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Après la grève, préparons la suite !

La grève nationale du 29 mars dernier a été extrêmement bien suivie. Dans les transports en commun, la Stib, De Lijn et les TEC étaient quasiment à l’arrêt. A la SNCB, seule une partie des trains circulait. La grande distribution, les services et l’industrie étaient quasi-complètement fermés.

Ce n’était pas évident de s’en rendre compte car la grève n’a pas été très visible : sous prétexte de Covid, les piquets étaient limités à quatre personnes et il n’y a eu ni rassemblements ni manifestations. Il est regrettable que les syndicats aient été dans ce sens, appelant les travailleurs à rester chez eux plutôt qu’à se retrouver aux piquets, pour discuter des revendications, des actions et renforcer la solidarité entre travailleurs. 

Malgré tout, la réussite de la grève montre que les travailleurs sont nombreux à être fâchés, contre le patronat et contre le gouvernement. Ceux-ci avaient pourtant tout fait pour démobiliser, accusant les grévistes de mettre en danger la future reprise économique. Une reprise bien théorique et qui, si on les laisse faire, ne profitera de toute façon qu’aux plus riches.

Alors, oui, les travailleurs ont raison d’être en colère car le refus patronal d’augmenter les salaires de plus que 0,4 misérables pourcents prend une dimension particulière en ces temps de pandémie.

La « loi de compétitivité » derrière laquelle le patronat et le gouvernement se retranchent pour refuser les augmentations date de 1996 et elle a été durcie en 2017. Elle prétend interdire les augmentations de salaires supérieures à la moyenne des pays voisins. C’est ainsi que les travailleurs de France, de Belgique ou d’Allemagne se voient opposer le même argument : impossible de vous augmenter car vous êtes déjà plus chers que vos camarades. Cela va évidemment toujours dans le même sens, celui de bloquer les salaires en mettant en concurrence les travailleurs des différents pays.

 C’est une loi absolument injuste, comme toutes les lois de ce régime de pseudo-démocratie bourgeoise. Il n’y a aucune règle qui limite les profits des patrons ou qui les empêche de se verser des dividendes pharaoniques ! Mais comme toutes les lois que font les politiciens au service des bourgeois, elle peut être défaite pour peu qu’ils trouvent face à eux une mobilisation de l’ensemble des travailleurs.

Cette fois-ci, le mécontentement des travailleurs n’est pas seulement dirigé contre l’avarice patronale, mais aussi contre la manière dont le gouvernement a géré la pandémie.

Il est évident que le poids des mesures ne pèse pas de la même manière sur toutes les épaules. Les travailleurs ont plus souvent été confinés dans un petit appartement que dans une villa quatre façades avec jardin ! Les entreprises de la grande distribution ont continué à fonctionner et engranger des profits tandis que leurs salariés n’avaient même pas de mesures de protection adéquates. Bien des travailleurs se retrouvés au chômage économique avec un salaire amputé, voire pas de salaire du tout pour ceux qui devaient se débrouiller au noir. Les patrons, eux, ont reçu des aides financières et vont bientôt être arrosés par les milliards d’euros du plan européen de relance, plan que les travailleurs paient de leurs impôts ! 

Depuis lors, les différentes branches patronales, de l’industrie et du commerce, font des pieds et des mains pour rouvrir, se moquant bien de ce qui arrivera à ceux qui attraperont le virus dans leurs magasins. Mais dans la presse, ce sont eux qu’on plaint et ce sont eux qui ont un relais au gouvernement, en particulier via le MR.

L’hypocrisie a été à son sommet ce mois-ci, lorsque le gouvernement a annulé la possibilité de se réunir en extérieur à plus de quatre personnes, tandis qu’il restait possible de s’entasser dans les transports en commun. Le nombre de voyageurs dans les trains est limité pour aller à la mer, mais pas pour venir travailler !

 « L’équipe des onze millions » ce sont des mots, la réalité c’est que même la gestion de la pandémie est imprégnée par la lutte des classes.

Tout le monde en a assez des restrictions, mais la solution n’est pas dans les mesures individualistes : rouvrir restaurants et commerces, se réunir pour faire la fête au bois, quitte à relancer l’épidémie. La classe ouvrière n’a jamais progressé de cette manière mais à travers des actions collectives et solidaires. C’est la différence entre les bourgeois et les prolétaires, les premiers prônent l’individu et se moquent des dégâts sociaux, sanitaires ou écologiques causés par leurs profits tandis que les travailleurs savent qu’ils ne peuvent s’en sortir que tous ensemble.

La réussite de la grève doit nous encourager à renforcer la mobilisation. Patronat et gouvernement attendent de voir la suite pour serrer la vis ou céder du terrain.  La balle est dans le camp des travailleurs.

De la Commune de 1871 à aujourd’hui : la même guerre de classes

Il y a 150 ans, le 18 mars 1871, le petit peuple parisien s’insurgeait et proclamait la Commune. Pour ceux qui ne se résignent pas à la domination de la bourgeoisie, c’est, encore aujourd’hui, un fait extraordinaire et enthousiasmant.

La Commune de Paris a été, en France, le premier et le seul pouvoir ouvrier. Du 18 mars au 28 mai 1871, pendant 72 jours, le peuple ouvrier, artisan et boutiquier de Paris – on dirait aujourd’hui le monde du travail – s’est gouverné lui-même.

La bourgeoisie prétend toujours être la seule classe capable de diriger. La Commune a prouvé que les classes laborieuses, les petites gens, n’avaient pas besoin de rois, de politiciens, de chefs ou de patrons pour organiser la vie sociale. Elle a fait ce qu’aucun gouvernement bourgeois n’a jamais fait et ne fera jamais : elle a dirigé la société pour qu’elle réponde aux besoins du plus grand nombre.

