mélange de misère et de catastrophes écologiques que le capitalisme nous propose comme avenir.
La grève du 13 février pourrait être un point de départ pour mobiliser d’autres couches du monde du travail. Plus il y aura de telles mobilisations, plus les travailleurs se rendront compte de la force réelle qu’ils représentent, plus il sera possible de faire plier la bourgeoisie et voire même à terme contester son pouvoir sur la société.