En septembre 1870, la France connut une formidable ébullition politique suite à la défaite contre l’armée prussienne, à la chute de Napoléon III et à la proclamation de la République. Les assemblées et les clubs s’étaient multipliés un peu partout. Et surtout, à Paris, le peuple ouvrier s’était armé et organisé au sein des bataillons de la garde nationale pour se défendre.

Pour le gouvernement républicain bourgeois, c’était la menace d’une révolution ouvrière qu’il fallait tuer dans l’œuf. Lorsqu’il tenta de le faire, le 18 mars 1871, en enlevant les canons gardés dans les quartiers populaires, il déclencha l’insurrection.

Le peuple de Paris organisa alors son propre gouvernement : la Commune. Il choisit des responsables issus de ses rangs, des ouvriers et des militants connus pour leur dévouement aux travailleurs. Aux finances, un ouvrier relieur, Eugène Varlin ; à la commission du travail, Léo Frankel, un ouvrier bijoutier hongrois…

C’en était fini des privilèges, des sinécures et des passe-droits ! Membres de la Commune, chefs de bataillons, fonctionnaires municipaux… tous les responsables étaient élus. Ils trouvaient tout naturel d’être rétribués comme les ouvriers qualifiés, naturel aussi de rendre des comptes. Ils ne s’enfermaient pas dans les palais dorés de la République comme cela se fait aujourd’hui, ils vivaient parmi la population et ils étaient ainsi contrôlés et révocables à tout moment.

Le peuple faisait confiance à ses élus, mais surtout, les élus faisaient confiance au peuple et s’appuyaient sur son action. Associations de quartier, syndicats, coopératives… mille et une initiatives étaient prises pour régler les problèmes des classes laborieuses, et nombre de femmes, comme l’institutrice Louise Michel ou l’ouvrière Victorine Brocher, y tinrent les premiers rôles.

Il fallait nourrir de toute urgence la population ? Des cantines collectives furent mises sur pied. Il fallait donner un toit à des milliers de familles ? Les Communards décidèrent un moratoire sur les loyers et réquisitionnèrent les logements vacants. Il n’y avait plus de travail ? Ils chargèrent les associations ouvrières de faire tourner les ateliers abandonnés. Il fallait éduquer les enfants ? Les églises furent réquisitionnées et transformées en écoles, des volontaires sollicités…

Le petit peuple de Paris pouvait compter sur un gouvernement qui prenait fait et cause pour le locataire contre le propriétaire, pour l’ouvrier contre le capitaliste, pour le pauvre contre le riche.

Une telle démonstration était intolérable pour la bourgeoisie. Le gouvernement de Thiers écrasa la Commune, fusillant sans autre forme de procès quelque 20 000 Communards.

Aujourd’hui, la société fonctionne à l’inverse des principes de la Commune : le gouvernement dirige au service exclusif d’une minorité richissime, pour les profits et la propriété privée de cette poignée de parasites. C’est ce qui rend la société incapable de trouver les solutions aux maux dramatiques qu’elle génère : le chômage, les crises économiques ou la crise écologique.

C’est ce qui fait que, dans cette pandémie, aucun gouvernement ne veut transformer les vaccins en biens communs de l’humanité, ni réquisitionner les usines et les laboratoires pour les produire en masse. C’est ce qui rend les pouvoirs publics incapables de réquisitionner les logements vacants et, à plus forte raison, d’exproprier les capitalistes qui ferment des usines et transforment des régions entières en déserts industriels.Non, la Commune n’appartient pas au passé. Elle nous rappelle qu’un autre monde est possible, que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

Unis et organisés, les travailleurs peuvent abattre le capitalisme

Il est impossible de ne pas voir que la crise sanitaire se double déjà d’une crise économique et sociale, dont le pire reste peut-être à venir. Tandis que le gouverne-ment ouvre largement sa bourse aux organisations pa-tronales qui se plaignent haut et fort, des millions de travailleurs subissent la crise sans aucun soutien : ceux qui ont perdu leur emploi ou qui doivent survivre au chômage partiel ou économique, les intérimaires ou les travailleurs au noir qui n’ont plus rien et ne peuvent même pas prétendre à une allocation, etc. Les chiffres du chômage augmentent, de même que la pauvreté et les files devant les banques alimentaires.
Avoir un emploi n’a jamais réellement protégé de la pauvreté ; aujourd’hui, c’est clair. Quant à la santé des travailleurs, la manière dont cette crise a été gérée a bien montré que c’était le cadet des soucis du gouvernement comme du patronat.
Il faudrait être naïf pour espérer qu’ils fassent quoi que ce soit pour limiter la casse sociale – au contraire, leur intention est de maintenir le blocage des salaires en 2021.
La nourriture, l’énergie, les médicaments pourraient être accessibles à tous mais leur production dépend des profits qu’ils peuvent en tirer et pas des besoins de la population, quitte à laisser les épidémies se répandre.
En plus de traiter les humains comme des marchan-dises, le capitalisme a créé une course effrénée aux pro-fits où celui qui en fera le plus pourra éliminer ou ra-cheter ses concurrents. C’est cette fuite en avant qui a gonflé la finance, créé des bulles boursières et qui a été la cause de toutes les crises économiques. Les capita-listes cherchent à y échapper en créant de nouveaux produits, en ouvrant de nouveaux marchés, en utilisant les jeux financiers. Mais la crise les rattrape toujours et alors, avec la complicité des États, ils la font à chaque fois payer aux travailleurs – ici par des plans d’austérité, ailleurs par des guerres.
Les gouvernements se présentent comme des protec-teurs face aux crises. Mais, évidemment, ils sont com-plices. La démocratie actuelle n’est qu’un mot creux. La puissance réelle, économique, est aux mains des capita-listes, l’État n’est là que pour organiser les affaires pu-bliques. Il n’est pas un arbitre au-dessus de la mêlée mais le concierge des capitalistes.
Les socialistes, censés défendre les travailleurs, les ont menés dans une impasse. Sous prétexte de chercher une voie pacifique, ils leur ont demandé de faire des concessions, soi-disant pour éviter le pire. Les travail-leurs ont fait les concessions, mais le pire est arrivé quand même. Il n’y a pas de voie pacifique car le pa-tronat ne veut pas de paix avec le monde du travail, il lui mène une guerre sans pitié, c’est la lutte des classes.
Voilà pourquoi les communistes pensent qu’il est né-cessaire d’en finir avec le capitalisme.
Le communisme est, au fond, une idée simple : mettre en commun les outils de production et organiser le fonctionnement de l’économie de façon collective et consciente, en répartissant le travail entre tous de façon à satisfaire les besoins légitimes de chacun.
Il est évident que cette idée est à l’opposé du capita-lisme. Pour qu’elle puisse se réaliser, il faut renverser le système économique et politique actuel. Il faut que le pouvoir passe des mains d’une minorité dans celles de la majorité. Et cela ne se fera pas sans une lutte entre les travailleurs et les capitalistes.
Ce n’est pas facile. Les capitalistes sont organisés, ils ont le pouvoir, ils disposent des médias et surtout ils profitent de leur monopole sur le travail pour mettre le couteau sous la gorge des travailleurs. L’État est à leur service, avec sa justice, sa police et, au besoin, son ar-mée. On voit avec quel zèle la moindre manifestation est réprimée.
Mais de leur côté, les travailleurs ont pour eux leur nombre et leur rôle central dans l’économie : ce sont eux qui produisent toutes les richesses. Ce sont donc eux les seuls à pouvoir changer les choses.
Pour cela, ils doivent arracher le pouvoir économique à ceux qui l’ont aujourd’hui, leur reprendre la gestion des usines, des mines, des terres, de l’énergie et des transports. Alors, il deviendra possible de commencer à réfléchir collectivement à la meilleure manière de gérer l’économie.
Une telle transformation se prépare, s’organise. C’est le rôle d’un parti communiste, qui reste à construire. Les communistes ne sont pas des politiciens, mais des travailleurs conscients de la nécessité de changer le monde, conscients qu’on ne peut pas s’accorder avec le patronat et qu’il faut absolument rétablir un rapport de force favorable aux travailleurs pour à terme mettre en place une société juste et égale, pour les hommes et les femmes de tous les pays.

Il y a 60 ans, des millions de grévistes faisaient trembler la Belgique

La grande grève de l’hiver 60-61 a été l’un des événements marquants de l’histoire du mouvement ouvrier en Belgique. Le gouvernement était alors dirigé par Eyskens du PSC (aujourd’hui le CdH). Il avait mis le feu aux poudres avec un plan d’austérité appelé « Loi Unique » qui prévoyait d’augmenter les taxes et les cotisations tout en remettant en cause les droits acquis en matière de pension et d’invalidité. Le PS et la FGTB, le syndicat majoritaire à l’époque, s’étaient prononcés contre mais hésitaient et ne faisaient pas mine d’organiser une quelconque riposte des travailleurs, alors que leurs affiliés et les travailleurs en général réclamaient des actions.

Le 14 décembre, 60.000 personnes manifestèrent à Liège. Le syndicat et André Renard, le dirigeant liégeois de la gauche syndicale qui avait été un partisan pendant la guerre, ne prévoyaient cependant pas de grève avant janvier.

Mais le 20 décembre, las d’attendre des mots d’ordre syndicaux, les travailleurs communaux décidèrent les premiers d’entrer en grève, suivis dès le lendemain par les cheminots et les enseignants. Dans le secteur privé, les ACEC de Charleroi et Cockerill-Liège ont arrêté le travail dès le premier jour, entrainant dans leur sillage toute l’industrie wallonne mais aussi les dockers d’Anvers et les ouvriers de Gand.

La FGTB dût bien reconnaître le mouvement mais elle refusa de lancer un mot d’ordre de grève générale nationale. Un peu partout, les travailleurs de toutes les entreprises se retrouvaient quotidiennement dans les maisons du peuple pour organiser la grève, former les piquets et assurer le ravitaillement. Tout était à l’arrêt et il fallait un laissez-passer du syndicat pour franchir les barrages !

De grandes manifestations eurent lieu, rassemblant des dizaines de milliers de travailleurs dans des villes comme Liège, Charleroi, La Louvière, Anvers, Gand et Bruxelles. Face à ce mouvement massif, l’État fit appel à la gendarmerie et à l’armée, avec chevaux, sabres et fusils. Quatre ouvriers furent tués par les gendarmes et il y eut de nombreux blessés, mais pas seulement du côté des travailleurs ! Cette répression ne fit que renforcer la colère ouvrière.

Finalement, la grève cessa le 20 janvier 1961. Elle ne s’était pas essoufflée faute de combativité ouvrière, bien au contraire, mais en l’absence de perspectives venant de leurs dirigeants, les travailleurs sont restés désemparés. Beaucoup n’attendaient du syndicat, et de Renard en particulier, qu’un signal pour marcher sur Bruxelles, unis entre travailleurs de toutes les régions et de tous les métiers pour faire tomber le gouvernement Eyskens. Mais les dirigeants syndicaux ne le voulaient manifestement pas.

Au contraire, dès qu’elle le sentit possible, la direction de la FGTB fit reprendre le travail. Dans certains endroits, comme à Liège, les bureaucrates syndicaux firent voter plusieurs fois les travailleurs jusqu’à ce que le vote soit en faveur de la reprise. Finalement, c’est la tête haute, avec le drapeau rouge et en chantant l’Internationale, que les travailleurs sont retournés au travail.

Bien que la majorité des travailleurs flamands soient affiliés à la CSC et que ce syndicat se soit ouvertement opposé à la grève, bien que l’Église catholique ait pesé de tout son poids contre le mouvement, la grève était générale en Flandre également. Cela n’a pas empêché Renard de mettre en avant le fédéralisme au lieu de continuer la grève contre la Loi Unique, sous prétexte que les Flamands auraient été moins grévistes que les Wallons. Il y avait pourtant de nombreux grévistes à Gand et à Anvers, ainsi que d’importantes manifestations. Il aurait été tout à fait possible de renforcer les liens qui se faisaient entre les grévistes du Nord et du Sud. Mais, cela aurait été trop dangereux pour la bourgeoisie et ni la FGTB ni Renard n’en voulaient. 

Les nationalistes flamands d’aujourd’hui ont eu il y a 60 ans des prédécesseurs socialistes qui prétendaient œuvrer à la défense de la classe ouvrière. Qu’ils se disent de droite ou de gauche, le nationalisme est un poison pour les travailleurs.   

Le monde du travail a prouvé maintes fois que ce n’étaient ni la combativité ni le courage qui lui faisaient défaut. En revanche, il nous manque un parti ouvrier avec des idées révolutionnaires, un parti communiste avec un programme politique capable afin que plus jamais les travailleurs ne laissent leur sort entre les mains de ceux qui, au bout du compte, les livrent pieds et poings liés à leurs adversaires.

Le virus du profit continue de sévir

Voilà un an que la pandémie sévit dans le monde et, bien sûr, en Belgique aussi. Les premières réactions des gouvernements de la plupart des pays ont démontré le manque total de préparation face à une situation qui était néanmoins prévisible. Pas assez de masques, plus de place dans les hôpitaux et autant de conséquences d’une politique d’économies au détriment de la santé publique. La suite des décisions chaotiques, un confinement total suivi d’un déconfinement prématuré ont permis à une deuxième vague de se répandre. 

Depuis un an, les regards sont rivés sur les chiffres de la pandémie, le nombre de malades, d’hospitalisés, de morts. Tous les regards ? Pas vraiment. Le patronat, lui, n’a jamais quitté ses profits des yeux, la santé des affaires passe pour lui bien avant celle de la population.

Même les indépendants et les petits patrons de l’Horeca par exemple, ont bénéficié des aides de l’état. Certes, si le ministre des classes moyennes a veillé au grain, c’est par calcul politique afin de soigner l’électorat du MR. Ces mesures n’empêcheront pas que le café du coin ou la marchande de vélo ne mettent la clé sous la porte.

En revanche, les travailleurs n’ont rien vu venir. Le chômage économique profite surtout au patron et maintient à peine le salaire des travailleurs qui y ont droit. 

Les travailleurs n’ont pas reçu de prime, les chômeurs non plus et les travailleurs au noir, si appréciés des petits patrons, se sont retrouvés sans aucun revenu avec juste leurs yeux pour pleurer. Et si le personnel de santé s’est vu promettre quelques sous, les critères ne cessent de s’accumuler pour restreindre le nombre des bénéficiaires, comme dans le cas des infirmiers des prisons qui travaillent pourtant dans des endroits où les contaminations sont nombreuses et auxquels le gouvernement refuse la prime. 

Les actionnaires des grandes entreprises, eux, ont les moyens de voir venir. Le tourisme est à l’arrêt, mais la grande distribution, la pharmacie, la vente en ligne, le transport et l’agro-alimentaire se portent parfaitement bien, si pas mieux, sous le Covid. Le transport aérien des personnes est en chute libre, mais les marchandises circulent comme jamais auparavant. Les affaires, elles, n’ont jamais été confinées…

Ce sont pourtant ces patrons-là qui vont bénéficier des 4,9 milliards d’euros du plan de relance européen : cet argent ne va pas servir à embaucher des infirmières mais à financer des « investissements » sous le mauvais prétexte que quand l’économie va, alors tout irait bien pour les travailleurs aussi. En réalité, cet argent va juste grossir les bénéfices des actionnaires, comme avec tous les plans qui l’ont précédé.

Mais le sort réservé aux travailleurs ne fait jamais la une des journaux télévisés ! Or depuis le début de la pandémie, il y a une opposition entre les questions de santé publique et les questions économiques. Lors d’assemblées générales chez Carrefour, les travailleurs ont protesté contre le non-respect par la direction des mesures anti Covid. Il y a eu une journée d’arrêt de travail mais les CDD ont assuré l’ouverture. Ça gronde un peu partout, mais sans que cela ne débouche encore sur de vrais mouvements, même au niveau local d’une entreprise. Les syndicats se défendent d’ailleurs d’être pour quoique ce soit dans ce qu’ils appellent des « sautes d’humeur ». Comme d’habitude et sans surprise, il n’y a rien à attendre de la bureaucratie syndicale.

Bien sûr, on a parlé à juste titre du courage des travailleurs de la santé pendant la première vague. Mais depuis, le gouvernement n’a rien fait de sérieux pour alléger la pénibilité de leur travail. Tous les autres travailleurs qui ont dû continuer à aller travailler l’ont fait dans l’anonymat le plus complet. Ils ont été obligés de continuer à prendre des risques tandis que leurs patrons s’enfermaient bien à l’abri de leurs villas quatre façades pour discuter des plans de licenciements.

Solvay vient de licencier dans le monde entier, dont une centaine de travailleurs en Belgique ; à Tirlemont, Bosch licencie 400 travailleurs ; quelques jours plus tôt, Fedex avait annoncé 600 suppressions d’emplois à Liège. C’est le remerciement du patronat pour le dévouement des travailleurs. Le Covid a bon dos !

Le paradoxe est que le chômage augmente plus dans les communes riches que dans les communes pauvres ; pas parce qu’elles s’en sortent mieux, mais parce que les travailleurs pauvres sont plus vite exclus du système : pas d’Internet (30%), pas de mail (12%), pas de smartphone pour se connecter à Actiris. Dans une période comme celle-ci, où toutes les voies habituelles pour s’en sortir semblent bouchées, beaucoup de travailleurs décrochent et sombrent.

Encore et toujours, les travailleurs donnent tout et ne reçoivent rien. Pour que ça cesse, ils devront renverser ce système infecté jusqu’à l’os par le virus du profit.

Notre santé, otage des profits capitalistes

A peine lancée, la campagne de vaccination se heurte à un problème bien concret : les laboratoires ne suivent pas la cadence de livraison annoncée. Pour le vaccin AstraZeneca, il semblerait que la Belgique ne va recevoir que 650 000 doses en février au lieu des 1,5 millions promis. Pfizer et Moderna annoncent aussi des chiffres en baisse par rapport à leurs engagements.

Les annonces gouvernementales se veulent rassurantes mais il est visible que tout le calendrier est suspendu au bon vouloir des firmes pharmaceutiques. Au début, il était prévu de réserver des doses pour assurer les secondes injections, puis il a été question de prendre sur ces réserves pour avancer quand même selon le calendrier prévu ; finalement ce sera quelque chose entre les deux et il se pourrait que le délai entre les injections soit allongé, sans que personne ne semble vouloir s’engager sur les conséquences de ce retard sur la fiabilité du vaccin. Tout cela ressemble fortement aux cafouillages de l’an dernier quand les politiciens et les experts expliquaient que les masques n’étaient pas nécessaires, alors qu’il n’y en avait simplement pas…

Les laboratoires pharmaceutiques, eux, n’ont pas autant traîné pour empocher l’agent des commandes. Mais pour construire des lignes de production et embaucher, ils sont nettement moins rapides et efficaces !

L’obstacle auquel se heurte désormais la campagne de vaccination est celui de la concurrence et de la propriété privée. Pfizer et Moderna, les seuls à avoir un vaccin homologué en Europe, n’ont pas les capacités de production suffisantes. De leur côté, Sanofi, Merck ou GSK possèdent des usines, mais ils n’ont pas encore leur propre vaccin. Cela n’a malgré tout pas empêché les pays européens de signer les bons de commande pour des millions de doses de vaccins qui n’existent pas… Alors, pourquoi les labos s’en feraient-ils ?

Le bon sens et l’intérêt collectif voudraient que ces laboratoires travaillent ensemble et qu’ils mettent en commun brevets et moyens de production pour produire au plus vite et massivement les vaccins susceptibles de sauver des vies. Mais, concurrence et profit obligent, Pfizer et Moderna veulent garder le contrôle de la poule aux œufs d’or ; quant à Sanofi, il ne fera que ce que lui dictent ses profits et, pour l’heure, il continue de chercher à mettre au point son propre vaccin.

Les scientifiques ont mené une véritable course contre la montre et ils ont réalisé, en dix mois, ce qui prend habituellement plusieurs années. Maintenant, un temps précieux va être perdu à cause des calculs de rentabilité des uns et des autres. La propriété privée, la loi du profit et la concurrence sont les causes de ce gâchis.

Les États ont leurs plans de vaccination, mais les multinationales pharmaceutiques ont le dernier mot en fixant leurs prix, leurs délais et leurs volumes. Les gouvernements leur demanderont poliment d’accélérer les cadences, mais en bons défenseurs de la propriété privée, ils s’inclineront devant les choix des labos.

Les labos pharmaceutiques imposent leur diktat en vertu de la sacro-sainte propriété privée. Mais d’où viennent ces capitaux privés sinon de l’exploitation des travailleurs ! Et combien de ces capitaux proviennent du pillage de l’argent public ?

Le domaine de la santé est un de ceux que les États subventionnent le plus. Combien les gouvernements ont-ils dépensé pour aider la recherche sur les vaccins ? Combien ont-ils avancé pour qu’ils soient développés ? Combien de subventions les usines de production encaisseront-elles ? On n’arrive même pas à le savoir parce que toutes ces informations sont tenues secrètes.

Ce qui est exclusivement privé, ce sont les profits et les dividendes. Et cette crise sanitaire est le jackpot pour les labos. On le voit aussi avec les tests PCR : ils sont facturés 46 € en Belgique, 50 € en Allemagne, 30 à 40 € en Espagne… et 73,59 € en France. Pourquoi ces différences ?

En décembre, suite à une bourde, les prix des vaccins avaient été temporairement rendus publics et il a été possible de voir que le coût pour la sécurité sociale serait de 280 millions d’euros. C’est ce que vont empocher les labos, rien que pour la Belgique et rien que pour cette année.

A un moment ou à un autre, c’est à nous que la facture sera présentée, au plus grand bonheur des labos.

L’opacité des contrats et des prix, la rapacité des trusts pharmaceutiques, les difficultés de production et de livraison illustrent les tares du capitalisme. Il n’y aura rien de collectif et de constructif dans cette société tant que domineront la propriété privée des grands moyens de production, les lois du marché et la concurrence. Il faut les combattre parce qu’elles représentent un incroyable gâchis. Imposer la suppression des brevets et du secret commercial, imposer le contrôle ouvrier sur la production, et l’expropriation des grands groupes capitalistes, c’est une nécessité pour tous !

Un coup de semonce

La procédure de confirmation du nouveau président américain, Joe Biden, a été interrompue par une foule furieuse de partisans de Trump, arborant des casquettes à son effigie et parfois armés, qui a envahi le Capitole de Washington, où se trouvent l’assemblée nationale et le Sénat. Cela ne s’était jamais vu en deux cent ans d’histoire des États-Unis.

La police a été complètement débordée. Il a fallu des heures pour que la garde nationale soit appelée en renfort et elle est arrivée au compte-gouttes. Il était frappant de voir la mollesse avec laquelle la police a fait évacuer les lieux, repoussant lentement des émeutiers qui n’avaient pas trop l’air de s’en faire. Il n’y a eu que quelques dizaines d’arrestations et ni blindés ni hélicoptères militaires comme c’est le cas lors des manifestations de Black Lives Matter. On ne peut s’empêcher de penser que si les manifestants avaient été noirs, ils auraient été tués avant même de s’approcher du bâtiment. 

En tout cas, les responsables de la police ne peuvent pas prétendre ne pas avoir été au courant, puisque cela fait des semaines que Trump appelle ses troupes à manifester contre le résultat des élections et qu’elles ont déjà montré ce dont elles étaient capables dans leurs débordements contre le port du masque ou en attaquant les manifestants de Black Lives Matter, sans d’ailleurs jamais être inquiétées par la justice. 

Les “ultras” de Trump sont un mélange hétéroclite de tout ce que le capitalisme américain rejette par en bas : petits patrons menacés par le grand commerce, indépendants anti-impôts qui voudraient exploiter leurs salariés sans contraintes, fermiers ruinés et toute une clique de suprématistes blancs, pro-nazis et tenants de diverses sectes complotistes. 

Certes, on peut trouver choquant que le président de la plus grande puissance du monde, qui donne des leçons de « démocratie » au monde entier, appelle ses supporters à monter à l’assaut du congrès parce qu’il refuse de reconnaître sa défaite aux élections. L’ancien président Bush a comparé la situation à celle d’une « république bananière » ! Une partie des élus républicains, ceux dont la base électorale est plus modérée, ont fini par lâcher Trump plus ou moins ouvertement. Après trois ans, onze mois et vingt jours de soutien sans faille, on ne peut pas vraiment parler de courage politique !

Ce coup d’éclat de Trump, qui pourrait le faire passer, une fois de plus, pour un fou furieux, est un calcul politique. Il fait passer un message à ses électeurs auxquels il dit « je vous ai compris » et je suis avec vous contre le système. En même temps, il fait une démonstration de force vis-à-vis des autres républicains qui seraient un peu trop pressés de retourner leur veste. 

Ce n’est donc pas parce que Trump va quitter le pouvoir que sa politique ne va pas continuer. Car Trump n’est pas un clown de foire arrivé là par accident. Les gesticulations, c’est pour la galerie, c’est pour démontrer sa capacité à récolter des voix sur son nom ; mais, en réalité, il a été soutenu dès le début et continue à être soutenu par une partie importante de la grande bourgeoisie américaine, celle qui domine le monde et qui compte sur lui pour maintenir l’ordre social dans un pays où les inégalités sont parmi les plus importantes du monde. Il est en ce sens comparable à un Orban ou à un Bolsonaro qui, eux aussi, jouent aux amis du peuple avec un programme économique et politique anti-ouvrier. Trump s’attaque à la Chine au nom de l’emploi américain, alors que la première menace sur l’emploi vient des patrons américains eux-mêmes.

Il n’y a pas et ne peut pas y avoir de réelle démocratie dans un système capitaliste, quand une minorité de grandes familles ultra-riches tient entre ses mains le pouvoir économique, a quasiment un droit de vie et de mort sur des millions de travailleurs, et le pouvoir de faire ou défaire les présidents. Malgré tout, la démocratie, même à la sauce bourgeoise, est un cadre qui permet aux travailleurs de s’organiser et de défendre leurs droits, leurs emplois et leurs salaires. 

 En revanche, cette attaque montre la fragilité des acquis démocratiques et qu’une partie de la grande bourgeoisie est prête à soutenir des politiciens avec un programme répressif. Les ultras de Trump seront les premiers recrutés pour briser les grèves ou assassiner militants politiques et syndicalistes.

Biden, s’il n’est pas aussi riche que Trump, sert tout autant les intérêts patronaux. Il a déjà promis d’injecter des milliers de milliards de dollars dans l’économie, qui serviront avant tout à augmenter les profits des grands actionnaires. Contre les attaques directes d’un Trump et de ses nervis ou celles, plus doucereuses, d’un Biden, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes, leur détermination et leur mobilisation.

La violence policière, reflet de la violence sociale d’une société injuste

En Belgique comme en France, les violences policières font l’actualité.

En Belgique, la justice a mis le feu aux poudres à Anderlecht en demandant un non-lieu dans l’affaire d’Adil, ce jeune homme qui a trouvé la mort dans une course poursuite avec la police suite à un contrôle Covid. Il y a l’affaire Chovanec, du nom de ce voyageur qui a été étouffé en cellule, tandis qu’une policière faisait le salut nazi devant la caméra. Dans l’affaire Mawda, le policier qui a tiré et tué la petite fille s’en tirerait avec tout au plus un an de prison – contre 7 à 10 pour le chauffeur de la camionnette de migrants. En septembre dernier, un commissaire a été mis de côté suite à la répression violente d’une manifestation pacifique pour la défense des soins de santé.

En France, il y a, entre autres, le cas de Zineb, une dame de 80 ans tuée à sa fenêtre par une grenade lacrymogène pendant une manifestation des gilets jaunes. Il y a Michel Zecler, tabassé chez lui par la police pour n’avoir pas porté de masque.

En France comme en Belgique, ces affaires n’auraient pas eu un tel retentissement si des familles, des amis ou des militants ne s’étaient pas mobilisés. Michel Zecler serait peut-être encore en prison si son passage à tabac n’avait pas été filmé, car la police l’avait mensongèrement accusé de rébellion. Cela illustre bien à quoi va servir la loi dite de « Sécurité globale » de Macron, qui veut justement interdire de filmer la police ! Dans l’affaire Mawda, la police belge a d’abord tenté de cacher que la petite fille avait été tuée par balle. Dans tous les cas, les gouvernements ont été solidaires de la police, tentant de minimiser la gravité des faits ou d’en limiter la portée en parlant de « cas individuels », voire en discréditant les victimes.

Cette solidarité sans faille a une cause profonde : la police est un outil essentiel pour la défense de l’ordre établi, avec tout ce qu’il comporte d’inégalités et d’injustices. Pourchasser les bandits et les voleurs est certes un travail utile mais le premier rôle de la police reste la répression.

Comment un système oppressif et injuste comme le capitalisme pourrait-il survivre, avec sa minorité de super-riches et une immense majorité de travailleurs, chômeurs et pensionnés qui vivent dans l’insécurité financière permanente, à la limite de la pauvreté ? Il est évident qu’un tel système ne peut qu’engendrer des révoltes. La police est justement là pour les réprimer.

Pour atteindre leurs objectifs sécuritaires, la hiérarchie policière et les ministères de l’Intérieur, ne sont pas très regardants sur qui ils embauchent. N’importe quel candidat fait l’affaire tant qu’il est prêt à manier la matraque avec vigueur sur les têtes ouvrières. Qu’ils soient d’extrême-droite, racistes ou anti-pauvres ne gêne personne, bien au contraire ! Il ne faut pas s’étonner alors de voir ce genre de policiers tabasser des quidams sur base de leur couleur de peau, gazer des manifestants ou tirer des grenades à tout-va. Et quand les bavures ont lieu, il est toujours temps pour les ministres de tirer sur un lampiste et discourir hypocritement sur la moralisation de la police et la nécessité d’y donner des formations contre le racisme.

Dans une période de crise économique et sociale comme celle que nous traversons, le risque d’une explosion sociale est d’autant plus grand que les injustices s’accroissent et que le poids de la crise pèse plus lourdement sur les épaules des classes populaires. Les gouvernements le savent bien et, non seulement ils ne vont rien faire contre, mais ils se préparent à faire payer la dette liée à la crise du Covid au monde du travail, par plus d’austérité, plus de flexibilité, plus de chômage. Alors, ils se dotent de tous les moyens pour faire face aux mouvements sociaux qui pourraient les faire vaciller du pouvoir. Ils fourbissent leurs armes, autopompes et caméras de surveillance, et votent des lois qui leur laissent les coudées franches. En Belgique, le MR voudrait une loi qui interdise les grèves « disproportionnées ». En France, la nouvelle loi de sécurité permettrait d’enrôler les agents de sécurité dans des missions de police, ce qui donnerait virtuellement au gouvernement une armée de 500 000 hommes en cas de besoin. Et c’est sans compter les nombreuses législations anti-terroristes, qui sont prêtes à servir contre les travailleurs en lutte et toutes les organisations de la classe ouvrière.  

Le gouvernement Macron n’est ni le premier ni le dernier à établir une politique autoritariste et policière. Une partie de la bourgeoise belge et les libéraux rêvent déjà de l’imiter. Les travailleurs devront se défendre pied à pied par la grève et les manifestations. 

Aux USA comme ailleurs, la perspective des travailleurs, c’est la lutte

Deux semaines après la proclamation du résultat quasi-définitif des élections américaines, Trump refuse toujours obstinément de reconnaître sa défaite. Il ne se passe pas un jour sans qu’il tweete un mensonge de plus sur les « élections truquées » et qu’il prétende que c’est lui qui a gagné, tout en multipliant les actions en justice contre les résultats.

Les politiciens et les médias se font l’écho de ces fanfaronnades de mauvais perdant et s’inquiètent du fait qu’elles sapent la confiance dans la démocratie. Mais quelle confiance ? Les capitalistes, les grands bourgeois se moquent bien de la démocratie, car leur richesse ne dépend d’aucun électeur et ils n’ont de comptes à rendre à personne. Dans un système où le vrai pouvoir est concentré entre les mains des plus riches, les élections ne peuvent être qu’une illusion visant à faire croire à la population qu’elle a son mot à dire et qu’en choisissant un président, elle est responsable de son propre malheur… jusqu’aux prochaines élections.

Néanmoins, quand le dirigeant de la plus grande démocratie du monde, celle qui est censée donner le ton au reste de la planète, se moque ouvertement du processus électoral et menace de l’usurper, il donne un signal encourageant à tous les candidats dictateurs de la planète, les Bolsonaro, Erdoğan et Orban de tous les pays, et cela n’est jamais bon pour les travailleurs.

En donnant une légitimité aux soupçons les plus farfelus, Trump encourage aussi les complotistes de tous bords et les milices armées d’extrême-droite aux États-Unis. Du Ku Klux Klan aux Proud Boys et autres American Legion, l’histoire des États-Unis regorge de ces groupes, racistes et fascistes, fanatiques de la gâchette et qui ne demandent qu’à se lâcher contre les Noirs et les hispaniques aujourd’hui, ou contre des travailleurs en grève demain. Trump les a invités à se « tenir prêts » tout en se gardant bien de dire ce qu’il entend par là. Avant les élections, cela pouvait passer pour une flatterie vis-à-vis de son électorat le plus réactionnaire. Mais de là à penser que Trump préparerait un coup d’État ou une guerre civile, il y a quand même un fossé. Certes, Trump travaille pour lui-même et il est prêt à tout pour rempiler. Mais il doit défendre au bout du compte l’intérêt général de la grande bourgeoisie américaine et rien n’indique qu’elle soit prête à passer à une dictature ouverte contre les travailleurs, avec ce que cela implique de risques de déstabilisation et de luttes sociales. 

En tout cas, il serait illusoire, voire même dangereux, de penser que Biden et les Démocrates soient d’une protection quelconque contre cette extrême-droite violente. Certes, les Démocrates se disent opposés à ces milices, mais ils ne proposent aucune autre alternative que la justice et la police, qui sont elles-mêmes souvent sympathisantes de ces idées nauséabondes.

Dans les années 1930, les militants de la fédération syndicale CIO ont cessé d’appeler la police ou le FBI et ont fait taire eux-mêmes les milices fascistes de l’American Legion. Plus tard, ce sont les mobilisations des années ‘50 et ‘60 qui ont fait ravaler leur morgue aux clowns sinistres du KKK.

Même si on en parle peu dans les médias européens, le monde du travail américain a su se faire entendre à bien des reprises. En 2019, par exemple, 46 000 ouvriers de General Motors ont fait six semaines de grève et ont obtenu des primes ; une série de grèves des enseignants de plusieurs États américains leur ont permis d’obtenir des augmentations de salaires et elles ont culminé avec la grève des enseignants de 900 écoles de Los Angeles ; il y a eu aussi cette grève des 31 000 salariés de la chaîne de supermarchés Stop & Shop. On pourrait en citer encore bien d’autres. L’année 2020 a été marquée par le mouvement Black Lives Matter, en réaction aux nombreux assassinats de Noirs par la police. Ce mouvement n’a pas la nature ouvrière, ni l’ampleur, des grandes révoltes des années 1960 qui ont fait trembler l’Amérique, mais il rassemble néanmoins toute une jeunesse qui ne supporte plus le racisme arrogant de la police et du gouvernement.

Ces luttes montrent que même au pays du capitalisme conquérant, les travailleurs ne sont pas prêts à se laisser faire. Ce sont par ces luttes que les travailleurs américains, quelle que soit leur origine, pourront, on l’espère, s’unir et faire reculer le patronat, malgré les futures capitulations des Démocrates, et claper leur bec à Trump et à ses sbires.

Trump s’en va, le capitalisme reste

C’est finalement le candidat démocrate Joe Biden qui a remporté l’élection présidentielle américaine. L’annonce a été accueillie avec joie par un grand nombre d’américains qui ont fêté avec un soulagement bien compréhensible la fin du règne de Trump. Pourtant, les travailleurs américains n’ont rien à attendre de Biden, et beaucoup en sont d’ailleurs bien conscients.

L’importance de la participation électorale et le grand nombre de bulletins envoyés par la poste ont ralenti le processus de dépouillement et il aura fallu plusieurs jours pour avoir des résultats définitifs. Aux États-Unis, le président est élu indirectement par un collège électoral dans lequel chaque État américain envoie un certain nombre de « grands électeurs », déterminé en fonction de sa population. Chaque État a ses propres règles mais en général, la totalité des grands électeurs d’un État est attribuée au candidat qui y a obtenu la majorité. Il est donc possible, comme ce fut le cas en 2016, d’avoir la majorité des voix au niveau national, mais d’être minoritaire en nombre de grands électeurs. 

Heure après heure, Trump a vu ses chances de réélection fondre comme neige au soleil et il s’est fendu d’une série de ses habituelles déclarations provocatrices et souvent contradictoires sur le fait que les élections étaient truquées, que le vote par correspondance était illégal et autres fantasmagories complotistes qui lui sont habituelles et le font plus ressembler à un autocrate qu’au président d’une démocratie bourgeoise.

Son parti le soutient encore fidèlement. Avant les élections, déjà, les Républicains ont tenté de d’influencer les résultats en rayant des listes électorales autant de pauvres, de noirs et de latinos que possible, en tentant de saboter le vote par correspondance, ou encore en réduisant le nombre de points de vote pour décourager les électeurs. On a même vu la police charger et disperser une manifestation pacifique de Noirs américains qui se rendaient ensemble au point de vote.

Même si une partie des députés et sénateurs républicains prend ses distances avec les discours de Trump sur son élection volée à cause des fraudes ou sa demande de le déclarer vainqueur d’office, ils n’en sont pas encore arrivés au point de le lâcher complètement. Preuve, s’il en fallait une, que tout clownesque qu’il soit, Trump représente une réelle majorité au sein de son parti.

Trump est dénigré en Europe pour ses tweets douteux, sexistes et racistes, pour ses mensonges outranciers et ses provocations qui le font passer pour un demeuré. Et pourtant, malgré quatre ans de ce régime, les démocrates n’ont pas obtenu le raz de marée électoral qu’ils espéraient. Dans les États cruciaux, le vote s’est parfois joué à un demi-pourcent près. Les élections législatives et sénatoriales, qui ont lieu en même temps, n’ont pas amené de réel bouleversement de majorité.

Et ce n’est pas la faute aux abstentions comme en 2016, ni même aux manœuvres électorales des républicains. D’une part, Biden ne convainc pas, et de l’autre Trump conserve une solide base.

Pendant ses quatre ans de présidence, Trump a fait le boulot pour la bourgeoisie américaine. Il a baissé les impôts sur les sociétés et sur les hauts revenus. Lorsque la crise sanitaire et économique est arrivée, il a arrosé les patrons, grands et petits, à coups de milliards de dollars tandis que des millions de travailleurs se retrouvaient au chômage, voire à la rue faute de pouvoir payer leur logement.

Trump apparaît même aux yeux d’une certaine frange de travailleurs comme celui qui a défendu la relocalisation des emplois aux États-Unis grâce à sa politique nationaliste et ses airs de dur à cuire face à la concurrence chinoise ou à l’immigration mexicaine.

Il a donné une voix officielle au racisme et aux idées religieuses les plus réactionnaires, contre l’avortement, contre les minorités, contre les pauvres en général. Il a permis à l’extrême droite de répandre ses idées nauséabondes en les faisant passer pour la seule issue à la crise économique qui pousse des millions de travailleurs vers la misère.

Ce n’est pas un Biden qui va pouvoir enrayer ce phénomène, lui qui a fidèlement servi les intérêts des capitalistes pendant 50 ans, qui a défendu le durcissement et l’allongement des peines de prison dans les années 1990, ce qui a touché principalement la jeunesse noire et pauvre. Le parti démocrate a mis en avant quelques représentants plus progressistes pour attirer le vote des couches populaires, des jeunes et des minorités, mais il reste fondamentalement un parti pro-patronal et, en rejetant toute une partie de la population dans la pauvreté, il contribuera aux succès des futurs Trump.

 La seule alternative viendra du monde du travail américain. Il a su par le passé se mobiliser contre la guerre ou la ségrégation raciale, il a la force de le faire pour disputer à la bourgeoisie son contrôle sur l’économie et la société.